Le Pérou est le lauréat de la meilleure destination culinaire au monde, décerné par les World travel Awards. Ce prix lui a même été attribué huit fois consécutives de 2012 à 2019. « La gastronomie péruvienne est associée à différentes traditions, elle est le résultat du métissage. Tout le monde peut retrouver son goût dans notre cuisine, soutient Rosario Pajuelo, directrice pour la France et la Suisse de l’agence gouvernementale de promotion et des exportations Prom Peru. Elle a été influencée par la cuisine asiatique pour mariner le poisson avec du citron et on retrouve l’influence arabe dans nos desserts. Mais notre gastronomie, c’est aussi l’Europe et la cuisine africaine. » Le Pérou est bordé par l’océan Pacifique sur 2 414 km de côtes, et la cordillère des Andes structure une partie importante de son territoire, dominé essentiellement par la forêt amazonienne (60 % de sa superficie). On recense au Pérou également 28 des 32 climats du monde, et ce pays d’Amérique latine compte 84 des 117 zones naturelles existantes sur le globe. La richesse de sa biodiversité lui offre un large éventail agricole. Cette mégadiversité biologique est aussi une ressource pour ses traditions culinaires, différentes selon chaque région.
Une terre d’exportation : quinoa, pomme de terre, avocat
L’économie péruvienne est fortement tributaire de ses matières premières, qui représenteraient environ 60 % de ses exportations. En 2018, selon la FAO, le Pérou a produit 10,3 millions de tonnes de canne à sucre, 2,2 millions de tonnes de bananes, 3,5 millions de tonnes de riz et 5,1 millions de tonnes de pommes de terre. « Nous sommes le pays où il y a plus de 4 000 variétés de pommes de terre et 2 000 de patates douces. Lima accueille d’ailleurs le Centre international de la pomme de terre », confie la directrice de Prom Peru. D’autres denrées alimentaires originaires du Pérou sont aujourd’hui très demandées sur le marché agroalimentaire. Devançant la Bolivie, le Pérou est le plus important producteur et exportateur de quinoa à l’échelle mondiale. Cette « mère de tous les grains », selon l’appellation des Incas, est un aliment aujourd’hui très consommé en France et plébiscité pour ses apports en protéines et ses micronutriments. Également très apprécié des consommateurs français, l’avocat est produit en grande quantité au Pérou (504 000 tonnes en 2018), qui est aujourd’hui le deuxième exportateur mondial de ce fruit.
À Rungis, le grossiste Dynamis, spécialisé en fruits et légumes 100 % bio, donne la priorité aux avocats péruviens. « Nous travaillons principalement avec une société espagnole avec qui nous développons une production au Pérou. C’est une garantie supplémentaire pour la certification et la localisation des produits, tant sur le point de vue sanitaire que social. Cette société a notamment développé un label contre le travail des enfants, explique Hugo Urtaza, acheteur pour Dynamis. L’avocat demande une grande consommation d’eau, et l’avantage du Pérou est qu’il y a un taux d’humidité et des ressources en eau plus importantes qu’au Chili par exemple. » En fonction des saisons, les avocats du grossiste de Rungis – de la variété Hass – sont issus des régions d’Ancash et de La Libertad, au nord, ou d’Ica plus au sud. « Ces avocats sont résistants aux chocs, leur peau est plus rugueuse et robuste. En termes de texture et de goût, l’avocat péruvien est de très bonne qualité. En général, nous voyons la différence entre un avocat péruvien et un avocat du Mexique. La saison vient de finir et nous avons eu des avocats de très bonne qualité gustative », soutient Hugo Urtaza
Des superaliments très recherchés
Ils sont de plus en plus appréciés par les consommateurs pour leurs valeurs nutritionnelles et les bienfaits qu’ils peuvent avoir sur notre santé. Les « superaliments » – bien que la terminologie ne soit pas utilisée par les diététiciens ou en médecine – regroupent les aliments naturels ayant une teneur élevée en nutriments essentiels, vitamines, antioxydants, oligo-éléments, acides gras essentiels, acides aminés et protéines. Ces aliments sont très présents et cultivés au Pérou : des piments, différents fruits (myrtilles, mangues, grenades, lucuma, cherimoya), certains légumes et poissons, des racines (maca, yuca, mesquite), quelques plantes et des graines (sacha inchi, chia). « Nous sommes le pays territoire des superaliments. Nous avons d’ailleurs créé il y a quelques années un site qui répertorie ces différents aliments : Super foods Peru, déclare Rosario Pajuelo. Le maca, cette plante à racines utilisée comme complément alimentaire – souvent proposée sous forme de poudre – est très demandée dans les salons diététiques. Le gingembre est aussi très apprécié, nous en avons beaucoup vendu pendant la pandémie. Nous sommes certainement le premier exportateur mondial de gingembre bio aujourd’hui. » Et la France ne déroge pas à la régle. Les superaliments y sont aussi très recherchés. Le curcumin et le gingembre, cultivés dans la région centrale du Junin par les producteurs avec lesquels travaille Dynamis, font l’objet d’une plus grande demande. « Ce sont des produits qui se font toute l’année. Il y a seulement un ou deux mois où la production est plus compliquée, entre la fin et le début d’une nouvelle saison. Nous vendons ces produits à des restaurateurs parisiens et des marchés spécialisés ou biologiques, expose Hugo Urtaza. Mais le gingembre, tout le monde en consomme. Beaucoup de sociétés autour du bien-être en achètent en grande quantité pour faire tous types de transformation. Nous en exportons aussi en Europe du Nord, dans toute la Scandinavie et au Royaume-Uni. »
Une gastronomie aujourd’hui reconnue
Le manque de gratitude à l’égard de l’art culinaire péruvien semble être révolu. En effet, avec huit consécrations de suite au Worl travel Awards, le Pérou est aujourd’hui largement consacré pour sa cuisine. En 2013, le restaurant Lima (Londres) du chef Virgilio Martinez Véliz est devenu le premier restaurant péruvien, en Europe, à recevoir une étoile du Guide Michelin. Deux ans plus tard, la nouvelle coqueluche de la gastronomie péruvienne a intégré la quatrième place du classement « World’s 50 Best restaurants » (les 50 meilleurs restaurants du monde) du magazine britannique Restaurant, pour son établissement Central, installé dans le quartier de Miraflores à Lima.
En France, la donne aussi a changé. Le chef péruvien Carlos Camino (voir encadré ci-dessous) a décroché en 2017 une étoile au Guide Michelin pour son restaurant Miraflores, à Lyon. L’enseigne est devenue le premier établissement gastronomique péruvien récompensé par le guide rouge dans l’Hexagone. « Parmi les cinquante meilleurs restaurants du monde, nous avons eu trois restaurants péruviens dans le classement en 2018. Et Lima est reconnue comme la capitale gastronomique de l’Amérique latine. Nous avons une façon de cuisiner qui provient de l’Orient et de la Chine, avec une maîtrise des épices et des produits frais. La côte Pacifique nous donne un accès aux poissons et l’Amazonie à différents fruits, soutient la directrice de l’agence Prom Peru pour la France et la Suisse. Nous avons plusieurs restaurants qui ont ouvert à Paris ces dernières années, comme Le MacchuPisko (15e) ou Le Manko, avenue Montaigne (8e). Dans les années 1990, les Français ne connaissaient pas la gastronomie péruvienne. Il y avait peut-être un manque de technicité dans notre cuisine. Depuis, des écoles de cuisine se sont développées et nous avons créé un grand festival de la gastronomie à Lima, avec Mistura. » Ce festival en plein air rassemble chaque année des plats de toutes les régions du Pérou. Les chefs du monde entier s’y rendent également désormais. Par exemple, ce fut le cas notamment d’Alain Ducasse.
Jeremy Denoyer
Un café bio respectueux des petits producteurs
Le Pérou est un important producteur de café. Il est actuellement le troisième produit agroalimentaire le plus exporté du pays. En 2018, ce marché a généré 680 millions de dollars. Mais le Pérou se révèle être surtout aujourd’hui « le deuxième producteur et exportateur de café bio au monde », selon le média en ligne Le Petit Journal.
La production péruvienne de café s’articule autour de coopératives de petits producteurs, dont les plantations se situent principalement dans les régions andines (75 % sont installées à plus de 1 000 mètres d’altitude). « Les petits producteurs n’ont pas plus de 3 hectares par personne. Les coopératives se mettent d’accord sur les volumes, c’est un principe de vie mais également un projet social : les producteurs s’associent en coopératives dans chaque région, expose Rosario Pajuelo, directrice de l’agence Prom Peru en France. La transformation commence aussi au Pérou. Nous n’étions pas des consommateurs de café, mais il y a maintenant un marché local qui s’installe. » Au niveau continental, le Pérou serait également le premier fournisseur de café issu du commerce équitable aux États-Unis. En septembre 2020, Nestlé annonçait par ailleurs que ses premières capsules de café bio seront prochainement commercialisées au grand public. Et ce café biologique encapsulé est originaire « des plateaux andins du Pérou », précise Les Échos.
« Il était impensable d’avoir un restaurant péruvien au Michelin. »
Carlos Camino est le premier chef péruvien récompensé, en France, par une étoile au Guide Michelin. Son restaurant lyonnais Le Miraflores a reçu cet honneur en 2017. S’il ne figure plus dans le guide rouge cette année, le chef ambitionne une deuxième étoile et continue de défendre la tradition culinaire de son pays.
Un chef au tempérament bien trempé. Carlos Camino a rénové son restaurant gastronomique (Le Miraflores) en fin d’année 2019, et ouvert un bar à ceviche par la même occasion avec YKA. Installé à Lyon depuis 2003, il est le premier chef péruvien lauréat d’une étoile au Guide Michelin sur le sol français. Malgré le carcan que peut représenter la gastronomie française, le cuisinier se veut ambitieux. « La première étoile nous a permis d’avoir plus de clients avec une ouverture d’esprit plus importante de leur part : des gens qui connaissent l’Amérique latine ou qui ont vu notre présence au Guide Michelin. Il y a dix ans, il était impensable d’avoir un restaurant péruvien au Michelin. Nous proposons une cuisine authentique et nous visons la deuxième étoile. » À 40 ans, le chef défend toujours la cuisine péruvienne. « Notre pays est très diversifié en termes de biodiversité, il se suffit à lui-même. C’est compliqué de parler d’un seul produit. Nous sommes faits de fusions, notre cuisine a beaucoup d’influence due à la conquête et aux migrations. La tomate, l’avocat et les variétés de pommes de terre sont typiquement péruviens », estime Carlos Camino. Après avoir marqué sa personnalité culinaire à travers une cuisine pimentée, le chef trace son propre chemin en France. Toujours à l’écoute et en relation avec des restaurateurs de son pays, il travaille avec un importateur péruvien et cuisine « des produits raisonnés et responsables », proposés principalement par « des paysans de petites productions ». Et Carlos Camino ne se refuse rien en matière d’innovation culinaire. Si les plantes, les céréales et les pommes de terre sont régulièrement travaillées dans sa cuisine, deux variétés de fourmis étaient dernièrement à la carte de son menu amazonien. « Nous les avons utilisées pour un dessert, car elles se nourrissent de cacao et ont donc un goût de cacao. Mais aussi dans un plat au poisson pour l’aspect acidulé », confie le chef. Si le cuy – cochon d’Inde frit très apprécié dans la région d’Arequipa – n’est pas présenté dans son restaurant, la viande de lama ou d’alpaga l’est souvent dans le menu dégustation du Miraflores. « Nous n’aimons pas être étiquetés ou être mis dans des cases, affirme Carlos Camino. “ Si c’est un gastro, il doit proposer ça…” En revanche, si nous proposons une pomme de terre, elle sera la meilleure du monde. Nous gardons notre identité. »