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Nos régions ont du goût

Île-de-France

La richesse d’une terre agricole

Près de 80 % du territoire de la région capitale sont recouverts d’espaces agricoles, forestiers et naturels.

La richesse d’une terre agricole

Près de 80 % du territoire de la région capitale sont recouverts d’espaces agricoles, forestiers et naturels. On a tendance à l’oublier, mais l’Île-de-France est aussi un grand territoire rural.
Dossier réalisé par Olivier Masbou

L’agriculture proprement dite occupe la moitié du territoire avec 579 000 ha de surface agricole utile (SAU), soit 48 % du territoire francilien. Les sols naturels (forêts, sols boisés, landes, friches, zones humides, eaux) représentent 30 % du territoire, et les sols artificialisés, 20 %.
L’Île-de-France compte près de 5 000 exploitations agricoles. Il y en avait très exactement 4 838 en 2016 (date du dernier recensement agricole) contre 6 506 en 2000, soit une perte de 1 668 exploitations en 15 ans. Plus grand département, en superficie, de la région, la Seine-et-Marne est celui qui concentre le plus d’agriculteurs. On y dénombre 2 471 exploitations agricoles. Suivent les Yvelines avec 941 fermes ; l’Essonne, 732 ; et le Val-d’Oise, 615. Notons l’existence de 79 fermes dans les départements de la petite couronne. Les grandes cultures dominent l’agriculture régionale avec quelque 500 000 ha en céréales (très majoritaires), en oléoprotéagineux, en betteraves et en pommes de terre (5 000 ha seulement pour ces dernières). Près de 4 500 ha sont dédiés à la production de légumes dont 900 ha en laitues et autres salades, 500 ha en oignons (blancs et de couleurs), 390 ha en haricots verts, etc. La palette de production est très étendue et permet de fournir abondamment en légumes frais les marchés de la région. Il suffit de se rendre, en toute saison, sur le carreau des producteurs de Rungis pour découvrir l’incroyable diversité des productions légumières de ce territoire. Et n’oublions pas le cresson, dont l’Île-de-France serait, selon la statistique, la première région de production de l’Hexagone. La production fruitière est moins importante (890 ha) et moins variée. Elle est principalement orientée sur les pommes (380 ha) et les poires (155 ha). L’élevage est moins présent dans la région. Toutes productions confondues, il concerne environ 300 exploitations agricoles. Mais, s’il est modeste, le cheptel francilien est complet. Les fermes de la région produisent de la viande bovine, des moutons, des chèvres, des porcs, et toutes les sortes de volailles (poulets, dindes, cailles, canards, oies, pintades…). La région est également productrice d’œufs (autour de 30 millions d’unités). Les agriculteurs d’Île-de-France sont également producteurs de lait (43 millions de litres environ) et de fromages (3 700 tonnes), essentiellement en Seine-et-Marne, terre des bries.

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Même si l’agriculture francilienne occupe la moitié du territoire régional, elle est loin d’être en capacité de nourrir les 12 millions d’habitants de la région capitale, et les 50 millions de touristes qui passent annuellement sur son territoire. Ce qui est absolument normal. Mais à l’heure de la relocalisation des productions, de la demande en une agriculture de proximité, de la recherche de circuits courts, d’une plus grande préoccupation environnementale de la part des consommateurs, l’Île-de-France souhaite augmenter ses capacités de productions agricoles et les diversifier. L’État, la Région et la Chambre régionale d’agriculture (lire p. 17) sont à la manœuvre. Ainsi, un schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) a été signé en juin 2021 par le préfet de Région. Ce document fixe les priorités et les nouvelles orientations retenues par l’État pour les nouvelles installations d’agriculteurs, ou pour l’agrandissement des exploitations existantes. La préoccupation environnementale occupe une bonne place. Ainsi, il faut « promouvoir des modèles agricoles viables, associant productivité et performance environnementale et énergétique des exploitations agricoles ». La diversité des productions et des modes de production est encouragée. Le texte souhaite aussi promouvoir l’agriculture biologique et « les modes de production favorisant les externalités environnementales positives ». De son côté, le Conseil régional a mis en place une « action régionale pour l’agriculture et les territoires ruraux ». Un Pacte agricole a été voté en mai 2018. Il s’appuie sur plusieurs axes : le soutien à l’installation et au démarrage des jeunes agriculteurs ; le développement des circuits courts*, la préservation des terres agricoles ; la formation aux métiers de l’agriculture… Doté de 150 M€, ce « Pacte agricole 2018-2030 doit permettre à l’agriculture francilienne de répondre aux enjeux environnementaux et économiques qui l’attendent ». Il a été complété et renforcé par le vote, en février 2021 du Plan régional pour une alimentation locale, durable et solidaire. Ce Plan vise à ce que « tous les Franciliens aient l’opportunité de manger local et de qualité ». Il est décliné en 66 actions concrètes et propose la mise en place d’un Plan protéine, d’un Plan élevage et d’un plan « IAA cap 2030 » (industries agroalimentaires) « pour faire face, dès aujourd’hui aux enjeux de demain » et permettre à la région de « reconquérir son indépendance alimentaire ». La Région est par ailleurs à l’initiative d’une nouvelle marque régionale « Produit en Île-de-France » susceptible de renforcer l’image des productions et des savoir-faire franciliens. Cette marque peut se décliner dans différentes productions comme « Agneau des bergers d’Île-de-France » ; « Nos bovins d’Île-de-France » ; « Aviculteurs d’Île-de-France ». Depuis 2019, la « Baguette des Franciliens » propose une baguette entièrement produite en Île-de-France, depuis l’épi de blé jusqu’au fournil. La démarche a également été étendue au secteur des fleurs et plantes. La charte Plantes d’Île-de-France permet d’identifier et de valoriser les végétaux d’ornement produits sur le territoire régional. « Cette identification claire des plantes cultivées en Île-de-France représente un gage de qualité et de proximité. Acheter un végétal bénéficiant de cette marque, c’est l’assurance de son origine francilienne », annonce la Région. Parmi les autres défis qu’elle a à relever, l’agriculture francilienne doit lutter contre l’urbanisation galopante d’une région capitale gourmande en espaces divers pour une population en croissance. « 100 000 hectares de terres fertiles ont disparu en l’espace de 50 ans au profit de l’expansion parisienne », indique un document de la Chambre régionale d’agriculture. Encore aujourd’hui, 1 500 ha de terres agricoles sont transformées chaque année en espaces urbains.

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*13 % des exploitations pratiquent une activité de diversification.
18 % vendent en circuit court (34 % de ces exploitations sont à dominante grandes cultures, 24 % en élevage ou polyculture-élevage, 14 % en maraîchage).

Agroalimentaire, les chiffres clés de la région

L’Île-de-France est également un territoire dynamique pour son industrie agroalimentaire. En effet, on dénombre 902 entreprises, employant plus de 22 000 salariés dans 1 400 établissements. Ensemble, elles réalisent un chiffre d’affaires annuel de plus de 7,5 Md€, soit 4,3 % du chiffre d’affaires des IAA en France. Plus de 1,6 Md€ de ce chiffre d’affaires est réalisé à l’export.

Île-de-France, les 100 ans d’une race

Île-de-France 5En plus d’être la région capitale, l’Île-de-France est aussi une race ovine. Elle a été sélectionnée, à partir de 1840, près de Paris par le croisement entre des reproducteurs de race Mérinos de Rambouillet et des reproducteurs importés d’Angleterre de race Dishley. Son nom définitif de race Île-de- France lui a été attribué en 1922, à la suite de sa diffusion dans les fermes du grand bassin parisien. Aujourd’hui, s’il ne reste qu’un seul élevage sur le territoire de la région Île-de-France (en Seine-et-Marne dans le Parc régional du Gâtinais), la race est présente dans de nombreuses régions françaises, et principalement dans le nord-est parisien, proche de son berceau d’origine. L’effectif national est estimé à 250 000 brebis. Elle a été aussi exportée, surtout après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle est aujourd’hui présente dans 32 pays à travers le monde. Selon l’Organisation de sélection ovine Nord (OSON), « la race Île-de-France figure parmi les meilleures races bouchères ». La brebis « possède d’excellentes qualités maternelles lui permettant de figurer dans le peloton de tête des races bouchères. Elle est capable d’alimenter naturellement ses agneaux sans aucun problème ».

Zoom sur l’agriculture biologique

Fin 2020, 565 exploitations agricoles de la région sont engagées en agriculture biologique, soit 11,4 % du total. Cela représente 33 100 ha de surfaces cultivées en bio ou en conversion. 39 % de ces exploitations sont en grandes cultures (notamment 15 000 ha de céréales), 34 % sont des maraîchers. Les autres productions pèsent moins : 9 % sont en arboriculture et petits fruits ; 8 % sont des élevages ; 3 % pratiquent l’apiculture et 2 % sont orientées dans la filière des pépinières et des cultures ornementales.

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Interview

« Les agriculteurs locaux comptent bien participer à Agoralim. »

Île-de-France 4Christophe Hillairet, président de la chambre d’agriculture d’Île-de-France

La chambre régionale d’agriculture a récemment signé une convention cadre avec la Métropole du Grand Paris.
Quels effets en attendez-vous ?
Christophe Hillairet : La convention cadre, déclinée opérationnellement, avec la Métropole du Grand Paris vise à tracer les lignes et à déployer une stratégie concertée pour l’agriculture métropolitaine, afin de « remettre la campagne à la ville ». Concrètement, le partenariat doit permettre de construire les leviers pour valoriser les produits locaux et structurer les filières pour approvisionner le bassin de consommation francilien et la restauration collective et valoriser et accompagner les outils de transformation agricole et agroalimentaire. La convention vise également l’aménagement du territoire, le soutien aux projets d’agriculture urbaine économiquement viables, l’accompagnement des projets d’installation et en enfin le soutien à la structuration et à la diversification des filières alimentaires et non alimentaires de proximité. La préservation du foncier agricole est un enjeu pour la profession agricole et la chambre d’agriculture afin de pérenniser les potentialités agricoles. Je dis bien « protéger » le foncier agricole plutôt que « sanctuariser » car l’agriculture est une pratique évolutive et participe au maintien de la biodiversité, à l’équilibre des territoires et façonne les paysages.

Quelle est votre position sur le projet Agoralim prévu dans le Triangle de Gonesse, notamment sur son volet agricole ?
Le projet doit se faire avec les agriculteurs en place, en leur proposant des débouchés pérennes et rémunérateurs. Pour cela, il faudra les accompagner pour qu’ils se dotent d’outils nécessaires à de nouvelles productions (irrigation, protection des cultures, ateliers de transformation, bâtiment de stockage…). C’est le rôle de la chambre d’agriculture de région Île-de-France d’accompagner les agriculteurs. Je le répète, le projet Agoralim doit faire confiance aux agriculteurs en place et donc faire avec eux.

Quel peut et quel doit être le rôle de l’industrie alimentaire et du commerce de gros dans la valorisation des produits dans la région ?
L’industrie alimentaire et du commerce de gros constitue un acteur essentiel de la chaîne agroalimentaire et, à ce titre, doit valoriser les productions franciliennes et soutenir nos producteurs. L’enjeu est de répondre à une demande sociétale de plus en plus forte d’accroître la part d’approvisionnement local pour tous les segments de marché. Le MIN de Rungis, à travers son carreau des producteurs, y contribue mais doit être accompagné et renforcé. La chambre d’agriculture travaille cet enjeu au sein du conseil d’administration de la Semmaris, avec notamment un séminaire prévu à la fin de septembre. Mais aussi en partenariat avec l’association régionale des industries agroalimentaires pour identifier les besoins de ces acteurs de l’aval et adapter le conseil de la Chambre à l’installation et à la diversification de l’agriculture en Île-de-France.

Que pensez-vous de la politique d’identification des produits de la région ? Est-elle satisfaisante et suffisante ?
La politique d’identification des produits de la région, à travers notamment la marque « Produit en Île-de-France », contribue à la valorisation de la diversité et de la richesse des produits agricoles et agroalimentaires franciliens. Elle est indispensable pour accroître la visibilité de l’offre de produits régionaux auprès du consommateur dans les rayons des magasins, sur les marchés… L’accent doit cependant être conforté sur la communication pour améliorer sa notoriété auprès du grand public et des acheteurs et lui permettre de poursuivre son développement. Des campagnes de panneaux publicitaires permettraient de valoriser tout au long de l’année les visuels et messages utilisés à l’occasion des événements, tels le Salon international de l’agriculture. La chambre d’agriculture de région Île-de-France contribue à cette dynamique d’accroissement du nombre d’entreprises portant la marque. Cette identification vient en complément de plusieurs labels existants (Bienvenue à la Ferme, marque des chambres d’agriculture). À ce sujet, la 25e édition de la Balade du goût qui aura lieu les 9 et 10 octobre prochains verra près de 100 fermes ouvrir leurs portes au public.

Propos recueillis par Bruno Carlhian