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Nos régions ont du goût

La Réunion, l’île intense

C’est un tout petit bout de France au cœur de l’océan Indien. C’est aussi un concentré de notre humanité. La Réunion accueille tous les peuples, toutes les cultures, toutes les religions, dans une joyeuse cohabitation. Sa cuisine, sa gastronomie, son agriculture sont à l’image de sa population. Elles sont le fruit de toutes ces origines.

Quand les premiers explorateurs, des marins malais, arabes, puis européens, ont posé le pied sur cette île volcanique, elle n’était pas habitée. C’était, mais ils ne le savaient pas encore, l’un des rares endroits de notre planète où l’homme n’avait jamais posé le pied. La France commença à s’intéresser à cette île à partir de 1642, avec l’envoi d’un navire de la Compagnie des Indes, le Saint-Louis. Mais le peuplement de l’île ne commencera vraiment qu’à partir de 1646, lorsque le gouverneur de Madagascar a décidé d’y envoyer une douzaine de mutins. Ils accostèrent sur le lieu de l’actuelle ville de Saint-Paul et vécurent trois ans dans une grotte, la grotte des « premiers Français », que l’on peut encore visiter. En 1649, Louis XIV revendique cette île pour la France et Colbert, fondateur de la Compagnie française des Indes orientales, décide de la baptiser île Bourbon. L’histoire et l’aventure de La Réunion peut commencer, intimement liée avec la métropole, sauf pendant une courte période de cinq années (sous Napoléon) où elle est passée dans le giron britannique. Dans un premier temps, l’île Bourbon n’est utilisée que comme escale pour les bateaux faisant la route des Indes. Mais l’idée d’en faire le « grenier des Mascareignes » (l’ensemble des îles de la région : Madagascar, l’île Royale – aujourd’hui Maurice –, etc.) s’impose peu à peu. Les premières cultures s’implantent. Puis arrive le café, qui deviendra, pour un temps, la principale culture de l’île. Ces cultures demandant beaucoup de main-d’œuvre, les colons auront recours aux esclaves malgaches et africains. D’autres cultures s’implantent comme les céréales, le coton, les épices. Arrive la Révolution française, l’île perd son nom de Bourbon et devient l’île de La Réunion. Mais ce sont les Anglais, lors de leur occupation de l’île (de 1810 à 1815) qui donnèrent à La Réunion son visage actuel, au moins sur le plan agricole. Ce sont eux qui introduisirent la culture de la canne à sucre, principale production de l’île encore aujourd’hui. Autre fait marquant , l’abolition de l’esclavage en 1848. Plus de 50 000 esclaves sont libérés, soit la moitié de la population de l’époque. Cette abolition laisse les grandes plantations sans main-d’œuvre. Les colons iront alors chercher des « engagés » : Hindous, Chinois, Malgaches, Comoriens, puis, un peu plus tard, des Indiens musulmans.

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Le creuset réunionnais date de cette période. La Réunion est alors à son apogée. Mais cette dernière sera de courte durée. Le développement de la betterave à sucre en Europe (et, singulièrement, en France), l’éloignement de la métropole (et notamment l’ouverture du canal de Suez, qui rendait caduque l’escale réunionnaise) aboutirent à l’effondrement économique de l’île. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui amena la départementalisation, pour que l’île relève la tête. Ce fut long et le redressement économique n’est pas encore terminé, mais La Réunion fait partie des DOM, dont le développement économique est le plus avancé. Notamment en agriculture. En dehors de la filière canne dominante, le département a su se doter d’un tissu riche de productions agricoles. De tous les départements et territoires d’Outre-mer, c’est celui dont l’autonomie alimentaire est la plus importante. On recense environ 7 000 exploitations agricoles à La Réunion, ce qui est important pour une si petite île. Mais, comme en métropole, le nombre d’agriculteurs est en déclin. Ils étaient plus de 14 000 en 1989. Cela reste majoritairement des petites exploitations. La surface agricole utile moyenne s’établit à 6,1 ha. La culture de la canne à sucre domine largement le paysage agricole. Près de la moitié des agriculteurs de l’île produisent de la canne à sucre. Plus de 2 500 exploitations sont engagées dans le maraîchage, l’horticulture ou la production de fruits. Enfin, un millier d’agriculteurs ont principalement une activité d’élevage hors-sol (porcs, volailles, etc.), bovins viandes, bovins lait, caprins, ovins. L’agriculture biologique se développe, dans des conditions difficiles, comme dans tous les Outre-mer. Le nombre d’agriculteurs ayant un atelier bio est passé de 107 en 2011 à 306 en 2018. Un peu plus de 1 000 ha sont désormais exploités en agriculture biologique. « La Réunion est au premier rang des agri-cultures d’Outre-mer » a rappelé le préfet Jacques Billant, en ouverture du Congrès des producteurs de légumes de France qui s’est tenu sur l’île en novembre dernier. Il a précisé l’objectif du président de la République : l’autonomie alimentaire en 2030, un but « atteignable », car le taux d’autonomie est à 70 % aujourd’hui. L’une des forces de l’agriculture réunionnaise est la cohabitation entre les différents systèmes de valorisation « un monde où se côtoient la vente directe, les circuits courts et les organisations de producteurs ». La Réunion connaît un fort taux d’organisation de la production agricole, principalement dans les filières animales. Le taux de la production issue de toutes les filières animales commercialisées par les organisations de producteurs (OP) se situe entre 85 % (pour la volaille et le porc) et 100 % (pour la filière laitière). Entre les deux, on rencontre les filières viande bovine (94 %) et cunicole (96 %). Des scores inégalés, que ce soit en France métropolitaine ou en Outre-mer.
La Réunion, l’île intense 6La vocation de l’agriculture réunionnaise n’est pas uniquement tournée vers l’objectif de l’autosuffisance. Elle obtient également de beaux succès à l’exportation vers la métropole. Dans ce domaine, les produits phares sont le rhum, l’ananas Victoria et le litchi. À la différence des Antilles, le rhum de La Réunion est essentiellement un rhum de mélasse. Mais certaines distilleries commencent à proposer du rhum agricole (issus du sirop de canne). La plus ancienne distillerie familiale, en activité depuis 1845, la distillerie Isautier, a créé un intéressant musée, La saga du rhum, consacré à l’histoire de cet alcool sur l’île. L’ananas Victoria dispose d’un Label rouge depuis 2005. Sa chair jaune foncée, son goût sucré, sa fraîcheur (il est expédié par avion), sa taille, en font un fruit apprécié des Métropolitains. Parmi les marques que l’on retrouve, on peut citer Philibon. La Réunion, l’île intense 3Plus de 2 200 tonnes sont exportées chaque année. Autre fruit qui fait l’objet de toutes les attentions : le litchi. Lui aussi est exporté par avion, garantie de fraîcheur. Ce fruit trouve également sa clientèle en métropole. Pour ces deux fruits, le voyage par avion (il s’agit d’avions de ligne, faut-il le préciser) permet d’offrir une fraîcheur inégalée. Notons enfin une production de vanille de grande qualité, mais, hélas, essentiellement commercialisée sur le marché local, sauf une semaine par an à Paris, pendant le Salon de l’agriculture.
La Réunion, c’est aussi le pays d’un volcan encore en activité dont les coulées de lave sont suivies avec passion par les habitants. Laissons la conclusion à Baudelaire, qui fut un temps « exilé » dans l’île par sa famille et qui composa notammentÀ la dame créole.

« Au pays parfumé que le soleil caresse,
J’ai connu, sous un dais d’arbres tout empourprés
Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés. »
Pour le poète, La Réunion était bien l’île intense.

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Olivier Masbou

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Une cuisine à l’image de la population

L’assiette réunionnaise est le parfait reflet de la mosaïque des populations présentes sur l’île. Toutes les identités de La Réunion (française, chinoise, créole, indienne) se côtoient sur une même table, dans un même repas et, parfois, dans un même plat. À l’apéritif, à base de rhum arrangé bien sûr, le samoussa indien est servi avec le bouchon (bouchée de porc cuite à la vapeur, à la mode chinoise). Le cari est le plat traditionnel. C’est un ragoût de viande (poulet, porc, canard), mais aussi de poissons ou de fruits de mer. La sauce est à base de tomates, d’oignon, d’ail, de thym, de gingembre, d’épices (safran, curcuma, etc.). Le cari est servi avec du riz blanc et des haricots (rouge ou blanc) et/ou des lentilles (de Chiloé de préférence). Autre élément indispensable de la cuisine réunionnaise : le rougail. C’est une sauce, très forte, à base de tomates, d’ail, de gingembre et de piment. Indispensable pour accompagner tous les plats, dont les caris. Mais attention : se servir avec modération. Ne pas confondre avec le classique et célèbre rougail saucisse qui est en fait un cari de saucisse. Mystère des noms de plats. Les poissons (espadon, thon, marlin, légine, mérou) sont en abondance et servis en tartare ou en cari. Les légumes ne manquent pas, de même que les fruits. Les Réunionnais sont très attachés à leur cuisine (comme à leur culture et à leurs traditions). Les fêtes religieuses sont nombreuses et permettent de mettre les petits plats dans les grands. Mais le plus spectaculaire est le pique-nique du dimanche. Chaque famille ou presque se retrouve sur la plage tôt le matin, installe une vraie cuisine nomade et passe la journée, jusqu’à tard le soir, à cuisiner le cari, puis à manger. Un rituel encore très vivace.
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Un marché de gros en plein renouveau

Le 20 novembre dernier, le Marché de gros de Saint-Pierre adhérait à la Fédération des Marchés de gros de France (cf. Rungis Actualités n° 757 de décembre 2019). Une reconnaissance pour ce marché en plein renouveau depuis quelques années, sous l’impulsion de son nouveau directeur Jean-Max Payet. Un peu plus de 900 producteurs et de 400 acheteurs se déplacent régulièrement sur le marché, permettant ainsi d’approvisionner en fruits et légumes frais plus de 1 200 détaillants en magasins ou sur marchés. Il garantit ainsi une stabilité des prix tout en procurant un revenu convenable aux producteurs. « En volume, nous représentons 30 % de la production maraîchère de La Réunion », explique Jean-Max Payet. Autre atout, non négligeable : la qualité des produits proposés sur le marché. Les derniers contrôles effectués par les services locaux de la répression des fraudes ont rendu un verdict plus que positif : « La qualité des productions réunionnaises de fruits et légumes commercialisés sur le Marché de gros de Saint-Pierre est satisfaisante », peut-on lire dans un rapport daté du 26 novembre. « Nous sommes satisfaits et confiants pour l’avenir, pour les consommateurs et les agriculteurs », réagit Jean-Max Payet.