Dossier réalisé par Olivier Masbou et Bruno Carlhian
La France est un des leaders du marché de la pomme de terre. La production nationale de pommes de terre pour la consommation est de 6,5 millions de tonnes, ce qui fait de notre pays le 2e producteur en Europe de l’Ouest, derrière l’Allemagne. La culture de la pomme de terre représente aujourd’hui 153 000 ha, répartis sur 8 000 exploitations agricoles professionnelles. La production de pommes de terre primeur est estimée entre 40 000 et 60 000 tonnes selon les années. La production de pommes de terre bio reste confidentielle (entre 50 000 et 55 000 tonnes). Les pommes de terre se plaisent dans les régions tempérées et humides, et dans les grands espaces. Leur production est concentrée au nord de la Loire, principalement dans la région des Hauts-de-France qui représente à elle seule les deux tiers de la production nationale (64 %). Seuls 17 % de ces volumes sont destinés au marché français du frais. 21 % de production sont orientés vers l’industrie (frites, chips, etc.). Et près de la moitié (43 %) prend le chemin de l’exportation*. Car avec près de trois millions de tonnes exportées en moyenne chaque année (3,1 millions de tonnes pour la campagne 2019-2020), la France est le premier exportateur mondial de pommes de terre. On vend des pommes de terre partout : en Europe occidentale bien sûr (Espagne, Italie, Allemagne, Belgique, Royaume-Uni…), en Europe de l’Est (Roumanie, Hongrie…), en Afrique (Côte d’Ivoire…), dans la péninsule arabique (Émirats arabes unis…) ou en Asie (Vietnam…). La pomme de terre française est appréciée pour sa très grande qualité, sa bonne tenue dans les rayons, la diversité des variétés. Près de 250 variétés sont présentes dans les magasins et sur les marchés. Mais une vingtaine de variétés pèsent 80 % du marché. Les Français sont de réels amateurs de pommes de terre. C’est le légume préféré pour 57 % de nos concitoyens (juste devant la tomate et la salade). Et ils sont 98 % à affirmer cuisiner des pommes de terre (dont 62 % au moins une fois par semaine). Et la satisfaction est au rendez-vous. 73 % des Français prennent plaisir à consommer ce tubercule, 98 % considèrent qu’il permet de passer de bons moments en famille ou entre amis. Le niveau qualitatif et sanitaire est lui aussi reconnu : 94 % des consommateurs ont confiance en la pomme de terre, 79 % reconnaissent l’origine France (qui est quasiment la seule disponible sur les marchés ou dans les magasins : nous importons environ seulement 300 000 tonnes de pommes de terre par an). C’est un légume sain pour 94 % des acheteurs. Et enfin, la pomme de terre a l’image d’un produit accessible, « pas cher » (pour 80 %). De fait, le prix moyen de la pomme de terre était de 1,17 E/kg en 2019-2020. Les pommes de terre sont consommées toute l’année, un peu plus en hiver (79 % des consommateurs) et en automne (76 %), qu’au printemps (65 %) et qu’en été (63 %). Elle est achetée avant tout pour son goût (55 %) et sa facilité de préparation (46 %). Ces enquêtes d’opinion sont confirmées par les actes d’achat. Nous consommons 52 kg de pommes de terre par an et par habitant : un kg par semaine. Les Français ont réellement la patate.
* Le reste de la production, soit 19 %, correspond à des pommes de terre destinées à l’alimentation animale, à des pertes et à l’autoconsommation par les agriculteurs.
Commercialisation
À chaque client sa pomme de terre

Son directeur Jean-Marc Bidault et son directeur export Marc Fichel présentent cette entreprise originale.
Les attentes des clients en matière de pomme de terre, c’est un sujet que l’on maîtrise bien chez Sol’Pom. Il faut dire que l’entreprise de gros du bâtiment D2 a été créée en 2013 à l’initiative de l’un des leaders français de la collecte et du conditionnement de pommes de terre fraîches, Pom’Alliance. Cet opérateur national, qui cherchait à diversifier ses débouchés, propose alors à Jean-Marc Bidault, ancien grossiste et courtier fin connaisseur de Rungis, de créer un magasin afin de prendre position sur le marché.
Sol’Pom commercialise en exclusivité à Rungis la marque de Pom’Alliance destinée au circuit traditionnel, Cabrette, mais aussi d’autres comme la gamme Idéales de Pom’Liberté et même d’autres produits : ail, oignon, échalote, échalion, vieux légumes, etc. « Notre produit-phare reste bien sûr la pomme de terre, avec 60 % des volumes, mais nous nous sommes peu à peu diversifiés en fonction des attentes de nos clients et pour en trouver d’autres », résume Jean-Marc Bidault. Une formule qui semble fonctionner, puisque l’entreprise, qui partait de zéro, commercialise désormais environ 1 000 tonnes chaque mois pour une quinzaine de collaborateurs.
Le maître mot de l’entreprise est l’adaptation à la demande de ses clients. « Les attentes des professionnels sont très différentes selon les marchés », explique Jean-Marc Bidault. « En France, nos clients [détaillants sur marché et en boutiques, restauration, NDLR] ont souvent des demandes précises en matière de gammes, de variétés, d’usage et sont très exigeants sur l’aspect. À l’export, qu’on a démarré moins de deux ans après notre ouverture, les nuances subtiles entre catégories n’ont pas vraiment de sens. Les acheteurs attendent surtout de la régularité sur l’année. » « Les importateurs britanniques ou hollandais se réfèrent à quelques grandes catégories », confirme Marc Fichel, le directeur export, arrivé il y a bientôt cinq ans dans l’entreprise. « Ils parlent de grenaille à chair ferme, de grenaille ronde type Agata, de rouge ou de « baker ». Ils ne rentrent pas dans le détail. Ils considèrent que nous avons l’expertise dans ce domaine, ce qui est un atout pour nous », précise le responsable, qui exporte principalement en Europe du Nord : Pays-Bas, Angleterre, Irlande, Danemark, Suède, Norvège, Finlande, Islande…
Comprendre le besoin du client
« À l’export d’ailleurs, tout marche sur la confiance », complète ce globe-trotter qui passe d’une langue à l’autre à longueur de matinée. « La priorité, c’est de comprendre le besoin du client et de lui apporter de la sécurité dans ses approvisionnements. À partir du moment où il a confiance, le prix devient une question secondaire », précise-t-il. Le vendeur à la double vie (il est aussi auteur-interprète) est ainsi couramment mandaté pour dénicher toutes sortes d’autres produits pour compléter ses expéditions. « L’important, c’est de savoir adapter ses prix. Je sais, par exemple, qu’un Irlandais considère la grenaille comme un produit d’appel. Mais qu’il sera prêt à payer le prix pour des produits qu’il pourra difficilement trouver ailleurs à nos niveaux de qualité », développe Marc Fichel.
Le marché n’est pas non plus insensible aux modes. « Les variétés courues du moment sont la Celtiane “ fragile à travailler ” et la Jazzy “ une belle chair jaune ” », relève Jean-Marc Bidault. Sol’Pom est également un distributeur de la Gwenne, « une variété polyvalente très appréciée des gourmets », conclut le grossiste.
Début novembre, Sol’Pom avait prévu une animation avec un chef pour faire découvrir à ses clients et aux prospects toutes les subtilités de l’univers de la pomme de terre.
Mobilisation pour une pomme de terre sans phytos
Le colloque « Vers une pomme de terre sans produits phytosanitaires » s’est tenu les 14 et 15 octobre dernier. La filière pomme de terre doit lutter contre de nombreuses maladies (le mildiou, par exemple). Et les traitements chimiques sont le plus souvent nécessaires (d’où la très faible production de pommes de terre bio). Plus de 150 personnes (chercheurs, techniciens, producteurs…) ont participé à ces deux jours de travaux. Ensemble, ils ont passé en revue les nombreux risques sanitaires encourus par la pomme de terre et les leviers permettant d’agir pour une pomme de terre sans phytos. L’évaluation des risques sanitaires de la pomme de terre passe par la surveillance biologique du territoire (ou épidémiosurveillance). Elle consiste à rechercher, décrire et quantifier la présence de parasites en vue d’orienter la lutte. L’évaluation conduit ainsi à la gestion des risques par l’intermédiaire d’outils adaptés. De nombreux leviers permettent d’agir pour diminuer, voire dans certains cas, supprimer, les recours aux traitements chimiques. En premier, il y a le choix variétal. « La mise à disposition progressive de variétés résistantes est une voie fondamentale d’avenir pour limiter voire supprimer les traitements phytosanitaires contre les maladies et ravageurs », peut-on lire dans le compte rendu du colloque. Autre piste: l’imagerie quantitative et les réseaux de capteurs sont d’un apport incontestable pour évaluer l’état sanitaire des cultures et gérer les maladies et ravageurs. Les outils numériques (stations météo connectées ; outils d’aide à la décision ; capteurs parfois embarqués sur drone ; outils numériques de reconnaissance et d’identification par l’image des ravageurs ou des maladies, etc.) sont d’ores et déjà utilisés par les producteurs et leur permettent de limiter considérablement le nombre d’interventions phytosanitaires. Les produits de biocontrôle (ensemble de méthodes de protection des végétaux fondé sur l’utilisation de mécanismes naturels) commencent par ailleurs à faire leur apparition. Enfin, la production de pommes de terre en Agriculture biologique se développe doucement. Car elle doit faire face à des contraintes importantes.
La mobilisation pour une pomme de terre sans phytos s’appuie sur la combinaison des différents leviers et concerne tous les acteurs de la filière. « Une pomme de terre sans phytos est un objectif qui semblait relever de l’utopie. Cependant, les mentalités évoluent : les consommateurs veulent des produits sains, et le mouvement vers une réduction drastique de l’emploi de produits phytosanitaires sur pomme de terre s’amplifie. La recherche progresse et se saisit des enjeux pour promouvoir de nouvelles méthodes et les insérer dans des systèmes de production efficients, respectueux de la qualité comme de l’environnement. Gageons que demain, grâce à ces efforts et à ceux des acteurs des filières, l’utopie deviendra réalité ! », explique Didier Andrivon, directeur de recherche à l’INRAE.
