Les premières traces écrites du “ventre de Paris” remonte au ve siècle », dévoile l’universitaire Guy Chemla. Cet enseignant chercheur a longuement travaillé sur les destinés et l’évolution du marché principal de Paris. Il a écrit plusieurs ouvrages, dont Les Ventres de Paris ou L’Histoire du plus grand marché de Paris. Il y a plus de quinze siècles, le premier marché alimentaire parisien avait pris place sur l’île de la Cité, le berceau de notre capitale. À une époque où la ville se résumait à une aire géographique très réduite, le marché débordait sur les ponts, encombrant considérablement les déplacements. « Les crues de la Seine inondaient irrémédiablement la zone et détruisaient les produits », note Guy Chemla. Ce n’est qu’au ixe siècle que le marché est transféré à proximité de l’actuel Hôtel de Ville, la Seine sert alors à acheminer les marchandises. En 1139, le roi Louis VI le Gros entreprend un deuxième déménagement, vers le lieu-dit des Champeaux, une zone de marécages et hortillonnages. Avec l’assèchement du marais des Champeaux, le marché peut enfin prendre place. « À cette époque, il y avait quarante jours de carême. Le poisson ne devait donc pas manquer et la proximité de la Manche était salvatrice pour ce marché situé en bord de Seine », analyse Guy Chemla. Ce dernier souligne par ailleurs qu’il y avait d’autres foires sur la place de Paris. En 1180, le marché Saint-Lazare rejoint les halles des Champeaux. C’est la poursuite d’un développement anarchique avec un marché de plein air au caractère rudimentaire. En 1183, Philippe Auguste, souhaitant structurer cette activité et l’ordonner, donne naissance aux premières halles « en dur » en faisant construire deux grandes halles de bois pour protéger les marchandises, telles que les tissus, draps et autres étoffes. Ce roi bâtisseur est également à l’origine de l’enceinte de Paris. La cité se structure alors en différents quartiers. « La particularité de ce lieu est, qu’à l’époque, on trouvait à la fois des activités de commerce en gros, mais aussi de détail », écrit-il. S’en suit une période de développement frénétique. Chaque spécialité (produits de la mer, viandes, etc.) se structure au sein de différentes allées des halles : c’est l’essor des « rues » spécialisées dans des denrées bien précises. La construction de l’église Saint-Eustache, qui s’étend de 1332 à 1455, confère un point d’attrait supplémentaire à cette zone déjà fort animée. À partir de 1543, François Ier offre un premier lifting aux halles.
Développement démographique
Ça et là, des arcanes abritant les boutiques et les logements des marchands voient le jour. Pendant trois cents ans, le marché va fonctionner dans cette configuration jusqu’à ce que la population de Paris, qui augmente chaque année un peu plus, soit trop importante. À la fin du xviiie siècle, on dénombre 600 000 habitants. Au milieu du xixe siècle, près de 800 000. « Les halles sont alors vieillissantes, l’hygiène n’est pas au rendez-vous et il n’y a surtout plus de place pour accueillir de nouveaux grossistes. Il faut alors envisager de nouveaux aménagements. C’est à cette époque que l’on décide de commercialiser les fleurs ailleurs pour libérer de la place et que l’on créé la halle aux Blés », indique Guy Chemla. Au début du xixe siècle, les halles se répartissent sur 40 000 m2 (dont 8 500 m2 couverts) et débordent de nouveau sur les routes. « On s’est finalement demandé si la place des halles étaient bien à Paris. C’est Haussmann qui décide de les conserver pour marquer la frontière entre quartiers bourgeois et populaires. L’architecte Victor Baltard crée alors 83 000 m2 de halles couvertes reliées par des rues. » Les activités de gros et de détail sont alors clairement séparées et des mandataires, qui ont pour mission de réguler les transactions, voient le jour. Avec le développement démographique continue de la ville, les maraîchers franciliens s’installent à leur tour sur les trottoirs environnant, contribuant à paralyser le quartier et les carreaux. Après de multiples reports liés à la Première Guerre mondiale, la crise de 1929 et la Seconde Guerre mondiale, les halles de Paris seront finalement transférées à Rungis en 1969.