Les commerces de proximité sont des cibles particulièrement exposées en matière de sécurité, une situation qui contribue à expliquer l’explosion des dépenses consacrées à la protection des établissements de toutes tailles ces dernières années. Selon une récente étude de l’INSEE, l’activité de la sécurité dans son ensemble, domaine recouvrant la sécurité privée (gardiennage et transport de fonds, principalement) et les systèmes de sécurité (installation et maintenance de dispositifs de verrouillage, surveillance et surveillance à distance de systèmes de sécurité), a progressé en moyenne de 3,8 % en valeur par an de 2010 à 2017, pour atteindre un chiffre d’affaires global de 7 Md e en France.
Si de simples mesures de vigilance peuvent contribuer à limiter les risques de vols, d’intrusion ou de dégradations dans les commerces (lire encadré), un certain nombre d’investissements matériels sont désormais devenus indispensables pour renforcer la prévention des risques. « Le commerce doit être équipé en matériel de sécurité », expliquait déjà la chambre de commerce de Paris Île-de-France dans un rapport de 2013 sur l’insécurité dans les commerces. « Ce matériel de protection est d’autant plus important qu’il peut être exigé par les assurances et être un facteur de remboursement », justifiait-elle. Les chambres de commerce de plusieurs départements de la région parisienne (la Seine-Saint-Denis et l’Essonne, en particulier) ont élaboré ces dernières années des guides listant les actions, mais aussi les équipements mécaniques, « que tout commerçant devrait, si nécessaire, avoir dans sa boutique ».
La première exigence consiste à se doter d’équipements « passifs » efficaces. Il s’agit d’abord de rideaux de protection équipés d’un ancrage central au sol et de serrures de sécurité, qui doivent être homologuées A2P. Cette certification collective est destinée à identifier les produits certifiés par le Centre national de prévention et de protection (CNPP), expert en prévention et en maîtrise des risques. Plus de 90 % des membres de l’association CNPP sont des entreprises d’assurances, adhérentes de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) et du Groupement d’entreprises mutuelles d’assurances (GEMA). Concernant les portes de service, il faut qu’elles soient pourvues d’une huisserie solidement fixée ou ancrée dans le mur. Enfin, installer un système d’alarme constitue une solution efficace et dissuasive pour limiter les risques d’intrusion.
Le boom de la vidéosurveillance
Naguère réservés à la surveillance des lieux publics et des grands magasins, les équipements vidéo à usage professionnel se sont imposés ces dernières années dans les commerces de moyenne ou petite taille. Selon la société d’études américaine MarketsandMarkets, le marché mondial de la vidéosurveillance devrait passer de 37 Md$ en 2018 à plus de 68 Md$ d’ici 2023, avec un taux de croissance annuel de 13,1 % entre 2018 et 2023. Une croissance qui s’explique évidemment par une demande soutenue de la part des entreprises.
Plusieurs facteurs expliquent cet engouement. Dissuasive pour la sécurité des produits et des personnes présentes à l’intérieur des locaux professionnels, la vidéosurveillance permet d’intervenir rapidement en cas d’incident matériel ou pour identifier des mouvements inhabituels, des objets abandonnés ou des risques d’effraction hors des heures d’ouverture. Les dispositifs actuels, à l’efficacité grandissante, sont également devenus très abordables, les caméras sans fil et les systèmes IP étant faciles à installer et peu onéreux.
Complémentaire à la vidéosurveillance, la télésurveillance permet de déléguer à 100 % la sécurité de l’entreprise ou du commerce. En cas d’alerte, le centre de télésurveillance reçoit et traite l’alerte directement. Ces solutions donnent lieu à des abonnements accessibles pour les commerces les plus modestes (à partir d’une quarantaine d’euros par mois avec du matériel loué). Des financements spécifiques permettent le cas échéant de faire face à ces investissements, comme le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), qui a pour vocation de répondre aux menaces pesant sur l’existence des services artisanaux et commerciaux de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales liées, notamment, à l’insécurité.
Les solutions clés en main négociées par les assureurs
Mais les assureurs eux-mêmes ont mis en place des programmes visant à rendre accessibles ces matériels au plus grand nombre de commerçants de proximité. « La MAPA a mis en place il y a plusieurs années, à destination de ses sociétaires, une solution de télésurveillance pour les commerces, MAPA télésurveillance, explique Lionel Mansiat, responsable de l’assureur mutualiste pour la région Île-de-France. C’est un service spécifique, complémentaire à la prime d’assurance ». Trois packs correspondant aux différents besoins des commerces ont été négociés par l’assureur dédié aux professionnels de l’alimentaire (MAPA est particulièrement bien implanté chez les boulangers et les bouchers), avec un partenaire national spécialisé dans la télésurveillance, IMA Protect. « Les différentes formules incluent l’installation et la mise à disposition d’un système d’alarme professionnelle de haute technologie et évolutif permettant de protéger ses locaux et ainsi de préserver son activité, ses stocks, ses données et de rassurer son personnel, précise Lionel Mansiat. Le pack de base inclut le diagnostic sécurité, la location du matériel et sa maintenance par un professionnel agréé ou l’information sur les coupures de secteur ; les autres prévoient également le déplacement d’un agent de sécurité, l’information des forces de l’ordre, le gardiennage du site ou un bilan de situation personnalisé. »
Selon Lionel Mansiat, la formule rencontre un grand succès auprès des sociétaires de MAPA. « Les taux de satisfaction atteignaient 98 % l’année dernière », se félicite le responsable régional, qui estime « qu’il existe encore d’importantes marges de développement pour ce type de solutions ». « La sécurité des commerces est une question globale à laquelle nous avons souhaité apporter également des réponses globales, précise-t-il. Nous avons ainsi étendu le principe de solutions négociées avec des partenaires à d’autres domaines, comme la protection détection incendie, pour laquelle nous travaillons avec Chronofeu et au contrôle des installations électriques, via un partenariat avec Véritas ». Les commerçants ayant recours à ces solutions négociées avec leur assureur peuvent en outre prétendre, sous conditions, à des suppressions de franchise.
Le contexte sécuritaire tendu de ces dernières années a enfin conduit l’assureur à proposer des garanties spécifiques pour les pertes de chiffre d’affaires exceptionnelles liées à un sinistre (terrorisme, vol, vandalisme, etc.) ou un pack « fermeture administrative » liée à l’interdiction ou à l’impossibilité d’accéder à son commerce ». « C’est une formule que l’on propose depuis deux ans et qui est en fort développement, en raison de la multiplication des décisions entraînant la fermeture momentanée des commerces », conclut Lionel Mansiat.
Bruno Carlhian
Vidéosurveillance : une pratique très encadrée
L’installation d’un système de vidéoprotection dans des commerces est strictement encadrée. Les formalités diffèrent selon les lieux filmés. Si les caméras filment des lieux ouverts au public comme les espaces de vente, le dispositif nécessite une autorisation préfectorale. Le formulaire peut être retiré auprès des services de la préfecture du département ou téléchargé sur le site internet du ministère de l’Intérieur (www.interieur.gouv.fr). La procédure peut être longue. Dans le cas où les caméras filment des lieux non ouverts au public (lieux de stockage, réserves, etc.), il est nécessaire d’en faire préalablement une déclaration à la CNIL si les enregistrements collectés font l’objet d’un traitement informatisé. Si l’organisme qui a mis en place ces caméras a désigné un correspondant informatique et libertés (CIL), aucune formalité n’est nécessaire, précise le site de la CNIL. Il est important de souligner que les images enregistrées ne doivent être accessibles qu’à la direction du commerce ou aux responsables de la sécurité. Les clients doivent être informés de l’existence du dispositif au moyen de panneaux affichés de façon visible, de son responsable, de la base légale du dispositif, de la durée de conservation des images (elle ne doit pas excéder un mois), de la possibilité d’adresser une réclamation à la CNIL et des modalités concrètes d’exercice de leur droit d’accès aux enregistrements visuels les concernant.

Les mesures préventives à engager
• Ne pas multiplier les trousseaux de clés dans les locaux professionnels, ne les remettre qu’à ses plus proches collaborateurs.
• Ne pas laisser à portée tout ce qui peut aider un voleur (échelle, outils, etc.).
• Être particulièrement vigilant lors de l’ouverture et de la fermeture de l’entreprise, car ce sont des moments sensibles. Éviter de laisser un vendeur seul dans l’établissement, notamment au moment de la fermeture.
• Être vigilant aux allées et venues inhabituelles ou au stationnement, au moteur tournant d’un véhicule à deux ou quatre roues aux abords de l’entreprise.
• Limiter l’encaissement en vidant régulièrement la caisse.
• Ne pas compter de sommes d’argent à la vue de tous.
• Ne pas laisser d’argent ou le fonds de caisse dans les locaux après la fermeture.
• Ne pas avoir de téléphones portables personnels en magasin. Cette recommandation est aussi valable pour les salariés.
La vidéoprotection renforcée sur le marché de Rungis
À l’issue d’une longue réflexion entamée en 2017, la sûreté générale du marché de Rungis a été réorganisée en profondeur à la rentrée 2018. « L’un des objectifs visés par cette restructuration est d’optimiser l’utilisation des moyens de vidéoprotection (mur d’images, réseau vidéo) et de les mettre en synergie avec une équipe d’intervention propre à la Semmaris, mieux équipée », explique Rodolphe Devedija, responsable de la sûreté générale du Marché. L’équipe de la SGM a ainsi vu passer ses effectifs de 6 à 21 personnes. « Le but est avant tout de renforcer les mesures de protection en faveur des usagers du Marché et de nos mandataires », précise l’ancien sous-officier de gendarmerie qui a officié au GIGN pendant près de vingt ans. Par rapport à la vidéosurveillance – le Marché est déjà équipé de 350 caméras –, la vidéoprotection permet de passer à un mode actif en mettant en synergie les moyens humains et techniques de manière à ce que les équipes d’intervention de la Semmaris, ou les forces de l’ordre selon les cas, puissent être encore plus réactives lorsqu’un acte délictueux ou un incident survient sur le Marché. La nouvelle organisation comporte également un volet sur les dispositifs de cybersécurité du Marché, qui ont été renforcés en 2017.