On connaît la richesse culinaire de nombreux terroirs ou régions françaises, mais le Quercy détonne par son éventail de produits et la finesse de ses mets. Élevages de canards et d’agneaux, cultures de melons et safran ou production de truffes et foie gras : la région dispose de sérieux atouts pour valoriser ses filières.
Réunissant le Lot, une partie du Tarn-et-Garonne et de l’Aveyron, le Quercy se divise entre le Haut et le Bas-Quercy. Certains ont parfois assimilé, à tort, le Ségala au Quercy. « Pourtant, ce dernier se distingue facilement par ses sols issus de la roche calcaire », tranche Jérémy Soulié, de la chambre d’agriculture du Lot. C’est ce département qui occupe aujourd’hui la majeure partie du Quercy et dont les habitants ne sont pas peu fiers de leurs canards gras, agneaux fermiers du Quercy, noix du Périgord (dont la production s’étend sur le territoire lotois) ou de leurs truffes noires, les fameuses Tuber Melanosporum. « À noter que nous avons un pied dans l’aire de production du pruneau d’Agen, qui déborde dans l’ouest du Quercy », se félicite Jérémy Soulié.
Dans le Bas-Quercy, on produit également du chasselas de Moissac, un raisin de table fort d’une AOP. Depuis une vingtaine d’années, c’est la culture du safran qui retrouve ses lettres de noblesse, tandis que la production du célèbre Rocamadour AOP (1 265 tonnes produites en 2017, dont près de 400 tonnes en fermier, pour un chiffre d’affaires dépassant 17 millions d’euros), se porte au mieux. Pour couronner cette dynamique, les vins de Cahors s’emploient à dépoussiérer leur image depuis plusieurs années déjà. Résultat, des vins moins tanniques et plus fins qui s’invitent volontiers sur la carte des restaurants. Voilà une belle variété de produits pour un territoire dont la superficie est comprise entre 70 000 et 80 000 m2.
Des filières dynamiques
« Si l’on trouve énormément de produits dans le Quercy, c’est grâce à la diversité du territoire et de ses terroirs. Dans les Causses (entre 200 et 400 mètres d’altitude), on trouve de l’élevage. Dans les vallées, c’est plutôt le vin et la noix, avec de belles vignes sur certains coteaux, mais surtout des agneaux et une activité de production de rocamadours. Les truffes, quant à elles, se dénichent dans les Causses, tandis que la production de canards gras ou de safran est dispersée sur l’ensemble du Quercy », égrène le représentant de la chambre d’agriculture du Lot. L’hétérogénéité des terroirs, la confluence de différents climats et une topographie aléatoire selon les zones sont en effet à l’origine de cette offre fouillée. Le Piémont du Massif central, par exemple, est tourné vers le sud-ouest : l’ensoleillement permet une activité maraîchère intéressante. Avec sa faible densité de population, le Quercy (et le Lot en particulier) voit un très vaste pan de son économie tournée vers l’agriculture et l’agroalimentaire.
L’agneau fermier du Quercy a été le premier agneau français à obtenir le label Rouge en 1983. L’IGP lui a ensuite été octroyée en 1996. On dénombre 242 exploitations et 109 990 brebis, un seul abatteur et deux groupements de producteurs. En 2018, la filière a produit 580 tonnes de viandes labellisées, soit 32 430 carcasses (sous label) commercialisées. 80 % des éleveurs sont situés dans le PNR Causses du Quercy et pratiquent l’agropastoralisme. Les boucheries absorbent 20 % des volumes, les grossistes 40 % et la GMS 40 %. On recense 157 points de vente, dont une centaine de boucheries traditionnelles en France, principalement dans le Sud-Ouest, l’Île-de-France, le Nord, et l’Alsace. « Du côté des éleveurs, on a de tout ! Certains font de l’agneau pour se diversifier avec 100 à 150 brebis, d’autres en ont plusieurs centaines car ils ne font que ça. Dans le Quercy, la plupart des éleveurs ne mettent pas tous leurs œufs dans le même panier », sourit Jérémy Soulié. Selon lui, la noix occupe également une place prépondérante dans le Quercy. La noix du Périgord, qui dispose d’une AOP, se cultive dans une zone de 5 000 hectares environ, dont 2 500 dans le Quercy, avec un volume estimé à 6 000 tonnes de noix en moyenne chaque année. On produit notamment des cerneaux : une particularité par rapport à la noix de Grenoble dont l’AOP ne s’applique pas aux cerneaux. « Malheureusement, le gel a lourdement impacté la campagne de 2017 avec une récolte inférieure de moitié. Cela a beaucoup handicapé la filière qui doit réunir un millier d’acteurs entre les producteurs, les transformateurs, etc. », poursuit le Lotois. Cette année, le Quercy pourra se consoler avec l’obtention d’une AOC pour son huile de noix, une première en France pour ce type d’huile. Le melon du Quercy, lui aussi, bénéficie d’une belle « image de marque ». Derrière lui, on trouve 85 producteurs pour un volume annuel estimé à 9 000 tonnes, sur une superficie de 430 hectares. Considéré comme melon haut de gamme, il est généralement vendu 10 à 15 centimes d’euros de plus qu’un melon standard. Le melon du Quercy dispose d’une IGP depuis 2004 et l’essentiel des ventes se fait au niveau national, particulièrement en GMS et sur les marchés locaux. « Les producteurs ont un temps envisagé l’obtention d’une AOC, mais le melon du Quercy deviendrait difficile à valoriser car son coût de production augmenterait. »
Foie gras, truffes et vins
Le Quercy, c’est aussi une terre de production de mets haut de gamme, parmi lesquels figurent le foie gras et la truffe. S’il est difficile d’obtenir des chiffres précis, faute d’une filière non structurée, les palmipèdes à foie gras sont historiquement implantés dans le Quercy. Il y aurait aujourd’hui 150 éleveurs gaveurs dont une centaine d’éleveurs gaveurs lotois adhérents au groupement coopératif La Quercynoise, cinquième opérateur français disposant d’un abattoir et d’une conserverie à Gramat. La cinquantaine de producteurs restante opère directement à la ferme.
La truffe est l’un des emblèmes culinaires du Quercy. La région dispose d’ailleurs de trois marchés contrôlés, dont celui de Lalbenque où la tradition veut que l’on consomme une omelette géante garnie de Tuber melanosporum, la célèbre truffe noire du Quercy que l’on retrouve également dans le Périgord. La filière trufficole représente une centaine de caveurs, mais « ceux qui en vivent à l’année ne doivent pas être plus de trente », estime-t-il. Ces produits s’accompagnent bien souvent d’un verre de cahors. Reconnue en 1971, l’AOC Cahors ne produit que des vins rouges, qui doivent nécessairement être élaborés avec des raisins issus du cépage malbec (70 % minimum). Si l’aire délimitant l’appellation représente 21 700 hectares, seuls 4 500 hectares ont à ce jour été plantés. Le potentiel de bons et très bons terroirs est généralement estimé à 7 000 hectares. Avec 4 000 hectares de malbec, le vignoble de Cahors est aujourd’hui le premier producteur français de ce cépage et le deuxième au monde. Aujourd’hui, 17 % des surfaces sont en bio et, sur les 20 millions de bouteilles produites chaque année, 80 % sont issus de vignerons de caves particulières et 20 % d’une cave coopérative.
Mickaël Rolland
Encadré

L’improbable retour du safran du Quercy

Trois questions à… Pascal Bardet,
Le Quercy se distingue par la richesse et la finesse de ses produits (truffes, foie gras, agneau du Quercy, etc.), est-ce une source d’inspiration pour les chefs ?
C’est une source d’inspiration, c’est une certitude. Après, je fustige un peu l’effet « produits capitaux » représentés par le foie gras, la truffe ou l’agneau. Pour moi, il n’y a pas que ça. J’estime que l’on fait également du très bon veau, à la frontière avec le Ségala, avec des races variées, comme la salers. Dans le sud du Quercy, on trouve du pigeon à viande de très bonne qualité. Sans parler des poissons d’eau douce, comme le sandre ou la truite. Enfin, il convient de saluer le travail de plusieurs producteurs de salers qui élèvent parfois leurs bêtes pendant plus de quatre ans. Donc, pour moi, il y a les produits d’appellation et les autres…
Le safran du Quercy fait son retour depuis une vingtaine d’années. Qu’en pensez-vous ?
Là aussi, c’est une histoire de terroir. Les producteurs se sont souvenus qu’à l’après-guerre, on cultivait du safran dans le Quercy. Les premiers qui ont relancé la filière il y a vingt ans ont été pris pour des fous, mais l’Histoire leur donne raison. Le safran du Quercy puise dans son terroir, il est bien fait. J’en utilise dans mon restaurant au printemps, cela donne un côté floral.
Vous êtes un grand amateur de truffes et disposez d’une truffière. Comment se porte la filière trufficole lotoise ?
J’ai planté des arbres à truffes il y a déjà onze ans et ce n’était pas nécessairement pour mon restaurant puisque, à l’époque, je travaillais toujours avec Alain Ducasse. Figurez-vous que j’ai fait ma première récolte l’an dernier seulement ! La truffe est une passion de longue haleine… Cette année, la truffe noire du Quercy présente des parfums et un goût intéressants. Mais c’était compliqué au début, elle ne réunissait pas ces qualités. J’ai donc décalé d’une semaine l’arrivée de la truffe sur ma carte. À mon sens, c’est durant le solstice d’hiver que la truffe est la meilleure, dans le Quercy, comme ailleurs.