Les ventes sont à nouveau favorables à la poissonnerie de détail. Selon la dernière enquête menée par Franceagrimer sur la base des fichiers Insee-Sirene, on dénombrait en 2016 en France 2 390 entreprises de poissonnerie sédentaires et 1 418 entreprises de poissonnerie non sédentaires pratiquant en moyenne trois marchés par semaine.
Ces chiffres marquent un renversement de tendance, certes modeste, mais encourageant pour cette « petite » profession des métiers de bouche dont les effectifs s’étaient beaucoup érodés. De 3 000 entreprises en 2000, le recul du nombre d’entreprises s’est poursuivi jusqu’en 2012 pour atteindre un plancher de 2 286 entreprises. Or, depuis 2013, « le nombre d’entreprises semble se stabiliser, et même augmenter légèrement, + 4 % entre 2012 et 2016. Les établissements suivent la même tendance, avec une réaugmentation du nombre dès 2011 », relèvent les auteurs de l’« Étude de la poissonnerie de détail en France », publiée en 2017. Longtemps bousculés par la grande distribution, les poissonniers sédentaires et non sédentaires rivalisent désormais en nombre de points de vente avec les rayons poissonnerie des hypermarchés et supermarchés réunis, en dépit d’importantes disparités géographiques.
S’il est encore difficile d’expliquer les causes de cette embellie, les auteurs de l’étude relèvent que la poissonnerie de détail « dispose de réels atouts compétitifs face à la grande distribution ». Parmi eux figurent l’engouement des consommateurs pour le poisson, mais aussi la bonne image des poissonniers et leur capacité « à accompagner l’achat d’un produit reconnu pour sa complexité singulière » jusqu’au plat finalisé à la maison. « Les artisans poissonniers bénéficient incontestablement d’un retour des consommateurs à une logique de traçabilité, de qualité, de moins mais mieux, que l’on retrouve dans d’autres secteurs », analyse Pierre-Luc Daubigney, secrétaire général de la Confédération nationale des poissonniers-écaillers de France.
Une offre distincte
L’analyse de l’offre proposée par les artisans montre qu’elle se distingue sensiblement de celle des autres circuits. Le poisson acheté est toujours très majoritairement d’origine française et sauvage, même si les produits de pisciculture suscitent moins de rejet de la part des professionnels. « De manière générale, les poissonniers achètent – par rapport aux autres catégories d’acheteurs – une qualité supérieure avec des proportions significativement plus importantes de produits vivants et de qualité E », remarque l’étude. S’ils n’hésitent plus à mettre leurs fournisseurs en concurrence, les poissonniers restent également fidèles au circuit grossiste, « ces derniers apportant une solution complète d’approvisionnement (gamme étendue, service, proximité, stockage…) ». Mais l’évolution récente la plus notable, c’est l’augmentation régulière de la part des produits traiteurs dans les achats des poissonniers. Entre 2011 et 2017*, ceux-ci ont grignoté quatre points, passant de 10 à 14 % du volume total, au détriment des produits frais qui ont reculé dans la même période de 87 à 82 % en 2017. Cette gamme traiteur est majoritairement composée de produits prêts à vendre, qui l’emportent sur le fait-maison.
Selon l’étude, la diversification des poissonneries artisanales est encore beaucoup trop timide et constitue l’une des faiblesses du secteur. « Les produits de la mer frais ne sont plus suffisants pour assurer seuls l’avenir de la poissonnerie de détail, assurent les auteurs qui plaident pour le développement d’activités complémentaires. Le traiteur de la mer frais [est] un vrai relais de croissance, avec des perspectives d’innovation importantes » sur lequel la grande distribution a porté son dévolu pour compenser le recul du frais. La fabrication de plats préparés et autres spécialités serait « une opportunité particulièrement cohérente avec le positionnement de la poissonnerie de détail (artisanal, proximité…) et avec la demande des consommateurs ». « Certaines entreprises réalisent déjà un chiffre d’affaires conséquent avec le traiteur, tempère Pierre-Luc Daubigney. Les formations se sont également mises à la page, avec une épreuve de cuisine en CAP et une part importante d’enseignement dans ce domaine dans le bac professionnel d’ailleurs intitulé poissonnier-écailler-traiteur. » L’étude de Franceagrimer a aussi détecté d’importantes attentes de la part des poissonniers en matière d’information et de promotion de leur métier ou de leur activité : promotion du poisson, soutien au petit commerce et aux marchés, amélioration de la formation, etc.
Cet enjeu « exige une structuration collective efficace de la profession et une connexion stratégique avec la filière produits de la mer et les autres métiers de bouche », plaident les auteurs. La profession est aujourd’hui sur le point de répondre à cet appel. Répartis depuis 2009 entre deux organisations syndicales, la Confédération et l’Union des poissonniers, les artisans poissonniers sont précisément sur le point de conjuguer leurs intérêts. Le président de la confédération, Pierre Jessel, et son homologue de l’Union des poissonniers, Silvère Moreau, ont engagé cette année des discussions en vue de constituer une structure commune, l’Organisation des poissonniers écaillers de France (Opef) auquel adhèreraient les deux syndicats tout en conservant leur autonomie. « En pleine réforme de la formation professionnelle et alors que sont remises à plat les conventions collectives, il est important que les poissonniers disposent d’une organisation à la représentativité incontestable face aux pouvoirs publics et aux partenaires sociaux », plaide Pierre-Luc Daubigney.
Parmi les projets figure un rapprochement avec les bouchers en vue de l’adoption d’une convention collective commune. « Les deux métiers sont très proches, avec des problématiques communes. C’est du bon sens de vouloir trouver des synergies ensemble », argumente le secrétaire général.
Bruno Carlhian
* Source Via Aqua 2011 et 2017, enquête auprès de 100 poissonniers.

La poissonnerie francilienne dans le vert
Poissonnier nouvelle génération
À 23 ans, Romain Do Nascimento incarne la nouvelle génération des poissonniers français. Après un accident qui le prive d’une carrière dans l’équitation, le jeune homme choisit de tenter sa chance dans la poissonnerie et entre en 2014 au CFA de Rungis pour passer son CAP. Ses formateurs détectent vite ses qualités et l’incitent à passer un bac pro (qu’il décroche avec mention) puis le concours des MAF. « À ma grande surprise, j’ai décroché les médailles d’or départementale, régionale puis nationale en 2016 ! » dit-il modestement. À l’issue de sa formation, il reprend le fonds de commerce de la poissonnerie où il a fait son apprentissage et crée son entreprise, Le Petit Chapus. Le plus souvent présent à sa boutique de Palaiseau, ce Rabelais des jeunes talents 2017 a développé une activité de plein air sur quatre marchés de l’Essonne : Orsay, Lozère, Palaiseau et Nozay. Fidèle du marché de Rungis où il vient s’approvisionner « tous les jours », Romain Do Nascimento est entré au conseil d’administration de la Confédération de la poissonnerie et espère apporter ses idées au sein de la prochaine organisation nationale. Depuis cette année, cet entrepreneur infatigable et passionné enseigne le filetage du poisson au CFA de Rungis.
Trois questions à… Silvère Moreau,
poissonnier sur l’île de Ré, président de l’Union des poissonniers de France. Il plaide pour le rapprochement des deux fédérations patronales du secteur au sein d’une organisation dont il devrait prendre la tête.
« Il est grand temps de se rapprocher »
Un projet de création d’une structure commune entre les deux fédérations du secteur est à l’étude. Comment ce rapprochement s’est-il fait ?
Il y a un souhait des deux côtés d’assurer la représentativité des poissonniers dans leur branche. Il est essentiel que nous soyons présents dans toutes les instances où se joue l’avenir de notre profession, ce qui risquait de nous être contesté. Mais au-delà, nous avons fait le constat que les points de convergence sur la défense de notre métier au quotidien sont nombreux.
Quels sont les dossiers prioritaires de la profession ?
Nous en avons beaucoup devant nous : le choix de l’opérateurs de compétences (Opco) qui remplacera l’organisme paritaire collecteur agréé (Opca) actuel, la consolidation et le développement de la formation, les négociations avec les partenaires sociaux, des questions de filière, comme l’implantation des poissonneries en centre-ville, l’accès à la ressource, la desserte des commerces par les transporteurs, etc.
Le métier de poissonnier peut-il attirer des jeunes ?
Il faut tout faire pour que cela soit le cas, en commençant par faciliter la transmission de nos commerces. Mais oui, la poissonnerie a beaucoup d’atouts. C’est un métier où il y a du travail, des salaires décents au démarrage et des vraies perspectives.
Le saumon fumé monte en gamme
La communication collective du saumon fumé français, présidée par Jacques Trottier, directeur général de Labeyrie, a été présentée début novembre. Signé par neuf entreprises françaises, qui représentent 85 % du saumon fumé en France, cet engagement repose sur la garantie d’une qualité sanitaire, organoleptique et nutritionnelle exemplaire des produits. Elle certifie la localisation sur le territoire français de l’intégralité des étapes de préparation du saumon fumé, depuis le contrôle des poissons à l’arrivée jusqu’à leur emballage. Les entreprises engagées dans cette démarche réfléchissent encore à un logo et au moyen de communiquer les détails de cette mobilisation collective auprès du grand public. Un grand public qui sera au rendez-vous des fêtes puisque neuf Français sur dix consomment du saumon fumé à cette période. La France est numéro deux en Europe pour la consommation de saumon fumé, derrière l’Allemagne, avec 32 700 tonnes par an, dont les trois quarts sont élaborés dans l’Hexagone. La matière première, qui subit une demande mondiale de plus en plus importante, a connu une hausse de prix de 50 % depuis 2015. Du coup, le marché progresse davantage en valeur (+ 0,8 % en CAM à octobre 2018) qu’en volume (- 6,3 %). Un phénomène qui résulte de l’augmentation des prix (+ 2,1 %), mais également d’une montée en gamme des achats et d’un net décrochage des premiers prix (- 12,7 %).