Ne l’appelez plus Paca. Depuis le 11 juin, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est officiellement devenue « région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur » par la volonté de son président, Renaud Muselier. Une annonce faite… à Paris ! Raison invoquée : « Cette région mérite bien mieux qu’un acronyme. Nous ne sommes pas Paca. Nous sommes la Provence, les Alpes, la Côte d’Azur. Nous sommes le Sud ! »
Depuis la deuxième quinzaine de juin, le drapeau rouge de la météo flotte sur l’agriculture provençale. Les cerises de bouche restent sur les arbres, les engins ne peuvent entrer dans les vergers au risque de s’embourber, pour d’indispensables traitements curatifs. Même situation pour la récolte mécanique du bigarreau d’industrie. Les pépinières viticoles sont sous l’eau, comme certains vergers fruitiers dont les arbres peuvent être déracinés à rester inondés. Même le foin de l’AOP Crau pourrit noyé dans une lagune à défaut d’être coupé à temps. Le camaïeu des productions provençales est une chance, mais quand une pluviologie exceptionnelle s’en mêle, il ne reste plus que le Mistral pour porter quelques espoirs. C’est sur ce grand panel de productions que la Provence a établi sa notoriété. Sans entrer dans le jeu du « première région de France pour, deuxième ou troisième pour autre chose », un équilibre subtil s’est instauré entre les six départements de la région. Avec parfois des surprises qui vont à l’encontre des idées reçues. Les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes tirent leur principal revenu agricole de la production de fruits, à un niveau supérieur à celui des Bouches-du-Rhône, département où les légumes frais sont la première production. Les vins d’appellation sont la manne du Vaucluse qui devance le Var, mais qui fait jeu égal en fruits avec les Alpes. Les pépinières et l’horticulture sont l’apanage du Var (numéro un) et des Alpes-Maritimes. L’élevage se concentre dans les départements alpins, même les Alpes-Maritimes.
Un élevage tourné vers les produits fermiers
Pour les six départements, le cheptel bovin compte plus de 70 000 têtes. Si l’élevage n’apparaît pas parmi les cinq principales productions des Bouches-du-Rhône, ce département a une vocation d’élevage avérée. Il détient les deuxièmes troupeaux de bovins et d’ovins, le troisième pour les chèvres. Au total, la région produit 363 420 hl de lait de vache, 74 836 hl de lait de chèvre et 8 847 hl de lait de brebis. Pour ces deux dernières espèces, l’essentiel de la production est réservé à la fabrication de produits fermiers. À noter également que des producteurs camarguais ont mis en place, depuis sept ans, une filière de bœuf Angus Aberdeen (80 % en AB) qui est en passe de devenir le plus gros troupeau de cette race en France. Encore peu connu, mais avec un cheptel en plein développement, le cochon du Ventoux élevé en plein air est une valeur sûre très appréciée des consommateurs locaux.
Des fruits frais et confits
Si les fruits sont la principale production en Provence, avec un chiffre d’affaires de près de 750 millions d’euros, la balance commerciale reste largement déficitaire. Pour l’exemple, au quatrième trimestre 2017, les exportations ont dégagé un chiffre d’affaires de 89 millions d’euros alors que les importations ont progressé à 205 millions d’euros. Et le ratio est identique, même en pleine période de production. La pomme est le produit lourd qui pèse 387 562 tonnes (dont 172 663 tonnes de golden – chiffres Agreste 2016), précédent la poire N° 2 avec 55 692 tonnes, à majorité des ‘Jules Guyot’. Le raisin de table est dans le top 5, avec 29 214 tonnes, tout comme la cerise avec 16 253 tonnes dont 6 453 tonnes pour la cerise d’industrie.
Apt, capitale mondiale du fruit confit
Nostradamus avait découvert une technique pour conserver les fruits, « les confitures sèches » dont il est légitime de penser qu’elles étaient les ancêtres des fruits confits. Une méthode reprise par l’illustre Olivier de Serres. « Les process ont été améliorés, indique Sylvain Tardieu, de la société Aptunion, mais le fondement est le même : il s’agit de remplacer l’eau des fruits par du sucre en les immergeant durant dix à douze jours dans des bains d’eau sucrée, sans discontinuer. » Aptunion produit annuellement 10 000 tonnes de fruits confits, parmi lesquels la cerise fait figure de leader. « C’est une cerise issue principalement du Lubéron et de la vallée du Calavon et de variétés spécifiques. » Celles qu’Olivier de Serres nommaient les « agriottes » sont devenues maintenant – c’est moins poétique – « le bigarreau d’industrie ». À Apt, l’entreprise mise sur la clientèle locale et l’apport touristique. Les ventes sont organisées via un site inter-net pour la France et l’Europe. Pour les ventes de proximité, la boutique de vente directe va être agrandie afin d’accueillir le nouveau musée des fruits confits qui sera un parcours initiatique et sensoriel.
AOP Muscat du Ventoux, le raisin qui a su prendre de la hauteur !
En 2017, le muscat du Ventoux a célébré les 20 ans de l’attribution de l’AOC. L’an prochain, ce sera la célébration des 20 ans de l’AOP. Une distinction qui confère au muscat du Ventoux le titre de « seul raisin noir en Europe » à détenir cette double reconnaissance. Après avoir pris sa vitesse de croisière, le potentiel de Muscat AOP du Ventoux se situe en moyenne autour de 2 000 tonnes. « C’est une reconnaissance qui a beaucoup apporté à l’économie locale, explique René Reynard, président de l’AOPn raisin de table. Elle a amélioré la perception des producteurs et de la qualité qu’ils servent, et elle booste la demande. Le muscat est face à un challenge. Il s’agit de stabiliser la production pour préserver notre potentiel. Sur un autre plan, nous travaillons à l’obtention de la certification haute valeur environnementale voulue par le ministère de l’Agriculture. » Elle doit permettre de reconnaître les exploitations engagées dans des démarches particulièrement respectueuses de l’environnement. Une manière de répondre aux attaques récurrentes de certaines ONG.
L’huître de Camargue, un produit en devenir
Avec plus de 100 000 tonnes commercialisées en 2015 (équivalent poids vif), l’huître est le mollusque préféré des Français. En Méditerranée, la plus grande partie de la production se fait dans la lagune de Thau. L’élevage est pratiqué sur des cordes suspendues aux tables ou en pleine mer, pour des résultats gustatifs plus prononcés. L’ostréiculture en est à ses débuts en Camar-gue. Les premières tentatives ont eu lieu il y a près de trente ans, sans susciter d’engouement. Les projets sont allés en s’accélérant aux débuts des années 2010, face à une grave crise économique traversée par la mytiliculture. En 2014, les ostréiculteurs obtiennent une autorisation temporaire de commercialiser qui s’est transformée en autorisation permanente en 2015. Et l’huître de Camargue détient un atout incontestable : elle « pousse » en huit mois, contre vingt-quatre à trente-six sur la côte Atlantique.
La « Reine de Camargue » portée au pinacle par le concours général agricole
Cédric Ketani, gérant des Viviers de Carteau à Port-Saint-Louis-du-Rhône, s’est lancé un défi : « Vérifier la perception d’un panel expert pour l’huître de Camargue à l’occasion du Concours général agricole (CGA). » En plein dans la cible : une médaille de bronze en 2016 et une médaille d’or en 2018. « L’huître est une production nouvelle, née de la volonté des conchyliculteurs de diversifier leur offre, et de sortir de la concurrence effrénée des moules italiennes et espagnoles. » Si les naissains sont bretons, l’huître de Camargue bénéficie des spécificités locales : l’absence de marée, le brassage de l’eau du Rhône chargée en calcaire et de la mer grâce au vent lui confèrent des caractères particuliers. « C’est une huître plate avec une coquille arrondie et beaucoup de nacre. Elle est très charnue et sur le plan gustatif, elle est peu salée, mais longue en bouche avec un petit goût de noisette. » L’entreprise produit entre 30 et 40 tonnes d’huîtres par an, distribuées sur des circuits courts mais aussi auprès des GMS, des écaillers, des poissonniers ou des grossistes. Les Viviers de Carteau (le nom de l’anse) proposent toute une gamme de coquillages dont l’escargot de mer, la telline, le violet, l’oursin, etc.
L’œnotourisme, un plan B qui s’avère un vrai succès
Quinze ans après le lancement d’une réflexion au sein d’Inter Rhône, l’interprofession des vins de la vallée du Rhône, l’œnotourisme est un format apprécié des néophytes comme des amateurs éclairés. « À l’origine, indique Jessica Debieve, responsable œnotourisme à Inter Rhône, l’objectif était de développer la commercialisation des vins sur des circuits de vente directe, notamment aux caveaux. Il est apparu rapidement que des offres nouvelles et diversifiées pouvaient participer à la croissance du chiffre d’affaires des exploitations. » C’est ainsi que des domaines se sont lancés dans l’hébergement, les ateliers thématiques, comme les accords mets et vins ou vins et chocolat, des visites ou randonnées dans les vignobles en calèches, gyropodes… L’imagination n’a pas de limites, mais Inter Rhône a fixé des règles. « Nous avons établi un cahier des charges qui prend en compte 79 critères. Ils vont des aménagements extérieurs aux équipements d’accueil, de l’accueil réservé aux hôtes français ou étrangers, en groupe, en solo ou en famille… » Après validation de tous ces points, l’exploitation peut prétendre à une distinction œnotouristique mise en place par Inter Rhône, afin de mieux répondre à la demande croissante des tour-opérateurs et des touristes qui souhaitent découvrir le vignoble autrement. Cette distinction est matérialisée par une, deux ou trois feuilles dorées, en fonction des prestations, apposées sur une plaque émaillée à l’entrée du caveau. Aujourd’hui, ce sont 484 caveaux qui sont labellisés, dont 336 à l’échelon 3 (soit environ 69 %).
Catherine Brunner

AOP Taureau de Camargue
Du vin à Nice !
Dans les Alpes-Maritimes se cache une perle, avec vue sur la baie des Anges : l’AOC Vin de Bellet, une des plus anciennes (1941) et des plus confidentielles appellations. C’est une zone de production de 650 hectares, tous situés sur la commune de Nice, dont une soixantaine plantés en vigne. Dix propriétaires récoltants organisés en caves particulières produisent environ 1 000 hl/an sur des restanques (terrasses) situées entre 200 et 400 mètres d’altitude. Les noms de cépage titillent l’imagination : folle noire, braquet, rolle, spagnol ou mayorquin. Ils sont associés à des cépages plus répandus, comme le cinsault, la clairette ou le grenache. Les assemblages donnent des vins rouges (42 %), blancs (35 %) ou rosés (23 %), élevés en fûts pendant au moins un an, chargés en goût et en nuances aromatiques.
La brousse du Rove, « le » fromage des Marseillais
Le 23 mars 2018, la brousse du Rove, fromage de chèvre issu du lait de la race du Rove, a reçu son AOC. La quasi-totalité de la production (250 000 unités, soit 15 tonnes de fromage produit par une dizaine d’éleveurs) est consommée et écoulée sur place, au Rove, village situé à une encablure de Marseille. Elle est fabriquée à base du lait entier de chèvre et la coagulation est obtenue par adjonction de vinaigre de vin blanc. Le lait des chèvres du Rove est particulièrement riche en matières grasses qui induisent un fromage très onctueux, d’aspect floconneux, à peine égoutté et moulé dans un cornet en plastique. Les gourmets lui prêtent des arômes de lait frais, d’amande douce et des arômes complémentaires variables en fonction de l’alimentation du jour en pâturage (chêne kermès, romarin, genêt, etc.). La brousse du Rove doit être consommée dans les cinq jours qui suivent sa fabrication (printemps ou été exclusivement), nature ou en mode sucré ou salé.
À l’ombre… sous le soleil de Provence
Situé au 10 de la rue de la Folie-Méricourt (Paris 11e), À l’ombre est un restaurant-épicerie qui fleure bon la Provence. Ouvert depuis le 23 mars 2018, l’établissement a été créé par Lucie Briglia et Marion Seiler, natives de Hyères (Var) et amies depuis les bancs du collège. Après un long périple et une rigoureuse recherche des meilleurs artisans et producteurs de Provence, elles ont réalisé une sélection d’authentiques produits du terroir provençal (80 % des références) et finalisé leur carte.
Côté restaurant, elles ont retenu un concept très tendance : les assiettes à partager (asperges vertes et mousse d’œuf, duo de tapenades noire et verte, secca d’Entrevaux, carpaccio de viande de bœuf séchée et salade de roquette, tomme de Provence et confit de romarin, saucisson des Alpes-de-Haute-Provence, pissaladière, artichonade, anchoïade, terrine à la lavande et citrons de Menton…). Pour l’apéro, les chips de socca niçoise et la fougasse aux olives font merveille. Parmi les plats à la carte, la poitrine de porc et ses artichauts en barigoule, la daube de bœuf provençale, la soupe de poissons de roche, les fruits de mer et leur riz de Camargue rouge… Pour les desserts, l’authentique tarte tropézienne de A. Micka, la soupe de fraises, la mousse de marrons (réduction d’orange acidulée, éclats de marrons glacés de Collobrières).
Une carte parfumée à l’huile d’olive des Baux-de-Provence qui suit la saisonnalité des produits et change chaque mois. Côté épicerie, une sélection de 60 beaux produits de terroir (pâtés, confitures, biscuits, tartinables, olives et huiles, liqueurs, alcools…) et une quinzaine de vins (rosé, rouge, blanc). L’équipe se compose de Lucie et de Marion en salle, d’un chef cuisinier et d’un commis. L’établissement (ouvert du mardi au vendredi de 19 h à minuit et le samedi toute la journée) réalise 40 couverts par jour avec un ticket moyen de 30 euros. Il est fréquenté par une clientèle de proximité, des amateurs de cuisine provençale, le public des expositions et théâtres proches…
Francis Duriez