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Nos régions ont du goût

Pyrénées-Orientales

L’âme des produits catalans

Malgré des conditions météorologiques difficiles – entre sécheresse, vent, neige et inondation – les Pyrénées-Orientales offrent une agriculture diversifiée et reconnue à travers différents signes officiels de qualité. De l’élevage extensif dans les massifs montagneux à la viticulture, au maraîchage et à l’arboriculture de la plaine du Roussillon, l’esprit catalan se retrouve dans cette production.

L’identité et la culture catalane imprègnent fortement le département le plus au sud de l’Occitanie. Hormis la région naturelle du Fenouillède, de langue occitane, les Pyrénées-Orientales correspondent à ce que l’on nomme communément la Catalogne française ou Catalogne du Nord. De nombreux habitants de la plaine du Roussillon – dont Perpignan son épicentre –, de la Côte Vermeille et des territoires montagneux (Vallespir, Cerdagne, Capcir…) se considèrent avant tout comme catalans, au même titre que leurs voisins du nord-est de l’Espagne. Cette identité se retrouve dans la production agricole, la cuisine et les spécialités locales.

Ce territoire aux couleurs chaudes et ocres regroupe 4 100 exploitations agricoles et emploie plus de 3 000 salariés à plein temps, faisant de l’agriculture le deuxième secteur d’activité des Pyrénées-Orientales, derrière le tourisme. La chaleur du climat (plus de 300 jours d’ensoleillement par an) comme l’influence maritime ont un impact sur ses activités nourricières. « Nous sommes dans un climat méditérranéen très capricieux, ce qui rend plus complexes les productions », dépeint Valentine Finat, chargée de mission à l’Institut régional de la qualité agroalimentaire d’Occitanie (Irqualim). Malgré cette difficulté, les Pyrénées-Orientales recensent des productions variées.

Les zones montagneuses sont orientées principalement vers l’élevage bovin extensif, avec des productions qualitatives, à l’instar de la Rosée des Pyrénées catalanes. Ce veau élevé selon des pratiques traditionnelles se nourrit uniquement de l’herbe des pâturages et du lait de sa mère, ce qui lui confère une viande tendre et rosée. En 2016, la Rosée et le Vedell des Pyrénées catalanes ont bénéficié des premières IGP transfrontalières, à cheval entre la France et l’Espagne. Cette recherche de valorisation agricole, soutenue par l’Irqualim, se retrouve également dans la production laitière. Depuis 2015, la coopérative Cimelait a investi dans une unité de production de yaourts, à Err, lui permettant de vendre localement ses produits en grande distribution et en restauration collective. Sur les emballages de ce « yaourt des montagnes catalanes », Cimelait affiche fièrement les couleurs rouges et jaunes du drapeau catalan.De plus, la plaine du Roussillon est fortement imprégnée par la viticulture et elle se diversifie également avec la culture maraîchère ainsi que l’arboriculture.

 

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Des Abricots rouges et des artichauts labellisés

Pyrénées-Orientales 3Premier département producteur de pêches et de nectarines, les Pyrénées-Orientales sont le cinquième producteur d’abricots de France et surtout le seul à détenir une variété d’appellation d’origine protégée (AOP) avec ses Abricots rouges du Roussillon. « Nous avons quatre variétés endémiques qui ne poussent qu’ici : le Rouge du Roussillon, le Royal Roussillon, l’Helena du Roussillon et le Gâterie », détaille Élisabeth Bonnet, productrice et présidente du syndicat de défense des Abricots rouges du Roussillon. Ces abricots, présents depuis plus d’un siècle dans les Pyrénées-Orientales, ont été reconnus AOC en 2015, puis AOP en 2016. Mais avant l’obtention de ces signes officiels de qualité, les petits abricots à taches rouges n’avaient plus une bonne image auprès des consommateurs. « Dans les années 1990, ces variétés ont commencé à décliner, plus personne n’en voulait. Les gens préféraient des abricots très ronds, sans taches et orange. L’appellation est arrivée au bon moment, même si commercialement nous avons encore des difficultés », admet Élisabeth Bonnet, aussi vice-présidente de la coopérative de fruits et légumes Teraneo. Très attachée à la terre, la productrice souhaite protéger la qualité et la provenance de cet abricot sucré à texture souple qui a « bercé » son enfance. Aujourd’hui à la tête d’une exploitation de 17 ha divisée en trois entités, elle défend depuis 2017 les intérêts des 72 producteurs en AOP implantés dans le Roussillon : « Le principal objectif de l’AOP est de sauver cette variété et les exploitations. La rémunération des producteurs est très importante : nous misons sur cette AOP pour nous démarquer et valoriser le produit. Si la rémunération ne suit pas, le producteur non plus. » En 2019, sur les 1 375 t d’abricots rouges du Roussillon récoltés, 344 t de fruits ont été vendus en produits frais et 396 t ont été transformés en compote et confiture par des industries agroalimentaires comme Andros et l’enseigne Lucien Georgelin, très engagée dans la qualité notamment à travers des produits biologiques. Les Pyréneés-Orientales se sont orientées vers une agriculture raisonnée ou biologique. Au sein des producteurs d’abricots rouges AOP, 12 produisent en bio aujourd’hui, même si cette démarche demeure complexe. « Il est difficile de vendre deux labels, bio et AOP, mais certains y croient… dont moi-même », s’en amuse Élisabeth Bonnet. En se promenant dans son verger fleuri de Claira, où les récoltes commencent à la mi-juin, la présidente de l’ODG réaffirme son engagement ainsi que ses projets à venir : « Cette AOP amène de l’oxygène, mais nous n’avons pas assez de volume pour l’instant. En travaillant collectivement, nous arrivons à faire des choses enrichissantes. Pour gagner en visibilité, nous finalisons un emballage commun pour tous les metteurs en marché de cet abricot. Nous espérons que cela développera, dès cette saison, les ventes en frais. »

Animé par la même passion de ses produits, Ludovic Combacal préside l’Organisme de défense et de gestion (ODG) des Artichauts du Roussillon, dont l’INAO a attribué une indication

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géographique protégée (IGP) en 2015. Parmi les 700 ha consacrés à la culture d’artichauts dans le département, une centaine d’hectares remplissent les conditions propres à la production IGP artichauts du Roussillon. Depuis le début du mois de mars, les premières récoltes de Macau (l’une des cinq variétés reconnues) ont commencé avec un peu d’avance sur l’exploitation de Ludovic Combacal, à Torreilles. « C’est la variété la plus ancienne, qui a toujours existé dans notre région. Elle a été écartée dans les années 1970 en raison de ses petites marbrures qui posaient des problèmes de commercialisation, précise cet ancien photo-reporter. C’est un artichaut très ferme, très dense, avec peu d’amertume et peu de foin. » La fermeté de ces artichauts est due aux hygrométries très élevées de la plaine du Roussillon. Après avoir parcouru le monde pendant des années, Ludovic Combacal a  souhaité se rapprocher de sa famille et valoriser les boutons floraux de son territoire. « J’ai eu envie de m’engager dans une filière et d’emmener le reste de la production avec moi », affirme le dirigeant de Cynara, dont l’entreprise conditionne et commercialise les artichauts du Roussillon IGP. Ces derniers sont ensuite vendus au marché Saint-Charles, l’une des places les plus importantes du négoce de fruits et légumes en Europe. « Grâce à cette plateforme, nous sommes sur de l’ultrafrais pour la restauration. Ce que nous avons récolté ce matin sera demain sur la plateforme de Rungis », note Ludovic Combacal. Si les Artichauts du Roussillon incarnent un terroir, un savoir-faire et relèvent d’« un important effort environnemental », ils souffrent d’un manque de notoriété, bien que « la profession commence à être consciente de la valeur du produit depuis deux ou trois ans », estime le président de l’ODG.

 

 

Des vins naturellement variés et de qualité

 

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Le département des Pyrénées-Orientales est un terroir viticole multiple. Il n’est pas un  producteur reconnu en matière de volume (15e rang français), mais il se démarque par ses différents cépages, la richesse des sols, sa diversité géologique et son climat à part. Les vins du Roussillon s’inscrivent dans une pratique pluriséculaire. « Nous avons quasiment 28 siècles d’histoire viticole. Nous avons toujours été envahis – notamment par les Wisigoths et les  Sarrasins après l’Antiquité romaine –, mais il y a une culture catalane très ancrée. C’est un roulement permanent ouvert sur la Méditerranée, expose Éric Aracil, directeur adjoint du Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon (CIVR). 80 % de nos vignobles sont implantés en coteaux : sur ces coteaux, la vigne est peu productive mais de qualité. Il y a une diversité de couleurs et les vins doux naturels sont nés chez nous (voir encadré). Le Roussillon est une compilation de vins, une école à ciel ouvert. » Ce fief vinicole utilise 24 cépages pour la conception de ses vins et 14 AOP (neuf en secs et cinq en doux naturels) ont été reconnus de 1971 à 2017. Avec les vins secs Côtes catalanes et Côte vermeille, le vignoble du Roussillon accueille également deux IGP. La Maison Cazes incarne cette diversité des vins du Roussillon. Depuis son mariage avec le groupe Advini au milieu des années 2000, l’enseigne familiale a même intensifié son investissement dans les Pyrénées-Orientales. « Nous avons un pied dans presque chacun des vignobles du département, témoigne Emmanuel Cazes, ambassadeur de la Maison Cazes. Nous essayons de valoriser nos vins à travers nos originalités, nos cultures… Nous travaillons essentiellement avec du grenache et du carignan, qui correspondent davantage à la terre du Roussillon. » Outre le domaine ancestral de Rivesaltes, la maison Cazes est présente notamment dans la baie de Paulilles et détient quelques parcelles dans la plaine de Maury.

En harmonie avec la culture territoriale, les vignobles Cazes sont traités en grande majorité en biodynamie. « Nous essayons d’éviter les maladies avec des tisanes de plantes, à base de compost, pour renforcer le bien-être de la plante. La vigne est moins stressée et peut mieux se défendre », explique Emmanuel Cazes.

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Anchois de Collioure : une tradition médiévale

La petite ville portuaire de Collioure est le siège de la pratique ancestrale de salaison d’anchois. Éminente terre viticole (première AOP du Roussillon en 1971 pour son vin rouge), la commune a conservé sa traditionnelle production d’anchois grâce aux maisons Desclaux et Roque. Cette dernière, en activité depuis 1870, a reçu l’an dernier par l’État le titre d’Entreprise du patrimoine vivant. « Cette pratique remonte au Moyen Âge, Collioure a été une place forte en termes de pêche et de négoce. Louis XI a exempté le droit de gabelle, ici à Collioure, pour développer la salaison, rappelle Florent Roque, représentant de la dernière génération de la maison Roque. Mais dans les années 1960, Collioure s’est tourné vers le tourisme, et la pêche à la barque catalane s’est effondrée à cette période. » À cela se sont ajoutées la pénurie d’anchois dans la Méditerranée et la réduction des calibres des poissons, une conséquence, selon l’Ifremer, d’un phytoplancton moins nutritif. Les produits phares de la maison Roque, comme les filets d’anchois à l’huile, sont donc aujourd’hui peu pêchés en Méditerranée mais davantage dans le golfe de Gascogne et surtout en dehors de l’Europe, en grande majorité dans l’Atlantique sud, dont l’Argentine. Toutefois, le savoir-faire, la préparation de ces poissons salés ou saumurés demeure un enjeu pour les anchois de Collioure, reconnus IGP depuis 2004, mais dont la production reste aujourd’hui suspendue (voir encadré). Lorsqu’on a la chance d’observer le travail à la main des artisanes du poisson – qui procèdent à l’étêtage ou au filetage –  dans les hauteurs de la ville, où les maisons Roque et Desclaux se partagent leurs ateliers, il est impossible de penser que cette dextérité peut disparaître. Jérémy Denoyer

La terre des vins doux naturels

Le principe du vin doux naturel, contenant au minimum 14,5 % d’alcool, repose sur la technique du mutage, mise en lumière au XIIIe siècle par le médecin et théologien catalan Arnau de Vilanova. Cette opération consiste à ajouter de l’alcool d’origine vinique, pur et neutre à 96 %, sur un moût en fermentation. « Cela tue les levures et conserve le fructose, le sucre du raisin », ajoute Emmanuel Cazes. Cette technique permet de donner un aspect liquoreux et de conserver la douceur naturelle contenue dans le fruit. Les vins doux naturels originaires du Roussillon représentent 80 % de la production nationale. « Ces vins entretenaient des familles entières il y a 20 ou 30 ans. Aujourd’hui, nous essayons de leur donner une image plus qualitative », poursuit l’ambassadeur de la Maison Cazes.

 

L’IGP « Anchois de Collioure » inexploitée

La ville de Collioure et les producteurs d’Anchois désiraient obtenir un signe de qualité dans les années 2000, pour faire reconnaître cette spécificité de salaison, pratiquée aussi en Espagne et dans les pays du Maghreb. L’IGP « Anchois de Collioure » a été attribuée en 2004, mais elle n’est pas utilisée aujourd’hui, ni même par les deux producteurs historiques. La zone de pêche a changé, le délai entre la pêche et la transformation est devenu intenable et la température de maturation des poissons n’est plus adaptée. Mais depuis plusieurs mois, les représentants des deux illustres maisons d’anchois de Collioure semblent vouloir travailler à la réutilisation de ce label, avec le soutien de l’Irqualim. « Nous souhaitons déposer la demande de modification du cahier des charges du dossier IGP 2004 », affirme Valentine Finat, chargée de mission pour cet Institut.

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