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LES VOSGES

La diversification réussie d’un département laitier

Plus grand producteur de lait au sein de la région Grand Est, le département des Vosges assume sa double vocation agricole et forestière. Son importante filière laitière est dominée par la fabrication et l’affinage des fromages, dont le traditionnel munster. Mais ce département produit également beaucoup de viande et diversifie son activité agricole, notamment à travers les petits fruits comme la myrtille des Vosges.

Le département des Vosges regroupe 359 000 habitants sur une surface composée pour moitié de forêts, ce qui en fait le troisième département le plus boisé de France. Mais parmi les sapins, les chênes et les hêtres, l’agriculture a su se faire une place respectable dans les zones de montagne à l’est (massif vosgien) et la plaine à l’ouest. Les Vosges réunissent aujourd’hui près de 3 200 exploitations agricoles, dont 2 000 exploitations professionnelles. Elles sont surtout le plus grand département producteur de lait et l’un des plus importants producteurs de viande de la région Grand Est. Chaque année, plus de 400 millions de litres de lait proviennent de 62 000 vaches laitières, « principalement de race Prim’Holstein », précise la Direction départementale des territoires (DTT) des Vosges.
Produite en abondance, cette matière première permet de fabriquer les fromages du territoire. Ainsi quatre grandes entreprises de transformation laitière sont implantées dans les Vosges : Bongrain-Gérard (groupe Savencia) au Tholy, Lactalis (premier groupe transformateur fromager mondial) à Corcieux, Triballat (Rians) à Neufchâteau et enfin la coopérative de l’Ermitage à Bulgnéville, la plus importante du département et la seule dont le siège est situé dans les Vosges. « C’est une coopérative qui achète du munster en blanc dans des exploitations pour l’affiner elle-même. L’Ermitage continue aussi de collecter le lait en zone de montagne, qui est trois fois plus cher qu’en zone de plaine. Cette coopérative a gardé son ADN d’acteur du territoire et de son développement », explique Jérôme Mathieu, président de la chambre d’agriculture des Vosges. Créée en 1931 par 211 producteurs de lait, l’Ermitage s’est développée tout en conservant sa tradition fromagère. Les 1 100 coopérateurs et producteurs de lait de l’Ermitage sont, aujourd’hui encore, les seuls actionnaires de la fromagerie. Ce groupe présidé par le sénateur (LR) et ancien président de la chambre d’agriculture des Vosges, Daniel Gremillet, a enregistré un chiffre d’affaires de 390 millions d’euros HT en 2018. Proposant une palette de différents fromages (brie, camembert, marcaire des Vosges…), l’Ermitage est surtout le premier fabricant de munster AOP. Ce géant de l’agroalimentaire vosgien peut s’approvisionner auprès des 1 050 producteurs de lait que compte le département, comme la ferme du Houtrou.

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Myrtille ou bluet, le petit fruit local

« Il y avait une grande tradition dans les Vosges autour de la valorisation des fruits, mais plutôt des fruits distillés, témoigne Jérôme Mathieu, président de la chambre d’agriculture des Vosges. Maintenant, on a un développement de producteurs de petits fruits, comme la myrtille ou bluet des Vosges. » À la ferme de Briseverre à Hennezel, Caroline Barbier est à la tête d’une exploitation de 8 ha, dédiée à la culture saisonnière de cassis, framboises, quelques fraises et groseilles, mais surtout de myrtilles, dont la récolte s’étend de juillet à août. « La myrtille sauvage est l’espèce qui pousse sur la route des crêtes, elle fait l’objet d’un ramassage non professionnel [limité à 5 l par personne et par jour, selon le code forestier, NDLR]. Le bleuet est une myrtille du Québec et de l’est des États-Unis. Cette espèce a été introduite sur le continent européen dans les années 1980, explique Caroline Barbier, également présidente du Syndicat des producteurs de myrtilles de France. Sur le massif vosgien, des producteurs ont commencé à cultiver cette espèce pour la distinguer de la myrtille sauvage et ont déposé une marque qui s’appelle “ bluet des Vosges ”. » Caroline Barbier préfère l’appellation « myrtilles des Vosges », que l’on retrouve sur ses boîtes de fruits et les produits transformés (confitures, coulis, jus) qu’elle vend directement dans son exploitation ou via la coopérative Vegafruits. Cette dernière se charge de revendre les produits à Rungis, à des grossistes et à des enseignes comme Grand Frais. Entre 50 et 55 t de fruits par saison sont récoltés par les 50 employés et les cueilleurs-visiteurs du verger de Hennezel. La propriétaire du domaine le confirme : « Le marché de la myrtille est en plein développement. »

Munster, yaourts et crème d’Albert

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« D’année en année, nous avons eu régulièrement des médailles et des récompenses pour la qualité de nos fromages », confie Odette Vincent de la ferme du Houtrou.

Située à quelques kilomètres au sud de Remiremont, la ferme du Houtrou est une entreprise familiale installée à Rupt-sur-Moselle depuis 1983. Au début de son activité, l’exploitation de Luc et Odette Vincent transformait le lait de ses quatre vaches pour fabriquer des yaourts, tandis qu’une partie de sa production était ramassée en quota laitier par l’Ermitage. La ferme s’est ensuite agrandie et a commencé à fabriquer du munster. « D’année en année, nous avons eu régulièrement des médailles et des récompenses pour la qualité de nos fromages », témoigne Odette Vincent. L’exploitation dispose aujourd’hui de 70 vaches laitières et revend ses fromages à trois affineurs de la région : la coopérative de l’Ermitage, le Louis et la Maison Fischer, en Alsace. Un quart de la production est affiné à la ferme, puis vendu directement aux consommateurs ou à des magasins de proximité. Depuis cinq ou six ans, quelques fromages et yaourts de la ferme du Houtrou se retrouvent dans les rayons des grandes surfaces alentour (Leclerc, Super U, Intermarché). Si l’entreprise a observé une perte de 20 000 e par mois durant la période du confinement, l’activité se porte plutôt bien. « Nous ne pouvons plus suivre la demande, reconnaît Luc Vincent.les vosges - ferme houtrou - produits Nous sommes limités par la place et notre production de lait. » Environ 90 % du lait transformé par l’exploitation – soit 1 200 litres par jour – sert à confectionner les munsters. Le reste de la production laitière transformée est utilisé pour faire des yaourts nature ou aromatisés : 3 000 à 4 000 pots sont remplis chaque semaine. Les produits de la ferme du Houtrou sont conçus sans conservateurs. En 2018, l’exploitation a reçu le label « Bienvenue à la ferme » des chambres d’agriculture, attribué aux agriculteurs engagés dans une production responsable et partageant leurs savoir-faire.

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Bonbons des Vosges : une success-story

Difficile de ne pas succomber à une douceur sucrée après une visite dans un atelier d’une confiserie vosgienne. La cuisson bouillante du sucre et du glucose, l’incorporation des arômes, le passage aux cylindres et le givrage donnent l’eau à la bouche. Pas étonnant que 60 % des ventes de la Confiserie bressaude se fassent au sein même de l’établissement de La Bresse, où sept visites par jour sont proposées au public. « Avec l’ouverture des pistes en hiver, nous avons 5 000 clients par jour », confie Denis Sontot, en charge de la promotion et des achats. Chaque année, 60 t de sucre sont utilisées par le confiseur pour confectionner des gourmandises. Les traditionnels bonbons des Vosges (sucres cuits à base de sirop de sapin) sont concurrencés par les gommes, les caramels, les nougats et les pains d’épices. Les bonbons de la Confiserie bressaude sont vendus dans des magasins de la région, en grande surface et d’autres stations vosgiennes ou alpines. À noter qu’avec 220 000 visiteurs par an, la Confiserie des Hautes-Vosges (Plainfaing) détient le titre de site industriel le plus visité du Grand Est.

Dans le centre-ville de cette petite commune de Rupt-sur-Moselle, une autre entreprise familiale travaille le munster. Depuis 1928, l’enseigne Courroy perpétue la tradition de l’affinage. « Nous recevons les fromages tout blancs et nous les affinons chaque jour à l’eau plate, explique Cyril Courroy, désormais à la tête de la fromagerie avec sa sœur Nathalie. Nous les frottons et les retournons deux fois par semaine. C’est le sel introduit à la fabrication qui permet la conservation. » Courroy affineur s’est distingué depuis 2004 avec sa crème d’Albert, devenue un produit phare de la fromagerie. Ne supportant plus le gâchis des munsters – invendables après six semaines – Albert Courroy (père de Nathalie et Cyril) s’est inspiré de la crème de brie pour créer sa propre crème : « Du munster fondu au bain-marie, arrosé de gewurztraminer d’Alsace, d’un peu d’eau, mêlé de beurre, le tout lié par du sel de fonte. » Une recette « qui a permis la pérennité de sa société ». Une décennie après sa création, la production annuelle de la crème d’Albert s’élevait à 65 000 pots. Courroy vend aujourd’hui ses fromages à plus de 140 professionnels : crèmeries, restaurateurs, grande distribution et grossistes internationaux. Avec 600 000 e de CA en 2019, la fromagerie est en croissance depuis huit ans « sans publicité », assure Cyril Courroy.

 

Adéquat au service des producteurs

 

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Philippe Mauchamp, directeur de l’abattoir (coopérative Adéquat).

Depuis l’annonce de la fermeture de l’abattoir d’Elivia (groupe Terrena) à Eloyes en mai 2019, quelque 250 producteurs vosgiens de viande se sont trouvés dans l’embarras. À la suite de cette situation, la coopérative Adéquat (Abattage, Découpe, Qualité et Tradition) de Rambervillers va ouvrir prochainement un nouvel atelier pour commercialiser des steacks hachés surgelés. Actif depuis 2002, l’abattoir propose différents services en circuit-court aux éleveurs du département : allant du transport des animaux à la découpe, en passant par la maturation et le retour de la viande chez l’éleveur. « Nous étions très en avance sur les questions de demandes sociétales, prétend Philippe Mauchamp, directeur de l’abattoir et à l’origine de sa conception en tant que chargé de mission à la chambre d’agriculture des Vosges. Les adhérents utilisent le service dont il a besoin. Notre système est une coopérative, chaque éleveur détient du capital social au prorata de son activité.

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Les éleveurs emballent leurs propres viandes (coopérative Adéquat)

En 2015, Adéquat avait déjà agrandi ses locaux pour commencer la préparation de viande hachée. Depuis quelques jours, les travaux d’extension du site se mettent en place. Adéquat est passé de 400 à près de 600 adhérents et sa structure va s’étendre de 1 300 à 2 300 m2. Environ 1 600 t de

viande par an (bovins, porcs, veaux, ovins, caprins) y sont abattus. Avec ce projet, « 200 t de s

teacks hachés, surgelés et emballés individuellement » sortiront également chaque année de l’usine de Rambervillers, à l’horizon 2021.

■ Jeremy Denoyer

 

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Nestlé Waters, un employeur important et des controverses

À travers sa filiale Nestlé Waters, la première entreprise agroalimentaire mondiale est bien implantée dans les Vosges. Le groupe suisse produit aujourd’hui 1,4 milliard de bouteilles d’eau par an avec ses trois marques vosgiennes : Vittel, Hépar et Contrex. « En 2019, les activités du groupe dans la région des Vosges ont représenté 2 285 emplois [direct, indirect et induit, NDLR] », estime Ronan Le Fanic, directeur de l’usine de Nestlé Waters Vosges. Le groupe réunit à lui seul plus de 30 % des emplois de l’industrie agroalimentaire du département. Mais Nestlé Waters France fait face à plusieurs polémiques depuis la diffusion de l’émission « Pièces à conviction », sur France 3. Dans ce reportage du 13 mai dernier, un paysan affirme ne plus avoir accès à l’eau d’un puits lui permettant d’abreuver ces 500 brebis. Ce puits aurait été condamné par l’industriel. Et face à cette situation, le paysan s’apprêterait à quitter les Vosges pour la Creuse, suggère le sujet. Dans ce même reportage, la journaliste Delphine Lopez estime que « Nestlé Waters puiserait sans autorisation » avec cinq forages à Contrexéville. « Plusieurs associations de défense de l’environnement et de consommateurs, dont le collectif Eau 88, ont annoncé jeudi 18 juin porter plainte contre Nestlé Waters pour neuf forages qu’elles jugent illégaux dans les nappes phréatiques autour de Vittel et Contrexéville », relayait Vosges Matin. Après des déclarations contradictoires de ses responsables, le géant suisse soutient désormais avoir « toutes les autorisations de prélèvement des eaux minérales ».