Bien qu’ayant fusionné en 2016 avec la Franche-Comté, la Bourgogne conserve une très forte identité culturelle reposant en partie sur son exceptionnel patrimoine gastronomique. Sa richesse est en partie liée à l’histoire des ducs de Bourgogne qui ont eu à cœur d’entretenir une tradition culinaire plus aristocratique que provinciale. Elle tient également à la culture millénaire de la vigne, dont le prestige est mondial et qui reste à la base de nombre de recettes bourguignonnes typiques, du bœuf bourguignon aux œufs en meurette, du coq au vin à l’andouille vigneronne.
Le vin est bien sûr la locomotive économique de l’agriculture régionale, bien que la production soit pourtant relativement modeste (1,5 million d’hectolitres en 2017), puisqu’elle pèse en moyenne moins d’un tiers de celle de Bordeaux. Mais les 80 appellations du vignoble, dont certaines parmi les plus prestigieuses du monde, sont généralement très bien valorisées, et même de mieux en mieux. L’année dernière, la moitié des ventes ont été faites à l’exportation, en croissance de 0,7 % en volume, mais surtout de 10 % en valeur, établissant un nouveau record en chiffre d’affaires avec près de 906 millions d’euros. Outre les vins, la gastronomie bourguignonne repose sur une agriculture variée, mais dominée par l’élevage. L’élevage bovin dédié à la viande est particulièrement présent dans le sud (Nièvre) et l’ouest (Saône-et-Loire) de la région. La région compte plus de 450 000 vaches allaitantes, à majorité de race charolaise, et élevées sur des prairies permanentes qui occupent encore 43 % de la surface agricole régionale. En dépit de sa fortune internationale (lire encadré), la race charolaise demeure profondément associée à la Bourgogne, qui en reste, et de loin, la principale région de production en France. Les éleveurs se sont certes beaucoup tournés vers l’exportation de jeunes animaux vers l’Italie ou l’Espagne, mais d’autres maintiennent également une tradition d’engraissement. Leur viande est notamment commercialisée sous deux labels Rouge : Tendre Charolais (décliné en Plaisir Charolais label Rouge pour la distribution en GMS et Tendre Charolais label Rouge pour la boucherie artisanale) et Charolais Terroir.
AOC Bœuf de Charolles et IGP Charolais de Bourgogne
Pour distinguer l’origine régionale de leur viande (le label Rouge est en effet national, pas régional), des éleveurs bourguignons se sont mobilisés ces dernières années dans des filières valorisant leur terroir d’origine. Celles-ci ont été récompensées depuis une décennie par l’obtention d’une appellation d’origine contrôlée (AOC), singulière et exceptionnelle dans le secteur des viandes, et d’une indication géographique protégée (IGP), jusqu’ici surtout utilisée par l’élevage ovin. Contre toute attente et à l’issue d’un long parcours, quelques dizaines d’éleveurs sont parvenues à obtenir, en 2010, la reconnaissance d’une AOC Bœuf de Charolles, garantissant des animaux élevés dans le bassin d’origine du Charolais, mais surtout conformes aux traditions d’engraissement et d’embouche des petites régions du Brionnais et du Bas-Charollais et leurs alentours. Les animaux (pour l’essentiel des vaches et des génisses, pas des bœufs) y ont conservé une morphologie typique et reconnue pour ses qualités bouchères exceptionnelles : un fort développement musculaire, un squelette fin, un dos large et plat, un cuir fin et souple.
Les volumes produits ont régulièrement progressé pour atteindre 600 tonnes environ aujourd’hui. Une production certes limitée, mais bien valorisée dans les circuits traditionnels et la gastronomie que l’on retrouve, par exemple, à Paris chez les traiteurs Fauchon et Festins, et dans des restaurants pour amateurs de viande, comme Le Bœuf sur le toit. D’autres éleveurs bourguignons ont obtenu plus récemment (31 mai 2017) la reconnaissance d’une IGP Charolais de Bourgogne.
La zone d’élevage et de transformation est beaucoup plus vaste que pour l’AOC Bœuf de Charolles, mais reste limitée aux berceaux historiques : les départements de la Saône-et-Loire et de la Nièvre, une partie de la Côte-d’Or et de l’Yonne, et quelques communes limitrophes. Le système de production du Charolais de Bourgogne repose sur la mise en valeur des praires et sur des méthodes d’élevage traditionnelles (élevage de 14 mois minimum pour les jeunes bovins, 24 mois pour les génisses).
Fruit d’un long parcours entamé en 1998 (la première demande d’IGP remonte à 2002), la filière reste encore modeste. L’équivalent de 500 tonnes sera commercialisé lors de la première année grâce à une centaine de magasins et de restaurants. Mais les promoteurs de l’IGP entendent bien rapidement monter en puissance. « Nous nous appuyons sur une filière bien organisée de 1 500 éleveurs potentiels, six organisations de producteurs et cinq industriels (Sicarev Roanne, Charollais Viandes, Clavière Viandes, Bigard et Convivial) et un bassin très large », explique Régis Taupin, président de l’association Charolais de Bourgogne, qui évoque un premier seuil, à moyen terme, de 3 000 tonnes. L’IGP Charolais de Bourgogne permet une large offre d’animaux, allant du jeune bovin à la vache de moins de dix ans, ce qui permet de répondre à de nombreux segments de marché, carcasse entière, prêt à découper, piécé et unité de vente consommateurs. « Nous voulons nous appuyer sur des partenariats nationaux avec l’objectif d’un maillage national en GMS et boucheries traditionnelles et avec des offres spécifiques pour la restauration. »

Le fabuleux destin du charolais
1,6 million de vaches
soit 20 % du cheptel français
1 vache sur 2 du troupeau
allaitant français
25 % de vaches
en Europe
2 % des génisses
abattues en France toutes races confondues (y compris races laitières)
33 % des jeunes bovins
abattus en France toutes races confondues (y compris races laitières)
Mouton charollais et volaille de Bresse
Décidément bénie des dieux de l’élevage, la région du Charolais a également donné une race ovine qui a connu un destin favorable : le mouton charollais. Partie de peu en 1963, cette race est actuellement une des premières races françaises en croisement industriel et compte un cheptel de plus de 400 000 têtes en France dont 10 000 en sélection. Elle a connu un développement national même si elle est toujours élevée en Bourgogne. À l’ouest du berceau du Charolais figure le terroir d’un gallinacé au destin gastronomique non moins prestigieux : la volaille de Bresse. Partagée entre l’Ain et la Saône-et-Loire, la Bourgogne et Rhône-Alpes, l’appellation a été reconnue en août 1957 et a fêté l’an dernier ses 60 ans. Quatre volatiles ont obtenu depuis la prestigieuse appellation : le poulet de Bresse, élevé durant quatre mois sur prairie, la poularde, élevée pendant cinq mois, la dinde, appelée fort justement la perle noire de Bresse, élevée sept mois, et le chapon. Il existe également des IGP Volaille de Bourgogne et Volaille du Charolais. Grande région d’élevage, bovin, mais aussi caprin, la Bourgogne est naturellement une grande région de fromages. Une dizaine de produits laitiers produits sur son territoire disposent d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée, sans compter des fromages de terroir ne bénéficiant pas de reconnaissance officielle mais disposant d’une solide réputation.
Les fromages de vache au nord de chèvre au sud
Les fromages bourguignons au lait de vache sont les plus réputés, avec au nord le chaource, AOP depuis 1970, du nom d’une commune de l’Aube mais aussi produit en Bourgogne. C’est un fromage d’une grande douceur, aux parfums de crème et des champignons frais. Enfin, la Côte-d’Or héberge le fromage au plus fort caractère, l’Époisses, à l’odeur pénétrante et aux arômes de sous-bois. Autant le nord de la Bourgogne est riche en fromages au lait de vache, autant le sud se caractérise par ses spécialités au lait de chèvre. En Saône-et-Loire, les vignerons ont toujours élevé quelques chèvres pour entretenir les prairies entre vignobles et rocailles couvertes de buis. Ainsi sont nés le mâconnais, reconnaissable à sa forme tronconique, et le charolais, l’un des plus gros fromages de chèvre français : il pèse de 250 à 310 g pour 7 cm de hauteur et 6 cm de diamètre minimum à mi-hauteur. Enfin, tout au sud, le beurre et la crème de Bresse ont obtenu leur AOP en 2014.
Ces appellations ont été rejointes dans le gotha des produits sous signe officiel de qualité par plusieurs fromages de vache de grande notoriété ayant opté pour l’IGP. Le soumaintrain, produit dans l’Yonne, a rejoint le précédent dans la famille des IGP en 2012. Ce fromage à pâte molle et à croûte lavée existe en « fermier », produit sur la ferme, et « laitier », issu d’une collecte de lait réalisée sur plusieurs fermes par une laiterie. Enfin, le brillat-savarin dont l’aire géographique de production s’étire de la Seine-et-Marne au nord de la Saône-et-Loire, est la dernière IGP en date (janvier 2017), et non la moindre tant par la notoriété que par les volumes produits. La Bourgogne est enfin connue pour d’autres spécialités, comme le saint-florentin, la boulette de la Pierre-qui-Vire ou le fromage de Cîteaux de l’abbaye de Cîteaux.
Fromages AOP et IGP :
Vache :
2 400 t
Chaource AOP
environ 1 045 t
Époisses AOP
1 400 t
Brillat-Savarin IGP
932 t
Beurre de Bresse et crème de Bresse AOP
130 t
Soumaintrain IGP
Chèvre :
85 t
Mâconnais AOP
62 t
Charolais AOP
La charcuterie aussi !
Si l’élevage porcin est aujourd’hui peu présent en Bourgogne, la région cultive un savoir-faire certain en matière de préparations charcutières. Le jambon persillé, ou jambon de Pâques ou jambon de Bourgogne, est sans doute le plus connu. Élaboré traditionnellement à partir de jambon et d’épaule de porc, il est enrobé de gelée persillée et aromatisée par un bouillon. Mais on compte des spécialités spécifiques, du nord au sud de la région : andouillette 5A de Chablis, andouillette de Clamecy, pavé du Morvan (un saucisson séché sans boyau), judru de Chagny, un saucisson sec pur porc, court et joufflu, etc. L’escargot de Bourgogne (Helix pomatia) est aujourd’hui majoritairement importé d’Europe centrale. Mais il existe en Bourgogne des producteurs fermiers, éleveurs et transformateurs. Au Salon international de l’agriculture, Jérôme Chaland, producteur et transformateur à Saint-Germain-du-Plain, en Saône-et-Loire, présentait ainsi une gamme de produits à base d’Helix aspera maxima.
La cerise de l’Yonne en AOC ?
Moins connues que la viticulture ou l’élevage, les productions végétales sont également très variées en Bourgogne, avec quelques spécialités phares comme le cassis fruit et le cassis bourgeon en Saône-et-Loire bien sûr, mais aussi les oignons, les légumes frais et les pommes de terre dans le Val de Saône, la lentille bio en Côte-d’Or, le chrysanthème en Saône-et-Loire, le sapin de Noël dans le Morvan ou les cerises bigarreaux de l’Yonne. Ces dernières, quelquefois cultivées par des viticulteurs de l’Auxerrois au milieu de leurs vignes, sont cependant menacées, les surfaces étant tombées en vingt ans de 1 000 à 300 hectares. Pour relancer la production de cette cerise à la qualité reconnue, un projet de reconnaissance en AOC ou en IGP est à l’étude.
Les producteurs pourraient s’inspirer de l’IGP Moutarde de Bourgogne enregistrée en 2009. La démarche de reconnaissance en IGP pour ce produit emblématique de la région a permis de relancer dès les années 2000 une production locale de graines de moutarde qui avait tendance à disparaître. La dynamique insufflée depuis l’enregistrement de l’IGP laisse espérer un nouveau développement dans les années à venir.
Bruno Carlhian