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Nos régions ont du goût

Des hauts-de-france

hauts en saveur !

À quelques semaines des fêtes de fin d’année, Rungis Actualités dresse la table pour déguster la cuisine solide et variée des Hautsde-France, résultat de la fusion de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais en 2014. Petit tour d’horizon d’une diversité culinaire trop souvent méconnue.

Il n’est pas de bonne cuisine sans bons produits, et des bons produits les Hauts-de-France n’en manquent pas ! « Là-haut », les traditions culinaires sont profondément ancrées et variées. Comment expliquer la richesse de telles traditions culinaires ? Le sens de la fête bien sûr ! C’est peu de dire que les gens du Nord ont de tout temps aimé faire la fête en ces terres de kermesses et de carnavals. Peut-être s’agissait-il d’oublier l’espace d’un moment « le quotidien et le banal du travail ? » s’interrogeait Jacques Duquesne, journaliste et écrivain dunkerquois, qui préfaça l’édition régionale de l’Inventaire du patrimoine culinaire de la France en 1992. Outre les exceptionnels festins et banquets, il y avait la cuisine des gens simples. Ceux qui se nourrissaient de porc et de boeuf, de fromages robustes, de beignets et de tartes. Ceux aussi qui faisaient du hareng le poisson roi, car, à deux reprises au moins, il avait, par son abondance, sauvé l’Europe de la famine. Impossible également de ne pas faire une place à part au lapin qui « a procuré autrefois de délicieux plaisirs à la quasitotalité des gens du Nord », rapporte l’écrivain. Toutes les familles en élevaient et il entre dans la composition du potjevleesch, le grand plat flamand composé de quatre viandes blanches prises dans la gelée et que l’art du cuisinier sait rendre savoureuses.

Incontestablement, les traditions minières et les empreintes de la révolution industrielle ont influé sur les comportements. Mais pas seulement. Car cette terre fut en tout temps lieu de passage. Pour le meilleur et pour le pire. « Nous avons su apprendre de chacun de nos visiteurs et nous nous sommes enrichis de tous à l’image de nos traditions populaires », rappelle ainsi Jacques Duquesne. Au fil des années, cette cuisine populaire et simple évolua tout en gardant ses traditions et ses richesses.

Du maroilles à la langue Lucullus

Des hauts-de-france 2Au nord, l’agriculture est diversifiée, car des générations de paysans ont su apprivoiser cette nature généreuse. De la Flandre aux grandes plaines d’Artois, des douceurs du bocage de l’Avesnois au pays boulonnais, du Hainaut au Cambrésis ou dans l’Audomarois, les pays du nord de la France déploient une large palette de produits agricoles. En Flandre, où l’on déguste dans les estaminets les traditionnelles planches de charcuterie et de fromage, carbonades, potjevleesch, coq à la bière, waterzoï ou lapin aux pruneaux sont à l’honneur. Berceau de l’indétrônable bintje, la Flandre est également terre de prédilection de la pomme de terre. Saint-Omer n’est pas loin. Aux portes de la ville, les 400 hectares cultivés du marais audomarois approvisionnent les pôles urbains les plus proches en légumes. Chaque année, on y produit quelque 3 à 4 millions de têtes de choux-fleurs d’été.

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À deux pas de là, on cultive encore le cresson sur des puits artésiens et, au détour d’une petite route sinueuse, on découvre la dernière distillerie française de genièvre située au centre du village de Houlle (Pas-de-Calais). Terre de bocage et d’élevage, l’Avesnois-Thiérache a perdu depuis longtemps sa place de leader de la production de pommes, même si quelques producteurs (Les Vergers Tellier, Pommeraie du Courtil, verger d’Olhain…) ont décidé de relancer la production arboricole dans les années 1980.

Des hauts-de-france 4En revanche, ce terroir porte haut sa tradition fromagère. Avec l’appui salutaire de Dany Boon, le maroilles a retrouvé une nouvelle jeunesse. Stagnant autour des 2 200 tonnes depuis 1995, la production explosera véritablement en 2011, année de sortie du film Bienvenue chez les Ch’tis (4 300 tonnes) pour se stabiliser par la suite à 4 100 tonnes. Un quasidoublement des tonnages en l’espace de vingt ans : un développement rarement observé dans les fromages à pâte molle et à croûte lavée. En quittant l’Avesnois, étape obligée dans le Valenciennois pour y déguster la fameuse langue Lucullus, constituée de tranches fines de langue de boeuf tartinées en alternance avec une pâte à base de foie gras d’oie ou de canard (35 % minimum de qualité extra ou A !).

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La résurrection de la ratte du Touquet

La petite protégée de Dominique Dequidt, président de Touquet Savour, s’est assuré une place de choix dans les pommes de terre de qualité. Ressuscitée des mains du patron de Touquet Plants de l’époque, la station de production de plants située à Montcavrel, dans l’arrière-pays touquetois, fête ses 31 ans cette année. La ratte du Touquet (ou « le French cornichon », ainsi que l’ont surnommé les Britanniques) ne doit son expansion qu’à des rencontres fortuites, de réelles opportunités et de vrais coups de chance. Parmi eux, ce formidable « coup de pouce inattendu » donné par Danone, à l’époque propriétaire de la moutarde Amora et qui associait la ratte du Touquet au condiment dans une publicité télévisuelle… Sans parler du formidable « coup de pub » fourni par Joël Robuchon qui ne peut « faire une bonne purée qu’avec des rattes… ». Aujourd’hui, le marketing est assuré par le fils, Alexis, tandis qu’Hélène, sa soeur, est aux commandes de l’entreprise implantée à Conty (Somme). Après avoir développé la ratte dans les jardineries, Touquet Plants s’est attaqué aux grossistes de Rungis dès les années 1980 et a développé la ratte en Angleterre, via les magasins Marks & Spencer. Le centre de Conty conditionne plus de 25 000 tonnes de tubercules parmi lesquels la Pompadour label Rouge et la Princesse Amandine.

 

À Boulogne-sur-Mer, les chalutiers résistent

Puis direction la côte, de Gravelines à Boulogne-sur-Mer, des chalutiers résistent encore aux navires surgélateurs de la pêche hauturière et débarquent sur les quais boulonnais de Capécure poissons plats (soles, carrelets, limandes), raies, barbues, ou encornets pêchés au large. En novembre à Boulogne-sur-Mer, c’est le mois du « hareng roi » et d’octobre à avril celui des saint-jacques encore pêchées par quelques coquillards du port. Au Touquet, on y produit et déguste la soupe de poissons de Perard. Celle-ci a obtenu son label Rouge en 2009, suivie quelques années plus tard par les Entrées de la mer, une PME boulonnaise réputée pour son saumon farci aux petits légumes. Non loin de là, la moule de bouchot est chouchoutée par les paysans de la mer : à Audinghem, entre les caps Blanc-Nez et Gris-Nez, voilà sept ans que 12 500 pieux ont été plantés permettant de récolter 300 tonnes de moules chaque année.

Sur les hauteurs de l’arrière-pays, 80 éleveurs perpétuent avec brio la production de volailles fermières de qualité. Poulets, chapons, poulardes et bien sûr la très célèbre dinde de Licques qui garnira dans peu de temps les tables de fête. Chaque année, les gallinacés paradent dans les rues de cette petite bourgade aux traditions bien ancrées. Cet héritage est soigneusement préservé par la dynamique PME Licques Volailles.

Arrivée dans la métropole lilloise où un détour dans la Pévèle s’impose pour y goûter les fraises, qui y sont produites entre mai et octobre. Même si elles ne représentent que 2 % des fraises cultivées en France, la région a su tirer son épingle du jeu grâce aux 800 tonnes de fraises de Phalempin, cueillies à maturité et que la coopérative distribue localement. À quelques encablures de là, passage à Arleux dans la vallée de la Sensée où quelques producteurs maintiennent encore la tradition de l’ail fumé. Parmi eux, Éric Potdevin, qui préside le groupement portant l’IGP, produit plus de 600 tonnes d’ail dans une douzaine de fumoirs dans sa petite PME familiale. Avec un groupement qui totalise 18 hectares en IGP en 2017, il s’est fixé comme défi « de maintenir la production locale »… mais peine à trouver de nouveaux producteurs !

En tout cas, pour les fêtes de fin d’année, il n’y aura pas de trêve des confiseurs pour les producteurs du terroir, défenseurs du bon goût et des saveurs avec lesquels modernité ne rime jamais avec aseptisé, inodore et sans saveurs !

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Rungis, un débouché stratégique

Ce qui fait notre force, c’est la gamme que nous sommes capables de proposer à nos acheteurs », lancent Arnaud Banz et Jean-Pierre Dalle, tous deux commerciaux France export chez Ribambelle. Implantée à mi-chemin des bassins légumiers du Nord et de la Somme, cette PME arrageoise s’est spécialisée dès sa création en 2004 dans la vente d’endives, notamment à la marque Perle du Nord (6 000 tonnes/an). Elle commercialise également 4 000 tonnes de choux, céleri-rave, poireaux, pissenlits, Barbucine, Friseline, Carmine, endive rouge… Présente sur tous les MIN de France, la PME de 7 salariés travaille surtout avec Rungis où elle s’attache à fidéliser au maximum ses grossistes réguliers. « Rungis représente 14 % de notre chiffre d’affaires annuel. On appelle 25 professionnels du MIN chaque matin ! » explique Jean Pierre Dalle tout en soulignant leurs exigences sur la qualité des légumes qu’ils commandent. Ribambelle commercialise avant tout de l’endive
extra « étiquette rouge » (80 % des volumes) mais aussi de l’endive pleine terre. « C’est un légume en pleine évolution qui pèse désormais 7 à 8 % de nos endives contre 4 % voici encore deux ans ! » reconnaît Arnaud Banz. On la trouve chez Pewe, Paris Select MG Primeurs et Mauduit. Quant à l’endive de salle, elle est présente chez Marin, PrimOuest, Chronoprimeurs ou Alix. « On travaille aussi beaucoup avec Transgourmet avec lesquels on fait 4 à 6 salons chaque année », concluent-ils.

 

La tradition brassicole revient en force

Des hauts-de-france 5Si la région n’a pas encore retrouvé ses vignes*, elle assiste néanmoins à un véritable engouement pour « le jus de houblon ». De tout temps terre de brasseries, le Nord renoue ainsi avec sa tradition brassicole, née au Moyen-Âge avec les moines brasseurs des abbayes, qui a culminé au xixe siècle avec les fermiers brasseurs. En 1910, on comptait plus de 1 900 brasseries. En 1986, il n’en restait plus que 21 pour 3,3 millions d’hectolitres de production. Trente ans plus tard, elles sont plus de 60 qui produisent près de 7 millions d’hectolitres ! Les brasseries artisanales explosent, profitant d’un attrait retrouvé pour les produits authentiques.

Des hauts-de-france 6À la Brasserie du Pays flamand (Blaringhem), créée par deux jeunes entrepreneurs, c’est le coup de pression permanent depuis que leur bière Anosteké Saison a obtenu le prix de la meilleure bière de garde du monde au World Beer Awards. La petite brasserie a déjà saturé ses installations de 2008. Ils investissent 2,5 millions d’euros dans un nouveau site à Merville, qui devrait augmenter la capacité de la brasserie de 15 %. Un nouvel exemple du dynamisme inattendu de la gastronomie des Hauts-de-France.

* Les vignes ont disparu dès le xviie siècle, et ce n’est que depuis les années 1990 que l’on assiste à de nouvelles plantations. Les plus emblématiques se situent à Haillicourt où des passionnés se sont mis à faire pousser des vignes de chardonnay sur un terril.

JC David : le hareng roi

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Hervé Diers doit tout au hareng… mais aussi à son sens inné des affaires et du marketing. À la tête des établissements JC David, qu’il a rachetés en 2001, il veut aujourd’hui doubler sa production pour passer de 750 à 1 500 tonnes produites par an. Créée en 1953 par Jean-Claude David, cette entreprise utilise un procédé ancestral artisanal et naturel qui marie le feu, la fumée et le poisson salé dans de véritables fours à bois. La PME en compte vingt dans le vieux quartier boulonnais de Capécure mais aussi dans les locaux des anciens établissements Seillier, dont les fours à bois avaient longtemps été inactifs. Hormis le hareng, l’un de ses produits premium est le haddock, préparé exclusivement à base d’églefin délicatement salé, trempé dans du rocou (un pigment rouge orangé extrait du rocouyer qui colore également les mimolettes) puis fumé.

Le potjevleesch de la conserverie Saint-Christophe

Simon Van Oost l’assure : son potjevleesch est le meilleur de la région ! « C’est l’un des seuls à être préparé avec les quatre viandes de la recette originale », explique celui qui va succéder à son père, le fondateur de la conserverie Saint-Christophe, implantée à Argoules (80), à la frontière de la Somme et du Pas-de-Calais. Le potjevleesch est en effet la plus grosse vente de cette conserverie de 20 salariés produisant spécialités régionales et produits de terroir (plus de 70 références). Pas moins de 1 500 pots en verre sortent chaque semaine pour approvisionner ses magasins du Crotoy, de Wimereux et du Touquet ainsi que les foires, salons professionnels et épiceries fines. Les conserves Saint-Christophe sont d’ailleurs référencées à la grande épicerie du Bon Marché de Paris ainsi qu’au Gourmet’s Market de Rob, son équivalent bruxellois. Des références !

Thierry Becqueriaux