Carlo Maria Michele Angelo Broschi serait demeuré dans l’anonymat s’il n’était pas devenu, par le fait d’une opération un peu particulière, Farinelli : aujourd’hui, les mélomanes avertis s’émeuvent encore en évoquant ce castrat transalpin du XVIIIe siècle et sa voix exceptionnelle de soprano. De là à en conclure qu’il faut savoir souffrir pour briller, la ficelle est un peu grosse… Il n’en demeure pas moins que l’on peut déceler, dans tout chapon, un Farinelli qui s’ignore. Car ne devient pas chapon qui veut ! Faute de subir la délicate technique du chaponnage qui le prive de sa virilité, le coq est condamné, toute sa vie durant, à garder un œil sur sa basse-cour ; il ne sera jamais invité à tenir le rôle de jeune – et éphémère – premier sur les tables de Noël.
Pour gagner en tendreté et en masse, le chapon, spécialité de la Bresse, doit donc en passer par la castration. Et dire que cette savoureuse volaille martyre, issue du coq, doit son succès… aux poules. Car sous la Rome Antique, on engraissait ces dernières au grain pour les dévorer lors de l’une et l’autre orgie à la mode. Parmi les censeurs du temps qui réprouvaient ces pratiques décadentes et souhaitaient économiser ledit grain, Caius Fannius Strabo, sénateur de son état, limita la consommation de viande de poule. Cependant les plus malins n’allaient pas tarder à contourner cette loi et à déceler, dans les basse-cours, des Farinelli en devenir…


Ne devient pas chapon qui veut !
Il faut bien « chaponner » le coq pour que celui-ci gagne en tendreté…