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Nos régions ont du goût

Le Nord

Terre d’agriculture et d’importation

Le Nord bénéficie de sols en majorité limoneux et très fertiles, lui permettant de développer une agriculture diversifiée. Outre la production de céréales, de fruits et de légumes, l’élevage y représente un tiers des surfaces agricoles. Le département des Hauts-de-France a su conserver des savoir-faire traditionnels (brasserie, pâtisserie) et importe de nombreux aliments par voie maritime au port de Dunkerque.

Au sein d’un territoire à forte densité démographique (2,6 millions d’habitants, département français le plus peuplé), le Nord se caractérise par la persistance de son agriculture : 62 % de sa surface est occupée par des zones agricoles. «Alors que le contexte très urbain pourrait paraître défavorable, la diminution du nombre d’exploitations est moins rapide que pour le territoire national. L’agriculture du Nord s’est donc adaptée, par son intensification, sa diversité de productions et le développement de circuits courts», note la préfecture du département. Tous statuts confondus, le Nord regroupe 57 000 emplois directs et indirects liés à l’agriculture. Les 6 500 exploitations agricoles du territoire sont plus réduites que la moyenne régionale (70 ha contre 100 ha), ce qui permet notamment le maintien de structures familiales et fermières.

Mimolette, pâtes molles et Chti gris

Fromagerie la ferme du Vinage

La Ferme du Vinage confectionne plus de 30 variétés de fromages.

À Roncq, commune voisine de Tourcoing, la ferme du Vinage fabrique plus de 30 variétés de fromages. La famille Couvreur y travaille le lait depuis dix générations. Avec un cheptel de 70 vaches laitières établi sur une quarantaine d’hectares, la production est consacrée exclusivement aux fromages. «Il y a toujours eu de la transformation et de la vente directe, mes grands-parents faisaient des tournées avec une petite camionnette, se remémore Géraldine Capelle, aujourd’hui propriétaire de la ferme du Vinage. Dans les années 1980, lors de la mise en place des quotas laitiers, mes parents ont démarré la production de fromages. Ma mère a appris le métier avec le maître fromager Philippe Olivier, qui défendait les petits producteurs.» Le Carré du Vinage, pâte molle de type Maroilles, devient en 1987 le premier fromage vendu à la ferme. Depuis l’obtention, en 1996, de l’agrément sanitaire CE permettant la commercialisation extérieure, les fromages de la ferme du Vinage sont vendus au Marché de Rungis. «Rapidement notre fromagerie s’est diversifiée avec des pâtes pressées – comme le saint-paulin – des pâtes molles à croûte fleurie, de la mimolette et des fromages à pâtes persillées comme le bleu et notre Chti gris», explique l’héritière de l’exploitation. Entre 700 000 et 800 000 litres de lait sont produits chaque année dans cette ferme de 20 salariés, où la traite des vaches est désormais robotisée. Ce système fonctionne quotidiennement et permet d’extraire en moyenne 25 litres par vache. «Si elle ne donne plus que 15 litres le jour suivant, c’est qu’il y a un problème. Avant, nous ne l’aurions peut-être pas vu tout de suite, confie Géraldine Capelle. Cela est mieux pour la production du lait et le soin des vaches.» Le bétail de la ferme roncquoise est nourri en grande partie à l’herbe, afin d’obtenir des fromages de qualité. Face à la boutique et aux laboratoires de fabrication, la ferme du Vinage dispose de 2 hectares réservés à la cueillette (fruits rouges, melons, aubergines…), certifiés bio Ecocert en 2019 et HVE depuis cette année. «C’était un souhait de notre part de faire du bio. L’idée est d’avoir une agriculture responsable et d’avancer sur ce chemin», conclut la propriétaire de la ferme.

«Respecter le sol et l’animal»

L’agriculture dans le Nord se caractérise également par un élevage, très développé et diversifié, destiné à la filière carnée : l’élevage des porcins y est le plus important

Portrait Sébastien Baudin

Sébastien Bauduin est à la tête d’une exploitation de 200 ha.

des Hauts-de-France, celui des bovins est le second au niveau régional. Installé au cœur de la plaine de la Scarpe depuis 2002, dans le village de Tilloy-lez-Marchiennes, Sébastien Bauduin possède une exploitation de 200 ha où sont élevés 80 vaches laitières, une cinquantaine de vaches allaitantes et quelques dizaines de cochons. La ferme Bauduin respecte les principes d’une agriculture raisonnée et s’inscrit, depuis avril 2017, dans une démarche de conversion en agriculture biologique. Le lait de cette ferme est collecté par la Sodiaal, pour remplir des bouteilles Grand Lait bio de marque Candia, tandis que les colis de viande (5 et 10 kg) sont vendus directement aux consommateurs toutes les deux semaines. «Je n’utilise plus de produits chimiques. Le but est de respecter le sol et l’animal, soutient Sébastien Bauduin, dont les bovins sont alimentés à l’herbe ray-grass. La matière grasse est mieux fixée quand ils mangent de l’herbe: ils sont mieux nourris, moins malades et plus résistants.» Les bovins de cette ferme consomment aussi une nourriture de complément (triticale, pois fourrager) et accomplissent deux à trois années de pâturage, ce qui offre un meilleur «produit fini», assure le propriétaire du domaine dont les bœufs auront tous le label AB dès cette automne. Sébastien Bauduin engraisse aussi chaque année entre 50 et 70 cochons, achetés après sevrage et «nourris au petit lait». Sa ferme fait partie du réseau Bienvenue à la ferme (marque des chambres d’agriculture) et propose depuis 2017 des «anniversaires à la ferme» : «Nous accueillons ici des familles, ma volonté est que l’enfant passe un bon moment et apprenne des choses.»

Défendre le revenu des producteurs

Marché Phalempin

Plusieurs légumes sont proposés par le marché de Phalempin, dont les choux blancs.

Dans le Nord, «les productions végétales et animales sont diversifiées et typées : céréales, betteraves sucrières, pommes de terre, légumes de plein champ et de maraîchage, précise la préfecture. Sans oublier des productions plus spécialisées encore, tels la chicorée, le houblon, le chou-fleur d’été et l’endive de toutes saisons.» La réforme territoriale étant encore récente, les départements de l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais ont conservé une proximité dans certaines institutions (la chambre d’agriculture est commune) et ce voisinage se trouve incarné aussi au niveau économique, avec le Marché de Phalempin. Cette coopérative agricole regroupe 240 adhérents producteurs, installés des Flandres maritimes (Nord) jusqu’au Cambrésis (Nord) et au Béthunois (Pas-de-Calais). Le marché de Phalempin est issu d’une fusion, en 1994, de deux coopératives, la SIPEWA (production de choux-fleurs principalement) et la SIPEV (endives et fraises). Cette coopérative permet aux producteurs de l’ancienne région « d’avoir plus de poids sur l’aspect commercial et de défendre au mieux leurs revenus », considère Marie-Amélie Decherf, responsable communication du Marché de Phalempin. La coopérative produit 50 000 tonnes de fruits et légumes par an, dont notamment 25 000 tonnes d’endives, 1, 6 million de têtes de choux-fleurs et 10 000 tonnes d’oignons. Ces fruits et légumes sont vendus ensuite à des centrales d’achats et des grossistes, dans la région et toute la France. L’endive (dont 26 % de la production des Hauts-de-France provient du Nord) est vendue sous la marque Perle du Nord, avec quatre autres organisations de producteurs. Cette appellation commercialise 75 000 tonnes d’endives par an, soit près de 45 % de la production française. Le marché de Phalempin – où 200 tonnes de marchandises transitent chaque jour dans les entrepôts – se charge de toute la commercialisation qui se faisait historiquement aux enchères (marché au cadran). «Nous avons un contact quotidien avec nos producteurs, précise Marie-Amélie Decherf. Avec l’endive de terre, nous avons obtenu en 2014 le Label Rouge en réponse à un cahier des charges.» Ce type de production ancestrale, qui nécessite de semer au printemps et de récolter en octobre, représente 4 % des volumes d’endives de la coopérative. Aujourd’hui, 90 % de la production en hydroponie.

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Brasserie Thiriez, « l’histoire d’un renouveau »

Le Nord est un gros producteur de bières dont la tradition s’est un temps perdue. En fabriquant ses propres bières, Daniel Thiriez a gagné un pari entrepris depuis plus de vingt ans. « La bière de garde est le nom que l’on donne aux bières traditionnelles du Nord de la France, qui ont au minimum 21 jours de maturation après fermentation », explique Daniel Thiriez, fondateur de la brasserie qui porte son som. Ces bières se distinguent de celles à fermentation plus basse (lager), qui inondent encore les bars et les grandes surfaces. « La région a une longue histoire des bières de garde mais l’industrialisation massive l’a amenée à un quasi-désert dans les années 1980 et 1990 », poursuit le fondateur de la brasserie d’Esquelbecq. Le Nord a alors vu le nombre de ses brasseries s’effondrer, passant de 80 à seulement une vingtaine. La brasserie qui a remis la bière de garde « au goût du jour, c’est la brasserie Jenlain », reconnaît Daniel Thiriez. Jenlain – ville du Valenciennois où sont fabriquées ces bières – a aussi connu un creux entre sa création (1922) et sa grande notoriété. Alors que les boissons du voisin belge submergeaient la consommation locale et française, Daniel Thiriez décide de confectionner sa propre bière artisanale en s’appuyant sur les compétences d’outre-Quiévrain. « Ma brasserie, c’est l’histoire d’un renouveau. Je voulais vivre à la campagne, avoir un nouveau style de vie et produire, admet l’ancien cadre de la grande distribution. Je me suis installé en professionnel, j’ai acheté du matériel et j’ai vendu mes premières bières fin 1996. » La brasserie Thiriez est aujourd’hui une entreprise de six salariés, qui écoule 2 400 hl en moyenne par an, vend quelques bouteilles en Asie, aux États-Unis, en Belgique… sans pour autant faire la course au volume. Daniel Thiriez estime bénéficier désormais d’un contexte plus favorable aux brasseries locales et aux micro-brasseries : « Il y a de plus en plus d’amateurs de bière, nous sommes plus facilement présents dans les bars et restaurants. Je pense qu’Internet a beaucoup aidé au développement en réseau des amateurs et des professionnels de bière. » Les produits Thiriez sont vendus directement à Esquelbecq, mais se trouvent aussi dans les CHR, les commerces indépendants (caves, épiceries fines, magasins de fermes) et quelques hypermarchés. Environ 250 points de vente commercialisent les bouteilles de la TPE familiale. Vice-président du Syndicat national des brasseurs indépendants (SNBI), Daniel Thiriez aime développer différents goûts de bières et se définit comme « un farouche défenseur de l’indépendance » qui ne « cherche pas à être racheté » par un groupe ou un investisseur. L’avenir de son enseigne est d’ailleurs déjà tracé : « Je vais transmettre ma brasserie à ma fille », affirme Daniel Thiriez.

Dunkerque, premier port français d’importation de fruits

Marché Phalempin

La coopérative le Marché de Phalempin commercialise 50 000 tonnes de fruits et légumes par an.

Le bord de mer permet au Nord d’importants échanges commerciaux via le Grand Port Maritime de Dunkerque (GPMD), qui est aujourd’hui l’une des plus grosses zones industrielles portuaires d’Europe. Certaines marchandises en provenance des Hauts-de-France – les céréales (blé, orge), le sucre issu des champs de betterave et les pommes de terre (pour les frites) – y sont exportées. Mais il est surtout le premier port français d’importation de fruits en conteneurs. Des aliments secs entrent à Dunkerque, notamment du thon en boîte (Les Conserveries des cinq océans) et du riz (Nouvelle rizerie du Nord, Soufflet), mais la partie fraîche est nettement plus importante. Environ 700 000 tonnes de produits frais y transitent chaque année, « Dunkerque est le premier port de produits sous température dirigée [transportés par frigos, NDLR], déclare Yvan Gomel, manager du développement commercial du GPMD. Ces produits peuvent venir d’Europe, comme les pommes du sud de la France et les tomates d’Espagne. Le plus important quand les produits viennent de loin sont les conditions de stockage.» Et de nombreuses denrées importées sont bien distantes du littoral nordiste. Dunkerque est notamment le premier port bananier. «Cela fait plus de 20 ans que nous importons de la banane de Martinique, de Guadeloupe, de Côte-d’Ivoire et du Cameroun. La banane est le produit de masse par excellence. Tout le monde mange de la banane, nous avons même observé une croissance pendant cette période du Covid», confie Yvan Gomel. Certaines bananes sont désormais importées aussi du Costa Roca, de Colombie, d’Équateur ou du Pérou. Ces pays d’Amérique latine fournissent également des avocats, très appréciés en Europe. La filière halieutique n’est pas absente à Dunkerque : les poissons en provenance d’Asie et d’Islande arrivent notamment dans l’entrepôt Norfrigo. Si Rotterdam (Pays-Bas) est le premier port d’entrées à alimenter le Marché de Rungis, Dunkerque reste le port français le plus représenté à Rungis.
Jeremy Denoyer

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Gaufres Méert : le luxe associé à la tradition gourmande

Elles sont fines et généreuses. Les gaufres fourrées de la maison Méert sont une institution lilloise des becs-sucrés. Elles ont été dégustées par Marguerite Youcenar, Jackie Kennedy et Charles de Gaulle se les faisaient même « livrer à l’Élysée ou plus tard dans son domaine de la Boisserie, à Colombey-les-Deux-Églises » (Le Figaro). Depuis 1849, la recette reste secrète, mais les ingrédients n’ont pas changé : une pâte à brioche fourrée au sucre, au beurre et à la vanille de Madagascar. « Il n’y a pas de conservateur dans nos gaufres, elles se consomment dans un délai de dix jours », précise Crystel Petit, du service communication. Alors que la filière boulangerie-biscuiterie industrielle emploie 2 471 salariés dans le Nord, il existe dans ce département des enseignes traditionnelles, à l’instar de la maison Méert. Préparées avec un sucre glace spécial et un beurre AOP de Charente, les gaufres sont découpées dans un emporte-pièce après avoir été chauffées dans un fer. « Tout est fait à la main, ce qui explique le prix un peu conséquent [3 € l’unité, 18,5 € la boîte de six, NDLR] », poursuit Crystel Petit. Méert était à l’origine une confiserie-chocolaterie, créée à Lille par Delcourt en 1761, qui a conservé son caractère luxueux. Disposant d’un restaurant gastronomique derrière son salon de thé (devenu une boutique depuis la crise sanitaire), Méert a également une adresse parisienne dans le Marais et une brasserie au Musée de la piscine à Roubaix. « Nous ne redistribuons pas nos produits, sauf à la Grande épicerie du Bon Marché à Paris », note la chargée de communication. Les gaufres fourrées, qui ont fait la renommée de Méert, sont aujourd’hui disponibles avec de nouveaux parfums : pistache-griotte, spéculoos, marron, vanille-caramel-pécan… Et la magie gustative opère toujours.