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L’industrie du froid en pleine mutation

La production de froid, indispensable aux métiers de l’alimentation, offre également un confort parfois indispensable au quotidien.

Les équipements sont multiples, adaptés aux besoins de chacun et des efforts sont entrepris pour mieux respecter l’environnement.

Parce qu’il y a les canicules, le réchauffement climatique, la recherche d’un certain confort ou encore la nécessité de stocker et de conserver des aliments, l’industrie du froid a plutôt le vent en poupe en France, même si elle doit s’adapter aux réglementations en matière d’économies d’énergie et de réductions des gaz à effet de serre… Selon l’Agence internationale de l’énergie, il pourrait se vendre en moyenne 4 climatiseurs par seconde dans le monde d’ici trente ans. La climatisation devient une tendance de fond. Les bons chiffres des fabricants et du négoce montrent que les Français ont désormais pris goût chez eux, à ce confort dont la plupart bénéficiaient déjà au bureau, dans les magasins ou les restaurants.
« Le marché est en croissance », estime Rachel Chermain, secrétaire générale de la Fnas, Fédération française des négociants en appareils sanitaires, chauffages, climatisation et canalisation, qui existe depuis quatre-vingt-dix ans et représente 90 % du marché, avec plus de 190 adhérents, pour un marché total de 6 milliards d’euros. « L’année dernière, nous avons fini à +3 %. Notre activité est directement liée à celle de la construction du bâtiment et de la rénovation. Pour 2019, les prévisions étaient relativement pessimistes, mais jusqu’à présent, elles ne se sont pas réalisées. Nous nous attendons néanmoins à un contrecoup avec un fléchissement au second semestre. Pour les seules climatisations, en 2017, le négoce a connu une augmentation de 24,7 %. »

Des plans de progrès sont en cours

Cependant, ces appareils gourmands en énergie et producteurs de gaz à effet de serre ont poussé le législateur à agir. Des plans de progrès européens (F-Gaz II et Écodesign) sont en cours pour imposer la fabrication de nouveaux appareils de froids plus vertueux, que ce soit les petites machines ou les installations industrielles. Les fabricants doivent s’adapter et continuer d’innover. « Pour cela, il faut avoir quand même un minimum de temps », explique-t-on chez Uniclima, le syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques créé en 2009 et rassemblant 87 industriels ou groupes, soit l’équivalent de 23 000 emplois directs. « Les industriels sont capables de s’adapter aux nouvelles contraintes mais, en matière de froid, il n’y a pas de solution universelle ; le choix d’une installation doit aussi se faire en fonction de chaque situation ; ce qui est bon pour l’un n’est pas forcément bon pour l’autre. Tout dépend de la situation géographique et du climat, du type de bâtiment, de sa hauteur, du nombre de pièces concernées, de son utilisation… »
L’industrie du froid en pleine mutation 4Il existe des climatiseurs en « froid seul », qui peuvent être fixes ou mobiles et ne refroidir que la pièce dans laquelle ils sont installés. Les fabricants proposent des versions monoblocs (sans groupe extérieur), fixes ou mobiles, qui sont les plus économiques à l’achat. Ils ont le privilège d’être simples à installer. Les appareils mobiles bénéficient de l’avantage de pouvoir être déplacés successivement dans les différentes pièces à refroidir. Ensuite, on peut opter pour une installation monosplit (un appareil mural et un bloc de sortie extérieur) ou multisplit (plusieurs appareils muraux dans des pièces différentes avec un seul bloc de sortie).
La climatisation réversible, qui produit du froid, mais également du chaud, connaît un certain succès. Les pompes à chaleur (PAC) air/air utilisent l’air extérieur et le font circuler dans la maison en le chauffant ou en le refroidissant. De cette façon, l’habitat ou le lieu professionnel est aéré et purifié, et, dans certaines conditions, le fonctionnement de ces appareils s’avère plus économique. Les fabricants indiquent qu’en 2018, il s’est écoulé 571 000 PAC air/air, soit une augmentation de 18 %. Un dynamisme qui serait en partie dû « au renouvellement des équipements installés suite à la canicule de 2003 ». Il existe néanmoins une réelle tendance favorable aux appareils réversibles. Ils se déclinent en versions monosplit, lesquelles ont connu une croissance de 16 % en 2018, et multisplit, avec la belle augmentation de 24 % l’année dernière. Si l’endroit à climatiser possède une grande surface, l’installation de gaines d’air refroidissantes est également très efficace. Le syndicat Uniclima prévoit un soutien de la demande pour l’année 2019.
Pour le tertiaire, les bureaux, les magasins, les restaurants, il existe également le système DRV, à débit de fluide réfrigérant variable, qui permet d’adapter la quantité de fluide, donc la pollution, à l’utilisation demandée. Ces appareils possèdent aussi une grande efficacité énergétique et permettent des économies. En 2018, ils ont enregistré une nouvelle année record avec l’installation de 25 921 groupes extérieurs, en croissance d’11 % par rapport à 2017, selon Uniclima. Le marché des puissances des appareils augmente, lui, de 8 %, montrant une nette progression des surfaces traitées.
Enfin, le marché des chillers (refroidissement par circulation d’eau froide) s’est affaissé de 16 % en 2018, suite à une progression de 5 % en 2017. Ce sont essentiellement les très grosses puissances qui continuent à soutenir ce marché, lequel est sans doute tiré par le grand tertiaire et l’industrie, pour les projets neufs d’ampleur notamment.
Caroline Maréchal

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L’environnement en question

Indispensable pour la conservation des denrées, la production de froid augmente la consommation énergétique des bâtiments. La consommation électrique due à la climatisation explose l’été en France, notamment depuis la canicule de 2003, qui a entraîné l’équipement d’un nombre élevé de foyers en climatiseurs. Elle reste cependant inférieure à celle de l’hiver. La production de froid a longtemps fait appel à des dispositifs frigorigènes utilisant des gaz à effet de serre, dont une partie s’échappe inévitablement dans l’atmosphère (accidents, fuites, mauvaise gestion de la fin de vie du matériel, etc.). Aujourd’hui, de nouvelles technologies proposent des installations avec du CO2 ou de l’ammoniaque, bien plus vertueux en matière d’environnement.
L’Agence mondiale de l’énergie (AIE) estime la consommation d’électricité des climatiseurs à 10 % de la demande mondiale d’électricité. Entre 1990 et 2016, leur puissance installée a triplé, atteignant près de 12 000 GW. La Chine, les États-Unis et le Japon concentrent à eux seuls deux tiers du stock de climatiseurs en fonctionnement dans le monde. Si la consommation des installations n’évolue pas significativement d’ici là, l’AIE prévoit que la demande d’électricité des climatiseurs pourrait tripler d’ici à 2050.

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3 questions à…

L’industrie du froid en pleine mutation 5Pedro Antunes,
responsable de l’agence Engie Axima du Marché de Rungis

« Faire les meilleures réalisations possibles pour favoriser le bouche-à-oreille »

Rungis Actualités : Pouvez-vous nous présenter Engie Axima Rungis ?
Nous sommes la seule agence du secteur de la réfrigération implantée sur le marché de Rungis. Nous y sommes depuis 2013. Notre agence comprend 12 salariés, dont 7 techniciens frigoristes. Nous réalisons un chiffre d’affaires annuel de 3,5 millions d’euros qui a triplé depuis notre installation. Nous avons une activité en travaux neufs et en rénovation, ainsi qu’une activité de dépannage et de maintenance. Le froid est omniprésent sur le marché de Rungis pour garantir la qualité des produits. Notre présence sur le MIN est un gage de sécurité pour nos clients. Nous sommes très réactifs au niveau SAV et intervenons rapidement en cas de panne. Aujourd’hui, nous avons une centaine de clients sur le MIN, mais le potentiel est de 1 200… Nous faisons tout pour satisfaire au mieux notre clientèle et comptons sur le bouche-à-oreille entre grossistes pour gagner de nouveaux clients.

Quelle est votre principale activité sur le Marché ?
Le gros de notre activité, c’est l’installation de systèmes en température contrôlée pour la viande, la marée, les produits laitiers… 98 % de l’activité d’Engie Axima à Rungis concerne la réfrigération et 2 % la climatisation. Nous installons principalement des chambres froides de stockage ou régulons la température dans différentes zones. Les températures varient selon les secteurs et le type de produits à conserver. Les produits surgelés sont stockés en général entre – 20 °C et – 25 °C, mais pour le stockage du thon à la marée, nous descendons jusqu’à – 40 °C. Pour la viande ou la volaille, on se situe entre 0 et + 2 °C, pour les produits laitiers entre + 2 et + 4 °C et pour les fruits et légumes entre + 6 et + 8 °C. Nous avons équipé le nouveau pavillon des porcs, le VM1, avec deux machines de 550 kW en CO2 transcritique, ce qui permet de réduire considérablement l’impact sur le réchauffement climatique. Aujourd’hui, la Semmaris a beaucoup de projets de renouvellement des anciens pavillons et donc du travail en réfrigération dans les prochaines années.

Y a-t-il des obligations environnementales pour cette activité ?
La directive européenne F-Gas, en vigueur depuis 2015, vise à l’élimination progressive des fluides frigorigènes HFC qui ont un potentiel de réchauffement planétaire (PRP ou GWP) élevé. À partir du 1er janvier 2020, l’emploi de certains fluides réfrigérants avec un PRP supérieur à 2 500, comme le R404A, sera interdit, ce qui remet en cause beaucoup d’installations sur le marché de Rungis. Pour réaliser cette transition de fluide réfrigérant,
il faut changer l’ensemble de l’installation. Les fabricants de matériels ont anticipé les contraintes de cette réglementation. Ils peuvent aujourd’hui proposer du matériel fonctionnant au CO2 et couvrant toutes les demandes en froid. Les principaux intervenants sur ce marché sont ProFroid, HK Réfrigération, Advansor ou SCM Frigo…
Afin de sécuriser la chaîne du froid, il est nécessaire d’anticiper ces échéances réglementaires et de s’orienter vers des solutions frigorifiques pérennes et écologiques. À cet effet, les nouvelles technologies utilisent essentiellement des fluides naturels comme le CO2 ou l’ammoniac. Le prix d’achat de ces fluides naturels est beaucoup moins élevé que celui des fluides HFC, mais ils sont plus complexes à mettre en œuvre.
C. M.

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