Surpêche, danger d’extinction de certaines espèces… L’activité de pêche en mer n’est pas sans conséquence sur les ressources des océans. Mais la demande reste bien présente. En effet, la consommation mondiale de poissons a doublé depuis 1961. Sources de nutriments essentiels, comme les vitamines, les acides gras omega 3, le poisson représente jusqu’à 17 % des apports en protéines de la population mondiale et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande d’en manger au moins deux fois par semaine. Tout en continuant d’encourager la consommation de poisson, certaines organisations non gouvernementales, associations à but non lucratif ou démarches gouvernementales, ont décidé de favoriser une pêche plus responsable et respectueuse de la survie des espèces. Ces produits sont identifiés par un logo ou un label. Il en existe plusieurs.
MSC, le premier
Le Marine Stewardship Council (MSC) est une organisation à but non lucratif, créée en 1997, il y a plus de vingt ans. En France, les premiers produits labellisés sont apparus vers 2006, et le bureau du MSC a ouvert en 2009. Au départ, dans les années 1990, il s’agissait d’une initiative internationale qui faisait suite à l’effondrement des bancs de morues à Terre-Neuve (Canada), historiquement la première grande catastrophe écologique sur les stocks de poissons. La situation a provoqué une interrogation et des organisations de différents pays ont fini par se dire que la création d’un label pour une pêche durable serait une bonne idée pour promouvoir les pêcheries respectueuses des ressources et des écosystèmes. Pour créer le label, il a fallu mettre en place les référentiels, les critères… et cela a impliqué des scientifiques et des parties prenantes du monde entier.
C’est au Royaume-Uni, à Londres, que le siège a été fixé. Aujourd’hui, le label MSC représente 338 pêcheries dans le monde, soit 12 % des captures mondiales de poissons. Ce chiffre est en progression constante. En France, il y a onze pêcheries certifiées qui représentent 14 à 15 % des captures françaises. Un peu plus de 2 000 références de produits sur le marché français portent le logo MSC.
Il existe deux certifications. Celle pour les pêcheries, qui définit leur durabilité et constitue la base du système. Une fois que les pêcheries sont certifiées, tous les opérateurs qui veulent utiliser le label MSC doivent eux-mêmes se faire certifier pour garantir que le produit provient bien d’un fournisseur certifié et, au final, que tous les fournisseurs de la chaîne s’approvisionnent auprès d’une pêcherie MSC. Le référentiel qui s’applique aux opérateurs de la filière qui sont à terre concerne essentiellement la traçabilité.
ASC, la déclinaison pour l’aquaculture
Aquaculture Stewardship Council (ASC) est un label international créé en 2010 pour les poissons issus de l’aquaculture. Ce label se retrouve sur les produits comme le saumon, le tilapia, la truite, le pangasius, les crevettes ou certains mollusques (moules, huîtres, ormeaux, coquilles Saint-Jacques et palourdes). Il garantit que le produit a été élevé dans le respect de l’environnement et dans de bonnes conditions de travail. Ce label est géré par l’Aquaculture Stewardship Council (ASC), organisation indépendante à but non lucratif créée par le Worldwild Fund for Nature (WWF) et l’Initiative néerlandaise pour le commerce durable (IDH). Le contrôle est effectué par des organismes indépendants. L’ASC travaille en collaboration avec les aquaculteurs, les transformateurs de produits de la mer, les entreprises des secteurs de la vente et de la restauration, les scientifiques, les groupes de protection de l’environnement et les consommateurs. Le label interdit que les poissons d’élevage proviennent d’espaces naturels protégés et impose l’élevage d’espèces locales. Les poissons génétiquement modifiés sont interdits. L’ASC impose des critères en matière de composition et d’origine des aliments. La qualité des eaux usées doit satisfaire à certaines normes, et les déchets doivent être traités d’une manière appropriée. L’ASC contrôle également la consommation d’énergie. Il fixe toute une série de critères sociaux basés sur les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Enfin, l’ASC se préoccupe du bien-être animal. Un plan de santé est établi pour les poissons, et des vétérinaires doivent effectuer des contrôles réguliers.
Pêche durable, l’écolabel public
L’écolabel français Pêche durable, officiellement lancé en janvier 2017 par France-agrimer, intègre les critères « écosystème », « environnement », « social » et « qualité ». Il prend en compte également certains critères que les autres écolabels abordent peu ou pas, comme l’énergie, les déchets, la pollution, la rémunération, la sécurité à bord ou la qualité du produit. Ce label public français répond au souhait de la filière pêche de disposer d’un signe de qualité permettant de valoriser la pêche durable incluant les exigences environnementales, économiques et sociales. Si plusieurs pêcheries françaises affirment s’être engagées dans le processus de certification, aucune n’est encore certifiée à ce jour, et le label n’est porté par aucun produit dans le commerce. Lors du lancement de l’écolabel, Franceagrimer a déclaré : « Les professionnels de la pêche, de la transformation et de la distribution (navires de pêche, criées, mareyeurs, grossistes, conserveurs, GMS, poissonneries, restaurateurs…) peuvent désormais se porter candidats au label. Chaque maillon de la filière devant être certifié, c’est l’ensemble de la filière qui se mobilise pour la valorisation des produits. » À suivre, donc.

Pomona, acteur engagé pour la pêche durable
Ethic Ocean, pour les pros
Ethic Ocean est une association environnementale dédiée aux professionnels : pêcheurs, aquaculteurs, grossistes, grande distribution, poissonniers, chefs restaurateurs, centres de formation et autres usagers des océans. Créée en 2006 sous le nom de Seaweb France, l’association, qui est devenue Ethic Ocean en 2017, accompagne les professionnels de chaque secteur, afin de les aider à la mise en place d’approvisionnements durables. Il valorise les professionnels engagés dans cette démarche, poissonniers et restaurateurs. François Pasteau, chef cuisinier et président d’Ethic Ocean, a déclaré : « Ethic Ocean travaille avec l’ensemble des professionnels, usagers des océans. Il est important que l’ensemble de ces acteurs travaillent ensemble, échangent et expérimentent des solutions. C’est ainsi que nous contribuerons à la préservation de ces écosystèmes, de leurs ressources et par conséquent à la pérennité des métiers qui en dépendent. » Ethic Ocean s’emploie à sensibiliser également les consommateurs avec des publications telles que « Où trouver du poisson durable ? », « Les bonnes questions à poser à son poissonnier ou à son restaurateur ». Il existe une application mobile, Planet Ocean, qui a été conçue en partenariat avec la fondation Good Planet.
Artysanal, pour les petits pêcheurs
Créé en 2013 par l’association SMART appuyée par le Forum mondial des pêcheurs et des travailleurs de la pêche, Artysanal est un label international qui vise à soutenir les pêcheries artisanales à travers le monde par la valorisation de leurs poissons dans les supermarchés et les restaurants. Il concerne les bateaux de moins de 14 mètres. Artysanal n’est pas un outil de gestion des pêcheries, mais un outil de différenciation de produits à destination des consommateurs. À la différence d’autres initiatives, en plus d’être basé sur des éléments environnementaux, Artysanal intègre également des aspects sociaux et économiques tels que préconisés par le Code de conduite pour une pêche responsable des Nations unies (FAO). Une pêcherie artisanale islandaise de cabillauds, la Nasbo (National Association of Small Boat Owners), certifiée Artysanal en 2015, a séduit le groupe Elior qui a passé un accord avec le label pour ses approvisionnements.
Caroline Maréchal

Interview
Directeur de Programme MSC France
« Le MSC est de plus en plus connu, aujourd’hui 30 % des consommateurs français l’ont identifié »
Pour certifier la pêcherie, on doit définir une espèce de poissons pêchée dans une zone géographique précise, avec une méthode de pêche spécifique. Par exemple, il y a le homard pêché dans la zone Cotentin-Jersey au casier. Une fois la pêcherie définie, quatre grands principes vont être contrôlés : Le stock biologique est-il suffisant pour assurer son renouvellement avec l’effort de pêche actuel ? Quel est l’impact de la pêcherie sur l’écosystème, notamment sur les autres espèces ou sur les habitats ? Quel est le système de gestion en place dans la pêcherie ? Quelles sont les règles qui assurent sa durabilité, sont-elles efficaces ? Une fois qu’un organisme de certification indépendant et des experts scientifiques ont évalué la pêcherie sur ces points, on peut définir si la pêcherie est durable. C’est un travail important, qui prend entre douze et dix-huit mois.
Il y a plusieurs bénéfices pour les pêcheries d’aller vers la certification. D’abord en termes d’image, la labellisation atteste que les pécheurs font bien leur métier, ne mettent pas la ressource en péril et respectent leur écosystème. Après, dans certains cas, ça permet également de mieux valoriser le produit, de le vendre en obtenant un meilleur prix, mais ce n’est pas systématique. Aujourd’hui, tout opérateur, GMS, grossiste, restaurateur qui travaille avec les produits de la mer est obligé de prendre en compte que les ressources marines ne sont pas infinies et qu’il faut les gérer. Ainsi, les grands acheteurs de poissons exigent de plus en plus une garantie de durabilité sur les produits.
Ça commence en France. Pour que le produit porte le label MSC sur le banc de poissons frais traditionnel, il faut que le poissonnier soit certifié. Pour l’instant, c’est assez peu développé. Néanmoins, récemment, Carrefour a fait certifier tous les bancs marée de ses hypermarchés. Nous espérons que cela va continuer à se développer. C’est le cas dans des pays qui sont un peu plus en avance que nous sur ces questions-là, comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Europe du Nord. On pense que la situation va évoluer rapidement en France. Cela correspond à une demande des consommateurs qui connaissent le problème des ressources marines, de la surpêche…
Le MSC est de plus en plus connu, aujourd’hui 30 % des consommateurs français l’ont identifié. Il y a encore beaucoup de marge de progression, mais nous sommes sur un niveau de reconnaissance déjà important. Et ça évolue vite. Il y a quatre ans, nous étions plutôt autour de 22-23 %. Tout cela grâce à notre travail en communication. Pour qu’un label fonctionne, il faut des campagnes de communication, de marketing, de sensibilisation… Nous menons ce travail avec l’appui des entreprises partenaires qui ont le label.
Le MSC monde fonctionne avec un peu moins de 20 millions de livres sterling (22,7 millions d’euros). Nous sommes financés par deux principales sources. Plus des trois quarts de nos ressources proviennent de l’utilisation du label. Les marques ou fabricants qui utilisent notre label nous reversent 0,5 % du chiffre de vente de chaque produit labellisé. Le reste provient de grandes fondations internationales ou d’argent public dans certains pays pour des projets spécifiques de certification ou d’amélioration de pêcheries. En France, notre bureau compte sept personnes, ce qui est relativement important. Le marché français est récemment devenu le troisième pays en termes de nombre de produits labellisés MSC, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne. La France est donc un pays en forte progression au sein du MSC.
Propos recueillis par Caroline Maréchal