Massivement délocalisée hors d’Europe ces dernières décennies, la culture du cornichon peut-elle retrouver sa place dans les champs français ? Son retour est à l’ordre du jour, même s’il se fait encore sur la pointe des pieds, puisque la France ne produit toujours que 2 % de sa consommation, 98 % restant encore importée, d’Inde, de Chine ou encore du Vietnam. La société d’origine suisse Reitzel a fait partie des initiateurs de la relance d’une filière franco-française du célèbre condiment dès 2016. Grâce à son réseau d’agriculteurs partenaires, elle en a conditionné et commercialisé 287 tonnes l’année dernière en France, dont 52 tonnes pour la marque Hugo Reitzel, destinée aux professionnels de la restauration, notamment commercialisée chez Le Delas.
« Pour relever le défi de la relocalisation, nous nous sommes appuyés sur deux piliers : notre savoir-faire, en tant qu’expert condimentaire, et un partenariat fort avec nos agriculteurs », raconte Morgane Gaweda, chef de marque chez Reitzel. Pour s’assurer de l’implication de ses fournisseurs, l’entreprise a mis en place une politique d’accompagnement. Celle-ci prend la forme d’une assurance récolte en cas de pertes, de conseils techniques avec des ingénieurs agronomes et enfin avec l’achat de la totalité des calibres du champ. « 100 % des cornichons qui sortent du champ, tous calibres confondus, sont achetés et valorisés dans les recettes à nos trois marques, Jardin d’Orante (GMS), Bravo Hugo (réseaux spécialisés bio) et Hugo Reitzel (professionnels) », poursuit Morgane Gaweda.
En quelques années, la filière a grandi et s’est structurée. Elle compte 13 producteurs majoritairement installés en Loir-et-Cher et en Sarthe, autour des deux ateliers de production de Reitzel, une proximité qui permet un travail en circuit court. La gamme s’est étendue autour des cornichons fins, aigres doux et autres malossols. Pour Reitzel France, la production d’origine française est désormais importante, car elle a représenté en 2020 18 % des volumes. La bataille est cependant loin d’être gagnée. « Le plus grand défi que nous devons relever reste aujourd’hui la méconnaissance des Français quant aux origines des cornichons qu’ils achètent, s’émeut Morgane Gaweda. Le manque de transparence et le flou entretenu par certaines grandes marques débouchent sur de fausses croyances : 52 % des Français pensent que les cornichons qu’ils achètent proviennent de France*, or nous sommes les seuls à en proposer à grande échelle, et à prix accessible. » La responsable appelle logiquement à « lever le voile sur l’origine des cornichons pour que les Français puissent, réellement, faire des choix en conscience ».
B. C.
* Étude menée en décembre et mai dernier avec l’Institut CSA Research.
Reitzel France
Siège social
16, rue d’Athènes
75009 Paris
5,5 M€. C’est le chiffre d’affaires de l’activité Food Service en France, contre un historique à 8,4 M €. L’activité a été fortement pénalisée par la fermeture des restaurants.
L’histoire
Le Suisse Hugo Reitzel a fondé la société Reitzel et Cie à Aigle en Suisse en 1909. Il y fabrique originellement de la moutarde et commercialise des denrées coloniales. Il commence en 1930 la production artisanale de cornichons et de légumes au vinaigre (pickles). L’entreprise se développe en France à partir de 2000 et le rachat de la société Guy Briand SA à Bourré en France, spécialisée dans la fabrication et le conditionnement de condiments en bocaux. La gamme « Le cornichon français » est lancée en 2017, sous la marque Hugo Reitzel pour le food service. En 2018, une gamme de condiments bio (dont des cornichons) est également lancée sous la marque « Bravo Hugo ».
Malgré les difficultés, nous avons foi en l’avenir et travaillons déjà à l’après avec en prévision de très beaux projets R & D et lancements de produits, notamment sur un format pratique et innovant : la poche.
(Morgane Gaweda)