Les Français aiment le poisson. Ils sont même parmi les principaux consommateurs en Europe et dans le monde. Mais ces dernières années, FranceAgriMer a enregistré une baisse de la consommation, notamment du poisson frais : 664 000 tonnes en 2014 contre 718 000 en 2010. Si les ménages en achètent moins (on est passé de 13 kg/an/ habitant en 2009 à 11,5 kg en 2015), ils sont de plus en plus nombreux à le mettre dans leur panier. «Il faut pourtant admettre que les jeunes consommateurs achètent moins de poisson frais, avoue Leila Royer, responsable marketing de RO Seafood Gastronomy. En revanche, ils se rattrapent sur les prêts à consommer et les produits traiteur de la mer».
Le prix fait l’achat
Le chiffre d’affaires de la filière reste néanmoins stable, autour de 7 Mds€ grâce à une meilleure valorisation. Depuis 2009, le prix moyen au kg est passé de 11,2€ à 12,9€. Mais la demande est très fluctuante car elle suit les cours du poisson qui ne sont pas un long fleuve tranquille. «On constate un décalage certain entre les déclarations des consommateurs prêts à manger des poissons locaux quand ils croisent des pêcheurs sur leur lieu de vacances ou quand ils parlent avec leur poissonnier et ce qu’ils achètent réellement et là, c’est le prix qui détermine l’achat» commente Rodolphe Ziegler directeur d’exploitation chez Demarne Frères à Rungis. Le consommateur évalue mal également la saisonnalité des poissons, moins marquée que pour les fruits et légumes mais bien réelle et qui peut être accentuée par les conditions climatiques. «Quand le poisson est plus rare, il est plus cher et mieux vaut se fier aux promotions et mises en avant chez les poissonniers qui concernent en général des produits de saison» complète Rodolphe Ziegler. Mais la situation peut se compliquer quand par exemple la demande de la sardine qui se pêche toute l’année s’accroît surtout aux beaux jours ou quand une enseigne prévoit la promotion d’une espèce en prospectus sans avoir encore acheté la marchandise, ce qui peut faire flamber les prix au vu des quantités demandées. «Nous sommes aussi confrontés à des saisonnalités inversées : quand la ressource est disponible, ce n’est pas forcément la période où il faut le pêcher massivement car il est en pleine période de reproduction, insiste Laure L’amour chargée de projet à SeaWeb Europe, association de protection de la ressource et de sensibilisation des professionnels. C’est typiquement le cas du bar sauvage aujourd’hui menacé». Le thon rouge en revanche semble revenir en Méditerranée après la mise en place de quotas drastiques suite à la flambée de la demande en provenance du Japon.

58% de poissons sauvages
Qui connaît le tacaud ?
La filière, véritable tour de force logistique au quotidien, ne peut que se féliciter de l’évolution des prises de conscience des professionnels en matière de protection de la ressource.
La gestion est d’autant plus délicate qu’elle doit arbitre rentre constats en mer selon les zones, quotas européens, considérations politiques, avis des scientifiques…
Le manque de réactivité des décisions menacent parfois des espèces mais aussi l’avenir des marins qui peinent à investir, renouveler la flotte et à installer les jeunes.
Sur les 140 espèces de poissons frais mises en vente,les consommateurs n’en connaissent généralement que quelques-unes. Qui connaît le tacaud, le mulet,le chinchard? Saumon et cabillaud pèsent à eux seuls 40% des achats devant lieu noir, merlu, truite, lotte,maquereau…
Le cabillaud devenu roi des poissons l’an dernier avec 24% des achats du rayon frais en volume a détrôné le saumon (18%) même si celui-ci connaît une nouvelle embellie dû à un accroissement de la production, à l’arrêt des exportation norvégiennes vers la Russie, embargo oblige, et donc à des cours mondiaux en baisse. «L’idéal est d’éviter de mettre sur les étals les espèces menacées ou de les signaler pour mieux informer le client, explique Laure L’amour.Notre mission est d’intégrer la problématique de la protection de la ressource selon les espèces, les zones, les techniques de pêche…et de valoriser les bonnes pratiques par une charte auprès des restaurateurs et des poissonniers,une sensibilisation des jeunes apprentis en CFA Poissonnerie. On peut déjà donner quelques clés aux acheteurs avec un guide des espèces qui leur permettent d’orienter leurs propres achats et ceux de leurs clients. Les amateurs de bars peuvent par exemple être réorientés vers le mulet». La Semmaris a d’ailleurs demandé à l’association une étude pour sensibiliser les opérateurs du Marché aux bonnes pratiques en matière d’approvisionnement.

Un quart de pêche française
Traçabilité pour DD
«L’enjeu du développement durable, c’est la protection de la ressource qui passe par la certification du mode de production» annonce d’emblée Éric Bernard, directeur qualité Développement Durable (DD) chez R&O.« La plus crédible et la plus reconnue à l’heure actuelle est la MSC (Marine Stewardness Council) pour une traçabilité de la chaine de distribution et de transformation des poissons sauvages». La MSC certifie plus de 15 000 produits dans le monde, de la matière première aux plats préparés, et les pêcheries sur une ou plusieurs espèces, avec un suivi affiné des quotas par zone et technique de pêche notamment sur les zones sensibles. Le Pavillon France qui garantit l’origine est «de plus en plus demandé par nos clients, surtout les grands groupes de restauration collective qui communiquaient déjà MSC et qui diffuse aujourd’hui le ‘mangez du poisson français’. Les chefs des restaurants classiques en revanche préfèrent indiquer sur leur carte des origines précises. La sole de Vendée ou le Saint-Pierre d’Erquy sont plus vendeurs» explique Marie Laure Coudon, acheteuse chez R&O.Un nombre croissant de références sont certifiées à commencer par celles en filets, merlan, merlu,tacaud, julienne, églefin…Quant au Label rouge, il concerne davantage le turbot et le saumon.
