Viande, les innovations qui redonnent envieViande, les innovations qui redonnent envie

Viande, les innovations qui redonnent envie

Dans un contexte de baisse régulière de la consommation, le secteur français de la viande et des charcuteries favorise les gammes plus qualitatives, plus saines ou plus pratiques. Petit tour d’horizon des innovations qui entendent redonner des couleurs à la viande.

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Le constat est désormais largement partagé, y compris par les professionnels : les Français consomment moins de viande, mais souhaitent en privilégier la qualité. « Aimez la viande, mangez-en mieux », proclame même la dernière campagne publicitaire d’Interbev diffusée en début d’année, l’interprofession des viandes bovines et ovines se faisant désormais l’apôtre du « flexitarisme », un mode d’alimentation équilibré et modéré, combinant protéines animales et végétales. Plutôt que de chercher à défendre mordicus une production de masse, éleveurs, bouchers, industriels et grossistes français cherchent désormais à accompagner l’évolution des mentalités. Leur objectif : mettre à disposition des consommateurs des viandes et des produits élaborés répondant à leurs attentes en matière de goût, de santé et de praticité, en recourant, si nécessaire, aux dernières innovations technologiques.

Du bœuf plus savoureux…

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« La grande tendance de ces dix dernières années, qui s’est amplifiée depuis cinq ans, c’est sans doute le développement des viandes maturées ou affinées, plus tendres et au goût plus prononcé », indique Alain Peyron, le délégué général opérationnel de l’ADIV, l’institut technique partenaire de la filière viande en matière de recherche et développement depuis quarante ans. Le procédé, bien connu des bouchers, connaît ainsi un regain dans les commerces artisanaux et en restauration, les uns et les autres s’équipant de vitrines réfrigérées plus ou moins sophistiquées. « Les industriels s’y sont ensuite mis, pour moderniser et sécuriser la technique et proposer aux grandes enseignes des pièces de bœuf déjà affinées », explique Alain Peyron, qui a développé un partenariat avec l’entreprise auvergnate Puigrenier, dont l’usine de Montluçon affine à grande échelle des carcasses de race à viande. À Rungis, les frères Metzger ont investi sur ce créneau, dans les locaux qu’ils ont intégrés en 2017. Une chambre froide « dernier cri » leur permet de faire mûrir des viandes de deux à six semaines sous température, humidité et ventilation régulées.
Pour la consommation de tous les jours, des efforts ont également été déployés pour améliorer les méthodes de fabrication. « Les équipements permettant par exemple de produire des steaks hachés “façon bouchère” sont désormais accessibles à la plupart des PME, poursuit Alain Peyron. C’est aussi le cas pour la production de carpaccios, d’émincés ou d’effilochés, dont les procédés sont aujourd’hui bien maîtrisés et permettent de sortir des produits de très bonne qualité. » Les matières premières utilisées sont toujours plus nobles. La marque leader en France, Charal, propose ainsi cette année, dans sa gamme L’ Atelier, du faux-filet haché.

… et plus sain

Viande, les innovations qui redonnent envie 4La volonté des consommateurs de manger plus sain s’est traduite par un vaste mouvement de reformulation des produits carnés transformés. Dans ce domaine, les charcuteries et salaisons, dont la consommation excessive est jugée néfaste, notamment en raison de la présence importante de nitrates et nitrites, sont en pointe. Les quantités maximales de nitrites autorisées, déjà réduites de 20 % dans le dernier Code des usages par rapport à ce qu’autorise la réglementation européenne, devraient être à nouveau revues à la baisse dans un bon nombre de recettes dans la prochaine édition de cette référence technique des artisans et industriels, dont la publication est prévue en fin d’année. Bon nombre d’artisans, mais aussi d’entreprises, mettent désormais en avant leur capacité à produire des jambons cuits ou autres charcuteries « sans nitrites ».

Viande, les innovations qui redonnent envie 2« L’enjeu est très important pour le secteur, car la réduction des nitrates/nitrites comporte aussi des risques qu’il faut évaluer en examinant la prévalence bactérienne sur les matières premières et les produits finis mais aussi la formulation employée et les paramètres du process utilisé », explique Alain Peyron, dont l’institut technique est très impliqué dans l’audit et le conseil en matière de reformulation. « Il faut aussi faire admettre aux consommateurs l’apparence plus grise du jambon, et des DLC plus courtes, d’environ dix jours contre vingt-et-un ».
Au-delà du cas des nitrites, c’est l’ensemble des additifs utilisés dans le secteur qui sont désormais dans le viseur des fabricants. Dans la prochaine édition du Code des usages, le nombre d’additifs utilisables dans l’ensemble des recettes de charcuteries devrait être réduit de près de moitié, de 90 à une cinquantaine. « La tendance est au “clean label”, c’est-à-dire à la réduction ou à la suppression de tous les ingrédients dont l’utilisation n’est pas jugée strictement nécessaire et à leur remplacement éventuel par des ingrédients naturels, comme des plantes aromatiques, précise Alain Peyron. Cette remise à plat a l’avantage de remettre en valeur les compétences métier », estime Alain Peyron.

La vogue du flexitarisme a également engagé ingénieurs et entreprises à réfléchir à des produits transformés associant protéines animales et végétales. Plusieurs initiatives vont dans ce sens, comme le projet européen Leg Value, porté en France par Terres Univia, la fédération des filières végétales. Il vise notamment à développer des concepts de nouveaux aliments protéiques optimisés au plan nutritionnel, à base de mix protéines animales et végétales.

Plus pratique

Viande, les innovations qui redonnent envie 3La recherche et l’innovation ne seront pas de trop pour permettre à la filière viande d’adapter son offre aux attentes des consommateurs. Contrairement aux idées reçues, la viande est aussi capable d’innover. En témoigne la start-up Beef-it, qui a fait découvrir aux acheteurs du monde entier, lors du dernier salon SIAL, son en-cas à base de viande de type jerky, destiné à une consommation apéritive. Fabriquées à partir de bœuf charolais Label Rouge, ces fines tranches de bœuf séché finement épicées (gingembre, teriyaki, trois poivres) sont riches en protéines et pauvres en graisse.
Comme pour redonner un peu d’optimisme aux professionnels du secteur, la viande reste une source d’inspiration pour les jeunes étudiants en formations supérieures scientifiques ou commerciales. L’édition 2019 d’Ecotrophélia, concours qui a pour objet la création, la mise en œuvre et le développement de produits alimentaires nouveaux par des équipes d’étudiants, a vu deux projets à base de viande participer à la finale en juin dernier. C’est le projet « Amuse-Bœuf » qui a finalement remporté la catégorie Innovation Viandes et la médaille de bronze au classement général. Les ingénieurs d’ESIX, à l’université de Caen, ont conçu « L’ Amuse-Bœuf », un kit apéritif composé de tendres cubes de gîte à la noix de bœuf cuits à basse température. Ces grignotages gourmands sont à tremper dans une sauce soja sucrée, agrémentée de cacahuètes, de graines de courge, de sésame et de lin pour le croustillant. L’autre projet, « Re-Flakes », se proposait même de réintroduire la viande… au petit déjeuner, avec des granolas de viande séchée, légumineuses et céréales, à déguster nature ou dans du fromage blanc.

Si ces projets peuvent surtout paraître destinés à l’industrie, l’innovation peut aussi être un moyen pour les artisans de mieux valoriser leur matière première auprès des consommateurs. « En 2013, nous avons coordonné un projet financé par l’interprofession Inaporc visant à proposer de nouvelles découpes de porc frais au rayon traditionnel ou libre-service, se souvient Alain Peyron, de l’ADIV. Il s’agissait soit de réorienter certaines pièces de découpe existantes vers des produits mieux adaptés aux attentes du consommateur, soit de modifier les zones de découpe pour obtenir des morceaux plus savoureux, moins secs. » L’étude a abouti à l’élaboration de 12 morceaux permettant d’offrir une alternative aux pièces habituelles, tout en améliorant la valorisation de la carcasse porcine. B. C.