Commençons par le plus difficile : la rillette est-elle du Mans ou de Tours ? Nous ne trancherons pas cette querelle ô combien importante. Il est quasi certain que l’histoire de la rillette trouve ses racines en Touraine. Rabelais a célébré, dès le XVe siècle, cette « bruneconfituredecochon ». Mais si l’origine est tourangelle, le développement et la célébrité des rillettes passent par la Sarthe. La notoriété de la rillette sarthoise serait due au développement du chemin de fer et à l’industrialisation. Pour certains « puristes », la rillette du Mans serait un produit industriel et donc de moindre qualité que la rillette de Tours, plus « artisanale ». Comme si les bouchers-charcutiers sarthois étaient incapables de produire d’excellentes rillettes dans leurs arrière-boutiques ! On en trouve dans presque tous les bourgs. Citons parmi tant d’autres David Patoyt, à Mayet. Certains auteurs attestent d’ailleurs que les rillettes de la Sarthe auraient acquis un début de notoriété avant l’arrivée du train. Dès le XVIIIe siècle, on trouve des rilles, risles, rihelles ou rillettes dans les fermes sarthoises. Et les premiers artisans se seraient implantés à Connerré. De passage dans ce bourg à 25 km à l’est du Mans, le général de Gaulle a déclaré en 1965 : « Connerréestlacapitaledesrillettes ». Tourangeaux et Sarthois défendent âprement leur bout de gras. Et c’est de bonne guerre. Les rillettes de Tours sont protégées par une IGP depuis 2013, alors que certaines entreprises sarthoises disposent d’un Label Rouge. Les Sarthois organisent chaque année le Printemps des rillettes, avec des festivités dans tout le département. Et le Concours national des rillettes organisé à Mamers, sous-préfecture de la Sarthe (et où la 52e édition s’est tenue en février dernier) répond au Concours des rillettes de Tours. Qu’elle soit du Mans ou de Tours, la rillette est un mélange de porc haché et de graisse de porc cuit plusieurs heures en marmite. Elle se sert le plus souvent froide, mais il n’est pas interdit de les apprécier chaude. On trouve aussi désormais des rillettes d’oie ou de canard. Et même des rillettes de thon, mais c’est une autre histoire.
L’autre pilier de la table sarthoise est le poulet de Loué. Les volailles (poulardes, chapons, etc.) du Maine sont célébrées depuis le Moyen Âge. Situé au cœur du bocage sarthois, Loué était réputé pour ses foires à la volaille et, notamment, la Foire de l’Envoi, quelques jours avant les réveillons de Noël et du Nouvel An. Mais après la Deuxième Guerre mondiale, l’élevage traditionnel est menacé. « Il yavait–comme qu idirait–des industrielsdéguisés en paysans sur le marché deLoué »,racontera Eugène Lerouge, l’un des fondateurs de la filière (la petite histoire locale se souvient qu’il fut aussi acteur dans la première publicité télévisée, en 1978). C’est lors du comice agricole de Loué, le 30 août 1958, que quelques éleveurs décidèrent de « sauverleurpouletfermier ». C’est la naissance du groupement des Fermiers de Loué. Un premier label AFAQ (Association française d’assurance qualité) est obtenu dès 1960, prélude au Label Rouge accordé en 1966. L’IGP « volailles de Loué » est reconnue en 1996 et, en 2004, ce sera le tour de l’IGP « œuf de Loué ». Plus de soixante ans après sa création, le groupement des Fermiers de Loué rassemble plus de 1 000 éleveurs, qui produisent poulets fermiers, poules, dindes, pintades, œufs. On trouve même des pâtes d’Alsace IGP, fabriquées avec des œufs de Loué IGP.
La Sarthe a son vin, le jasnières, un blanc sec fruité, puis bouqueté, au goût prononcé de pierre à fusil. Il fait partie des vins de la vallée du Loir célébrés par Rabelais (encore lui) et Ronsard. Henry IV et Louis XIV l’ont particulièrement apprécié. L’appellation jasnières obtenue en 1937, est imbriquée dans celle des coteaux du Loir. Ce vin n’est produit que sur deux communes, Lhomme et Ruillé-sur-Loir, sur environ 80 hectares. Il est issu d’un cépage unique le Chenin ou Pineau de la Loire que l’on préfère appeler Pineau Blanc dans la région. Pour le syndicat des producteurs, la « qualitélaplusremarquabledecevinestsafacultéàvieillirdesdizainesd’années, voireplusd’unsiècle. Onaditdujasnièresqu’ilestleplusjeunedesvinsvieux, caraprèsdixouvingt ansdebouteille, ilatteintsonsommettoutenrestantbienvivant ». Autre appellation du département, les coteaux du Loir. Le blanc est lui aussi issu d’un seul cépage, le Chenin. Les coteaux du Loir rouge sont surtout à base de Pineau d’Aunis, comme les rosés. L’aire géographique des coteaux du Loir est plus large que celle du jasnières et s’étend sur 21 communes, situées au nord de Tours, dont 5 dans le département d’Indre-et-Loire et 16 dans le département de la Sarthe.
Certaines communes de la Sarthe se trouvent également dans la zone d’appellation d’autres vins du Val de Loire, mais aussi du cidre de Bretagne ou de Normandie, du Calvados ou du pommeau de Normandie (La Sarthe produit quelque 14 000 tonnes de pommes à cidre).
Parmi les autres signes de qualité, il y a le Porc Fermier Cénomans, Porc Label Rouge de la Sarthe. Ce label remonte à 1989. Il a obtenu l’IGP en 1996. « Le porc de la Sarthe est le fruit d’une longue évolution dont les premières traces remontent au Moyen Âge »,indique l’Inao. La filière élève et commercialise également la coche Gorinette Label Rouge, le P’tit cochon des éleveurs de porc fermier Cénomans et les charcuteries de porc fermier. Pour la filière bovine, retenons l’AOP Maine-Anjou, qui réunit 230 producteurs dans une grande zone de production s’étendant sur une partie des Pays de Loire (dont la Sarthe), de la Normandie, mais aussi en Vendée ou dans les Deux-Sèvres. La production sous AOP s’élève à quelque 600 tonnes par an. Il y a aussi le bœuf fermier du Maine, produit dans la Sarthe, en Mayenne et dans le Maine-et-Loire. Il bénéficie d’un Label Rouge et d’une IGP. Toujours dans les signes de qualité en viande, notons que la Sarthe se situe dans les aires d’appellations des IGP porc de Normandie, oie d’Anjou, volailles de l’Orléanais, volailles de Normandie et volailles du Maine. La Sarthe dispose enfin d’un verger de pommes de bouche (50 000 tonnes produites sur plus de 1 000 hectares) et d’un modeste verger de poires (environ 1 000 tonnes produites annuellement).
Olivier Masbou

La marmite sarthoise, tout un département dans une assiette

Prunier, soutenu par la BPI
en place dans le cadre du volet agricole du grand plan d’investissement par le ministère de l’Agriculture et BPI France.

La poule noire est de retour
O. M.