Faites de la place pour les fleurs ! 5Faites de la place pour les fleurs ! 5

Faites de la place pour les fleurs !

La vente des végétaux d’ornement s’est adaptée à l’évolution des circuits de production, de distribution ainsi que des habitudes de consommation. Si le commerce b to b se développe, la visite à Rungis s’impose toujours pour les fleuristes d’Île-de-France.

Avec les premiers beaux jours, c’est l’ensemble du marché des végétaux d’ornement qui redémarre. « Les quatre mois qui vont de la mi-février à la Saint-Valentin à la mi-juin, grosse période de mariages, constituent la plus grosse période d’activité pour les fleurs coupées », indique Jérôme Quaak, le directeur-général de QFD, une enseigne historique du pavillon des fleurs de Rungis, d’abord dans la production, puis dans le négoce. « C’est au cours de cette période que se joue le résultat de l’année ».
La période se caractérise par l’afflux de certaines plantes saisonnières comme la pivoine. « Le gros de la saison commence avec l’origine Israël, puis l’Italie, le Sud de la France en mai, la région parisienne en juin, puis les Pays-Bas et la Pologne en été », précise le grossiste rungissois. « C’est aujourd’hui un produit largement désaisonnalisé grâce aux progrès réalisés en matière de transport et de conditionnement, mais il reste associé au printemps et à l’été. » Faites de la place pour les fleurs ! 1 L’autre produit emblématique, c’est bien sûr le muguet. « C’est un produit délicat, mais stratégique, car il représente un gros chiffre d’affaires sur une période très réduite d’à peine une semaine autour du 1er mai ». De mars à mai, de nombreuses autres plantes connaissent leur résurrection annuelle, comme les gerberas, les œillets, la renoncule, l’orchidée, la tulipe, la jacinthe, l’anthurium, l’arum, l’aster, le freesia, etc.
Alors que la nouvelle saison démarre, les consommateurs devraient à nouveau sacrifier cette année à la tradition bien ancrée de s’offrir des fleurs. Selon la dernière grande enquête réalisée sur le sujet *, un peu plus de la moitié des Français (53 %) achetait un végétal d’intérieur dans l’année (hors achat pour le cimetière et le deuil), soit 15 millions de foyers en 2017. Si le nombre de consommateurs reste stable, certaines tendances sont préoccupantes. Les acheteurs se recrutent surtout parmi les catégories les plus aisées et les plus âgés, les foyers modestes et les jeunes étant plutôt sous-consommateurs. Quant au budget moyen, il a tendance à baisser. À noter cependant que l’Île-de-France est relativement épargnée par ces évolutions. C’est dans cette région que l’on compte le plus grand nombre de foyers acheteurs, notamment en raison d’un tissu important de détaillants.
Faites de la place pour les fleurs !« Les achats de fleurs ont véritablement décollé dans les années 1960 et 1970, avant de connaître le contrecoup des hausses de TVA dans les années 1990, puis de se stabiliser, commente Jérôme Quaak, de QFD. Depuis une quinzaine d’années, on a ressenti à Rungis les conséquences de la pratique des achats en direct et de l’émergence des franchises avec leurs centrales d’achats. Mais je pense que nous avons passé le creux de la vague. On voit revenir ici une clientèle de fleuristes indépendants en quête de produits qualitatifs et spécifiques. »

Les fleuristes devant la GMS

La vente des fleurs au détail a en effet pour particularité d’être encore largement assurée par des fleuristes en boutique. Si la grande distribution et les artisans sont au coude-à-coude en volume (33 % contre 34 %), les fleuristes l’emportent haut la main pour les ventes en valeur de végétaux d’intérieur, avec 50 % de parts de marché, contre 19 % pour les GMS*. En ajoutant les ventes sur marché ou foire, on atteint même 57 % pour les fleuristes.
Faites de la place pour les fleurs ! 3« La grande distribution n’est jamais vraiment parvenue à percer dans le secteur, notamment parce qu’elle a toujours eu du mal à gérer la durée de vie et les pertes sur ces produits, estime Jérôme Quaak. Les fleuristes, eux, savent gérer cet aspect essentiel de l’activité ». Le grossiste rungissois estime également que les détaillants bénéficient de l’amélioration moyenne de la qualité des produits. « Certains producteurs, hollandais en particulier, qui sont les moteurs du marché, sont aujourd’hui capables d’assurer une qualité irréprochable toute l’année. »
En moyenne, la clientèle des fleuristes recherche aussi des produits plus haut de gamme. « À une époque pas si lointaine, nous vendions par exemple beaucoup de gypsophile (des petites fleurs blanches très délicates et vaporeuses, ndlr) bon marché. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, témoigne Jérôme Quaak. En revanche, on vend plus de feuillages, de produits de saison, comme les anémones et renoncules, mais aussi, de plus en plus, des roses stabilisées. »
Les comportements d’achat des fleuristes, aussi, ont changé. « La nouvelle génération a l’habitude de s’informer, voire de commander sur Internet, remarque Jérôme Quaak. C’est la raison pour laquelle j’ai ouvert à l’été 2018 un site (www.qfdrungis.fr) avec un partenaire hollandais, qui rassemble près de 1 500 références. » Il s’agit d’une plate-forme de commande, sans paiement en ligne, l’accès étant réservé pour l’instant à la clientèle de QFD. « Mes clients peuvent réserver jusqu’à midi une marchandise qui sera livrée le soir même à Rungis et qu’ils pourront enlever dès le lendemain. »
En quelques mois, la fréquentation du site a explosé. « Moins d’un an après, je constate que 15 % des commandes passent désormais par le site. La formule m’a sans doute permis de fidéliser certains clients avec des produits différents et d’en trouver d’autres, voire d’en faire revenir certains », assure-t-il. Faites de la place pour les fleurs ! 2Pour autant, Jérôme Quaak n’entend pas que la vente sur Internet constitue l’aspect essentiel de son activité. « L’e-commerce porte le risque de se couper de son client et nécessite d’être toujours proche de lui, de manière à s’assurer que la marchandise correspond bien à ses attentes. Mon plus gros client commande sur Internet, ça ne m’empêche pas de l’appeler tous les jours ! » Une nouvelle version du site, offrant des possibilités plus larges, est attendue pour les prochains mois.

Bruno Carlhian

 

 

Faites de la place pour les fleurs ! 4Pascal Mutelartisan fleuriste à Paris, préside depuis juin 2018 la chambre syndicale des fleuristes d’Île-de-France. Également président de l’École des fleuristes de Paris, il évoque pour Rungis Actualités les défis qui attendent la profession.

« Les fleuristes doivent s’adapter aux nouvelles attentes »

Que diriez-vous du métier de fleuriste indépendant aujourd’hui ?
Le métier de fleuriste connaît actuellement une période de grandes turbulences. Le marché des particuliers a été difficile l’année dernière en raison des difficultés des consommateurs en matière de pouvoir d’achat. En revanche, 2018 a été une très bonne année pour le marché de la vente de fleurs aux professionnels, hôtels, événementiels, sociétés… Or, à Paris, cette activité représente 40 % du chiffre d’affaires du marché global des fleurs coupées. Il n’empêche qu’aujourd’hui, le nombre de fleuristes indépendants a tendance à diminuer, avec la concurrence des grandes surfaces, le développement du commerce sur Internet, les grandes chaînes de franchises…

Quelles solutions préconisez-vous pour résister ?

Le fleuriste qui ne réadapte pas sa façon de mener son commerce doit s’attendre à de grandes difficultés. Il doit apporter autre chose que le simple achat : offre adaptée, conseil, professionnalisme, design de la boutique, accueil des clients… Il faut absolument valoriser la démarche des personnes qui se déplacent physiquement chez un fleuriste. Heureusement pour nous, la fleur reste un produit qui bénéficie de multiples occasions d’achat et que l’on a encore envie de personnaliser, au contraire de l’offre standardisée d’Internet.

Doivent-ils se battre aussi sur les prix ?

Le prix est très important. Le consommateur étant surinformé, si le prix n’est pas bon, il le saura tout de suite. Mais le bon prix ne veut pas forcément dire le prix le plus bas, plutôt celui qui est en cohérence avec la qualité proposée. Du coup, cela se traduit par une montée en gamme. Les fleuristes n’ont pas d’autre choix pour se différencier. Ne vont survivre que ceux qui vont avoir une proposition tendance, qualitative, originale, avec des ventes additionnelles en objets de déco… Certains organisent des cours d’art floraux, de jardinage, tout cela fait partie de la vie de la boutique. Il faut créer de l’événement, de la convivialité, de la communication.

Quelle est la tendance actuelle en matière de fleurs ?

Aujourd’hui, les clients aiment connaître les origines des fleurs qu’ils achètent. Aussi, avoir une part d’approvisionnement local, c’est positif. Malheureusement, la production française s’est considérablement réduite dans les deux grandes régions de production qu’étaient la Côte d’Azur et l’Île-de-France. Mais il reste une production de niche que les indépendants ont tout intérêt à valoriser. Ces filières rares et de qualité, locales et/ou vertueuses, n’ont pas les volumes pour approvisionner les sociétés de vente en ligne.

En quoi le marché de Rungis peut-il contribuer à se maintenir, voire se développer ce secteur ?

Tout fleuriste indépendant installé en Île-de-France qui n’achète pas au moins une partie de son offre à Rungis est voué à des difficultés. En achetant tout en direct de Hollande, il se place frontalement en concurrence avec les grandes chaînes, l’Internet et les jardineries. À Rungis, on trouve des choses qui ne vont pas se retrouver sur les grands circuits de distribution. Ça peut représenter 20 % de la gamme, mais c’est la touche qui change tout et qui va valoriser toute l’offre, avec des feuillages, certaines fleurs… Je me fournis 100 % à Rungis. Tout est regroupé au même endroit et on y trouve des fleurs du monde entier. Ceux qui ne gardent pas une part pour Rungis commettent une grave erreur commerciale.

 

Ren%C3%A9%20Veyrat%20Event%20pr%C3%AAt%20pour%20un%20nouveau%20d%C3%A9part

René Veyrat Event prêt pour un nouveau départ

Installé depuis six ans à Rungis, l’entreprise de préparation de commande du célèbre fleuriste intégrera bien le nouveau bâtiment B1.
La société René Veyrat, qui tient son nom de son créateur, possède depuis les années 1940 une boutique de fleurs installée boulevard Haussmann, à Paris. Aujourd’hui, son fils Patrick préside aux destinées de cette maison familiale à la réputation d’excellence ; sa filiale René Veyrat Event, basée depuis six ans à Rungis, a été confiée aux mains passionnées de Vincent Rozenberg. « Le magasin du boulevard Haussmann est dédié à la vente pure en boutique, tandis que la filiale Event de Rungis prépare principalement les commandes récurrentes. Nous bénéficions d’un fonctionnement indépendant », explique Vincent Rozenberg. René Veyrat Event s’occupe essentiellement d’une clientèle d’abonnement, avec des ventes livrées chaque semaine : hôtels, entreprises, particuliers fortunés… Elle organise également des événements, cérémonies institutionnelles, conférences de presse, soirées de promotion… et fournit la décoration florale pour des mariages, mais aussi quelques terrasses et balcons parisiens. « Les bouquets sont préparés dans notre atelier à Rungis, avec les fleurs que je vais acheter sur le marché chaque matin. Être installé au cœur du marché nous permet d’être au plus proche de nos fournisseurs, cela n’a pas de prix. Voir le produit, pouvoir l’apprécier avant de l’acheter, c’est très important. » Vincent Rozenberg et son équipe ont démarré à Rungis il y a six ans, avec les locaux qu’ils ont pu trouver… Mais l’année prochaine, ils déménagent dans le nouveau pavillon des fleurs B1, actuellement en construction. « Nous aurons 430 m2, soit le double de notre surface actuelle. On espère se créer un outil de travail fonctionnel et adapté. Il est grand temps de partir, dans cet atelier, nous avons atteint nos limites. » Vincent Rozenberg réalise un chiffre d’affaires de 900 000 € par an, en croissance régulière. Le déménagement devrait booster ses affaires, grâce à la nette augmentation de la capacité de l’atelier. « Par anticipation, nous venons de recruter une personne dédiée à la partie commerciale, afin de commencer à recruter de nouveaux clients. »

 

La déco en habit de printemps

La belle saison revient et avec elle, des envies de décorations originales et adaptées aux événements incontournables à venir.

La décoration, qui revêt une importance croissante pour les professionnels de la restauration et du commerce en général, s’oriente ce printemps vers des produits empreints de nostalgie, d’authenticité et d’histoire. « En ce moment, les caisses en bois ou les casiers métalliques ont beaucoup de succès », explique Florence de Boissieu, la dirigeante du magasin Déco Jardin à Rungis, où l’espace brocante fourmille d’objets et meubles uniques. « Nos clients les achètent, puis les empilent, les remplissent de fruits et légumes ou d’autres produits. Parfois, il suffit seulement d’un ou deux objets anciens dans une boutique pour lui donner une atmosphère particulière que l’on ne retrouvera pas ailleurs. » Faites de la place pour les fleurs ! 7Chez Déco Jardin, ouvert depuis un an sur le MIN, sont regroupés sur 800 m2 des objets les plus divers, de l’établi hors d’âge au canoë de trappeur canadien, en passant par les skis en bois, les outils de jardinage rouillés, les nains de jardin, les ancres marines et les pots de fleurs. « Les meubles de métier sont aussi très recherchés ; ils sont ensuite détournés pour un autre usage, mais font très bon effet dans un commerce. » Au fur et à mesure de l’avancée vers la belle saison, ce sera au tour des meubles de jardin en fer forgé et des bacs à plantes de prendre la vedette, pour un aménagement personnalisé des terrasses estivales. « Nous offrons également la possibilité à nos clients de louer nos objets, souligne Florence de Boissieu. Pour réaliser une vitrine ponctuelle, accompagner la décoration d’un événement à thème… » Pour animer son offre et proposer une sélection d’objets originaux et tendance, Florence possède un précieux réseau de brocanteurs dans la France entière, en charge de trouver les perles rares. « Ils savent ce que nous recherchons, je ne pourrais pas effectuer cette tâche moi-même. »

Les mariages se profilent

Faites de la place pour les fleurs ! 8Depuis quelques semaines, la décoration a enfilé ses habits printemps. Renaud Distribution annonce Pâques en jouant la carte de la tradition avec poules, œufs, lapins et autres petits animaux de la ferme en abondance. La couleur jaune reste dominante, notamment pour les fleurs de saison, comme les renoncules. René Veyrat Event privilégie cette année les matériaux simples et peu sophistiqués pour accompagner les bouquets : bois brut, grès, verre ancien coloré ou non, osier pour les vases ou les pots. « Les formes de bouteilles et de flacon ciselés sont très tendance, le verre doit être épais, artisanal, un peu trouble », détaille Vincent Rozenberg. Pour les mariages à venir, Feuillazur propose une très belle mise en scène, avec silhouettes de mariés en bois blanches et délicatement ajourées, des arches majestueuses, d’immenses vases suspendus ou non, généreusement garnis de fleurs, le tout dans des tons blancs et dorés, chics et efficaces.