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Coquille Saint-Jacques

L’exemple de maîtrise d’une ressource

En Normandie, on prend très au sérieux la coquille Saint-Jacques. Ainsi, lors du lancement, près de Port-en-Bessin, de la Grande Débarque, qui s’étendait cette année du 11 au 27 octobre, le président de région, Hervé Morin, avait fait le déplacement.

Depuis deux ans en effet, les pêcheurs normands de Saint-Jacques qui opèrent en baie de Seine mettent en place, début octobre, cette opération, qui marque le lancement de la campagne de pêche, à travers des animations dans le circuit traditionnel (poissonneries, restaurants, bistrots et bars à vins). Au total, une centaine d’acteurs sont impliqués dans cette promotion de la coquille normande, qui concerne la Normandie, mais aussi Paris, débouché naturel des ports normands.
Pour profiter au maximum de la saison de la coquille, qui va durer jusqu’en mai, les pêcheurs tiennent ainsi à alerter le consommateur de la présence du produit sur le marché. « La Grande Débarque est une façon de montrer que la nature nous offre un produit exceptionnel », résume Dimitri Rogoff, président du Comité régional des pêches de Normandie.
La capture de la coquille Saint-Jacques en baie de Seine est devenue une affaire sérieuse. Elle concerne la moitié de la flotte de pêche normande et représente un tiers de son chiffre d’affaires. Treize ports normands sont concernés*. Il est révolu le temps où ce produit était devenu rare dans les ports normands. Grâce à une rigoureuse politique de limitation de pêche, les stocks se sont en effet reconstitués dans la zone des 12 miles de la baie de Seine. Les quotas mis en place avec l’aide d’Ifremer et diverses mesures initiées par les pêcheurs pour préserver la ressource ont porté leurs fruits en une décennie.

Actuellement, chaque année, les quotas de pêche en baie de Seine évoluent ainsi entre 20 000 et 30 000 tonnes, alors qu’ils étaient deux fois inférieurs il y a une dizaine d’années. Mais surtout, cette reconstitution de la ressource permet aux bateaux de pêche de réaliser leurs quotas hebdomadaires beaucoup plus rapidement que par le passé. Il en résulte des coûts de main-d’œuvre réduits, mais aussi des dépenses limitées en carburant pour les patrons de bateaux.

Limiter l’offre pour maintenir les prix

Seule ombre au tableau, le marché n’est pas encore prêt à absorber une ressource redevenue normale. La rareté de la coquille l’avait positionnée dans les produits de luxe. Mais lors de la dernière campagne (octobre 2018 à mai 2019), les quotas étaient montés à 60 000 tonnes et les pêcheurs se seraient contentés de réaliser les deux tiers des captures permises. « En fin de saison, rappelle Dimitri Rogoff, à la criée, le prix au kilo était descendu à 2,50 €, soit au même prix qu’il y a vingt ans. C’est dommage ! »
Il faut noter que cette année, en début de campagne, jusqu’au 25 novembre, les pêcheurs ne pouvaient effectuer de captures en baie de Seine et devaient aller au large des 12 miles marins marquant les eaux territoriales. L’année passée, l’ouverture de la baie de Seine était intervenue quinze jours plus tôt. Au delà des 12 miles, la ressource est en effet moins abondante et, surtout, accessible à de nombreux bateaux de pêche. Résultat : le début de campagne a été beaucoup moins dynamique cette année, comme en témoigne Estelle Leprévost, mareyeuse à Port-en Bessin : « L’année passée, à la mi-novembre, nous avions déjà dépassé les 120 tonnes ; cette année, à la même période, nous n’avons vendu que dix tonnes. Les prix sont naturellement orientés à la hausse, autour de 5 €/kg contre 3,30 €/kg l’année dernière. » Une fois la pêche en baie de Seine ouverte, les pêcheurs ne peuvent profiter qu’avec parcimonie d’une ressource abondante. Ils sont autorisés à pêcher la coquille durant seulement une heure trente par jour, durant quatre jours/semaine. Les prix ne sont donc pas près de baisser significativement et cela, d’autant plus que durant cette campagne, les quotas de pêche ont été limités à 25 000 tonnes, bien au-dessous de l’année précédente. Cette restriction, bien acceptée par les pêcheurs, intervient à point pour soutenir les cours. Pas question, en effet, de brader ce produit d’exception. n Jean-Michel Déhais

• Dieppe, Fécamp, Le Tréport, Le Havre, Trouville-sur-Mer, Ouistreham, Courseulles-sur-Mer, Port-en-Bessin, Grandcamp-Maisy, Saint-Vaast-la-Hougue, Barfleur, Cherbourg, Granville.

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Estelle Leprévost, une mareyeuse très impliquée dans la filière

À Port-en-Bessin, Estelle Leprévost, qui dirige avec ses frères l’entreprise Port Marée, prévoit de tripler l’année prochaine les locaux de son entreprise, en les portant à 1 700 m². Port Marée, qui détient deux magasins de détail, l’un à Bayeux et l’autre dans les halles de Port-en-Bessin, est un acteur majeur du marché de la coquille, avec 800 tonnes négociées l’année passée. La société travaille régulièrement avec des grossistes de Rungis (Reynaud, Demarne, Muller, Pomona Terre d’Azur), vers lesquels elle expédie des billots de 6 et 12 kg. Elle conditionne également les coquilles en sacs de 20 kg pour d’autres marchés, comme ceux du Sud-Ouest, où elle est très bien implantée.