Au Portugal, « la cuisine est plus proche d’une rêverie océane que d’une morsure dans la chair des viandes », raconte Jorge Tavares da Silva, linguiste et auteur de La Cuisine portugaise de tradition populaire (France Culture, 10 octobre 2020). La morue, ou bacalhau, constitue bien le plat principal de la gastronomie portugaise. « La morue n’est pas un cliché, elle est une composante fondamentale de l’alimentation portugaise, poursuit-il. Elle pouvait se conserver longtemps, sans autre forme de procès que de la pendre quelque part, au sec. C’est un aliment qui est déshydraté, salé, que l’on achète ainsi et qui se conserve, dans des bonnes conditions d’humidité, plusieurs mois, voire une année. En outre, la morue quand elle arrivait sur les marchés en grande quantité, quand les bateaux revenaient des campagnes de pêche à Terre-Neuve, était relativement abordable. Et ça collait aussi aux exigences de l’Église catholique, aux jours d’abstinence. Il y en avait cent cinquante par an. » Pays côtier, mais aussi pays de grands navigateurs, la cuisine portugaise a connu de nombreuses influences. Simple et populaire, elle est liée à la mer. Sur un livre de 300 recettes par exemple, plus du tiers de ces recettes est à base de poissons et la moitié a au moins une composante marine. Les spécialistes de la cuisine portugaise s’accordent pour diviser le pays en trois parties en fonction des principaux ingrédients utilisés : la coriandre au sud, la tomate au centre, et le cumin et le safran au nord. Pour en revenir à la morue, les façons de la préparer sont innombrables : beignets de morue, morue bouillie aux pois chiches, morue aux fruits de mer. Les noms des plats sont parfois étranges : « morue anarchiste » ou « morue sorcière ». La coutume rapporte qu’il y aurait 1 001 recettes de morue ! « Nous devons aux Portugais un témoignage de reconnaissance d’avoir les premiers introduit dans l’alimentation ce poisson universellement connu et apprécié, la morue », a écrit Auguste Escoffier. Le Portugal, c’est aussi le pays des poissons grillés (sardines notamment), des fruits de mer que l’on trouve en abondance, des cataplanas (du nom du plat servant à cuire les poissons). En dehors de la morue, qui aujourd’hui n’est plus pêchée par les marins portugais, mais importée directement de Norvège, la réputation de la table portugaise repose que la qualité, la diversité et la richesse de sa ressource halieutique. Provenant de sa très longue côte Atlantique (plus de 2 000 km), le Portugal revendique avoir « le meilleur poisson du monde ». Il bénéficie de conditions (climatiques, situation dans l’Atlantique) uniques qui lui donnent un goût et une texture appréciés.
Les viandes alimentent aussi la table portugaise avec des plats robustes comme le cozido à portuguesa, un mélange de viandes, de légumes et de saucisses variées, ou le pot-au-feu portugais à base de plusieurs viandes et de haricots blancs. Le pays bénéficie de nombreuses appellations en viande bovine (Arouquesa, Barrosa, Maronesa…), en porc (Carne de porco Alentejano), en agneau (Borrego Serra da Estrela, Borrego Terrincho), en chevreau (Cabrito Transmontano). Citons également deux appellations en jambons : Presunto de Barrancos, Presunto e Paleta do Alentejo. Les fruits et légumes aussi offrent une belle palette de goûts, de saveurs et de couleurs, et n’ont pas à jalouser les autres productions pour les signes de qualité. Le plus célèbre est la Péra Rocha do Oeste, produite dans la région de Sintra, la plus à l’ouest du pays, entre Lisbonne, et l’Océan. Il y a aussi des cerises (Cereja da Cova da Beira, Cereja de São Julião-Portalegre), une pomme (Maçã Bravo de Esmolfe), un ananas en provenance des Açores (Ananás dos Açores/São Miguel) des châtaignes, etc. Pour les plats à base de légumes, en plus des tomates, on peut évoquer le chou farci. De nombreux fromages complètent heureusement la table portugaise. Le Queijo da Serra revendique le titre de premier fromage du pays. C’est en tout cas le plus ancien des fromages du Portugal. De pâte onctueuse, ou sèche, de couleur jaunâtre sa saveur est intense. Il est fabriqué exclusivement avec du lait de brebis de race « Bordaleira ». Le fromage portugais est principalement issu de fromages de brebis ou de chèvre. On compte à ce jour 15 AOP fromagères. Le Portugal est un grand pays viticole. Le pays tout entier produit du vin. Et depuis très longtemps. Grâce à ses navigateurs, ses vins ont fait le tour du monde. Le Portugal serait même l’« inventeur » des appellations d’origine, au XVIIe siècle, pour protéger ses vins de terroirs. Autre particularité du vignoble lusitanien, la richesse de ses cépages traditionnels. On en dénombre plus de 300, toujours cultivés. Impossible de citer toutes les appellations viticoles. Les plus célèbres viennent de la vallée du Douro, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco (qui est aussi une appellation). La réputation du porto, du madère, ou du vinho verde n’est plus à faire. On dénombre 26 AOP, 25 IGP, et 11 vins régionaux. Élément indispensable de la cuisine portugaise, pour préparer la morue mais aussi bien d’autres plats, l’huile d’olive. Si le pays n’est pas complètement autonome, son huile d’olive est réputée de première qualité.
Les pâtisseries occupent une place de choix dans l’alimentation portugaise. Il s’en consomme à toute heure, en tous lieux, dans les cafés, à la terrasse de pâtisseries, dans les cafétérais des musées… Le plus connu des desserts portugais demeure les « Pastéis de Nata ». Ces flans crémeux avec une pâte feuilletée sont servis saupoudrés avec du sucre glace et se dégustent tiède. La pâtisserie Antiga Confeitaria à Lisbonne sert des « Pastéis de Nata » depuis 1837. De nombreuses recettes de desserts (et aussi de bonbons) ont été créées dans les couvents, nombreux dans le pays jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. Les noms de ces desserts expriment souvent cette origine religieuse : le « toucinho-do-Céu » (lard du ciel ou crème du paradis) ; les « barrigas de Freira » (ventres de nonne), etc. « Le Portugal est un secret bien gardé, en ce qui concerne la gastronomie », annonce Visit Portugal, l’organisation officielle du tourisme. La gastronomie portugaise « se structure autour de cinq symboles essentiels » : le poisson, la « cataplana », le porto, la pâtisserie, et enfin « les chefs portugais, de plus en plus talentueux et déjà lauréats de plusieurs prix, qui sont en train de révolutionner la richesse de la cuisine portugaise avec créativité, audace et bon goût », conclut Visit Portugal.
Olivier Masbou
Une agriculture encore familiale
Le Portugal compte près de 260 000 exploitations agricoles pour une surface agricole utile (SAU) de 3,6 millions d’hectares : 29 % de terres arables, 19 % de cultures permanentes et 52 % de pâturages permanents. Si le nombre d’exploitations est en recul (- 15 % entre les deux derniers recensements de 2009 et de 2016), la SAU reste stable. La taille moyenne des exploitations est modeste, 14,1 hectares, en dessous de la moyenne européenne (16,1 hectares). 71,4 % des exploitations ont moins de 5 hectares, et 41 % des exploitations cultivent moins de 1 hectare. Mais 4,2 % des exploitations agricoles ont plus de 50 hectares et contrôlent 67 % de la SAU. Le pays est coupé en deux : les grandes exploitations au sud (62 hectares en moyenne) et les petites au nord avec une superficie moyenne de 5,8 hectares. Le Portugal est un pays de polyculture. L’économie agricole ne compte que pour 1,3 % du PIB national (mais 4,9 % avec l’agroalimentaire et la forêt). En revanche, il représente 9,4 % des emplois (alors que la moyenne de l’Union européenne est de 4,4 %). Mais cette population est vieillissante : 3,7 % des agriculteurs portugais ont moins de 40 ans. L’âge moyen des agriculteurs dépasse les 65 ans. Autre difficulté que doit affronter l’agriculture portugaise, la ressource en eau. À peine 15 % de la SAU est irriguée. Le Portugal est un important producteur de fruits et légumes, notamment de poires, de cerises, de pommes, de raisins de table, de bananes (produites à Madère), de tomates pour l’industrie. La ferme portugaise est également productrice de fleurs coupées et de riz. Ce qui n’empêche pas le pays d’être fortement déficitaire en céréales. Les productions animales sont également déficitaires à part les œufs et le lait. Le pays ne produit que 74 % de ses besoins en viande, avec de fortes disparités : il est autonome à 92 % pour la volaille, mais seulement à 52 % pour la viande bovine. La production laitière est notamment bien implantée aux Açores où elle bénéficie de conditions agro-climatiques exceptionnelles. Le pays produit aussi de l’huile d’olive, mais cette dernière est parfois raffinée en Espagne. Le Portugal est un acteur qui compte dans la production de vins. Le pays dispose de belles appellations et de beaux vignobles. Sa production avoisine les 7 millions d’hectolitres par an. Près de 3 millions de ces volumes sont exportés. Un tiers du territoire portugais (3,45 millions d’hectares) est occupé par la forêt détenue à plus de 90 % par les propriétaires privés. L’eucalyptus est la principale essence (26 %), suivi du chêne-liège et du pin maritime (23 % chacun). Le Portugal est le premier producteur mondial de liège. Il est aussi un producteur important de pâte à papier. Enfin, la pêche est une activité essentielle du pays. Le pays dispose de 2 751 kilomètres de côtes. Et le Portugal est le premier pays consommateur de poissons de l’Union européenne (en proportion de sa population). La flotte portugaise est composée de 8 380 bateaux pour un volume total de captures s’élevant à plus de 215 000 tonnes. L’aquaculture produit 8 000 tonnes de poissons. La balance commerciale des produits agricoles et des industries agroalimentaires (hors boissons) est structurellement déficitaire. En 2017, les exportations ont généré un chiffre d’affaires de 4,4 milliards d’euros et les importations se sont élevées à 8 milliards d’euros, soit un déficit de 3,6 milliards d’euros. En boissons, les exportations s’élèvent à 1,1 milliard d’euros, pour 455 millions d’euros d’importations, soit un excédent de 624 millions d’euros. Notons enfin que l’agriculture biologique est en plein développement. Elle occupe près de 7 % de la SAU. Mais la plus grande partie de ces terres est destinée à l’élevage. Environ 3 000 producteurs sont engagés en agriculture biologique.

Campanha Cortiça 2020 Herdade do Freixial São Cristovão Alcácer do Sal
La France est un partenaire commercial essentiel du Portugal dans le domaine des produits agroalimentaires. Nous sommes son 2e fournisseur avec une part de marché de 7 %, toutefois loin derrière l’Espagne (46 % de part de marché). La France est aussi le 2e client du Portugal avec 9 % des exportations totales. La balance commerciale des produits agricoles et des industries agroalimentaires franco-portugaises est structurellement en faveur de la France mais l’écart a tendance à se réduire.
O. M.

Alto Douro Vinhateiro
Le Portugal préside l’Union européenne au premier semestre 2021
Le Portugal assure la présidence du Conseil européen au cours de ce premier semestre 2021. Pour l’agriculture, la présidence donnera la priorité aux négociations sur la réforme de la politique agricole commune et « s’efforcera de parvenir à un accord politique » annonce le gouvernement portugais. Pour la ministre de l’Agriculture, Maria do Céu Antunes, « un accord devrait être conclu en avril 2021 ». La présidence va s’inscrire dans la stratégie « de la ferme à l’assiette » développée par la Commission pour la future PAC. « Étant donné l’importance, amplement démontrée par la pandémie, que revêt la nécessité d’assurer la résilience et la capacité de réponse aux crises du secteur agricole, nous donnerons la priorité́ aux mesures sectorielles favorisant la relance et le renforcement structurel du système agroalimentaire européen », écrit le gouvernement. Parmi les chantiers prioritaires, la sécurité́ des aliments, le bien-être et la santé des animaux ou encore la santé des végétaux. Le Portugal souhaite favoriser le développement rural grâce à l’existence d’un secteur agricole fonctionnel et durable qui permet d’inverser la tendance à l’abandon des territoires. Il s’agit d’encourager les installations par le renouvellement des générations. La présidence souhaite s’appuyer sur le pacte vert pour l’Europe en insistant sur le lien étroit entre la production alimentaire, l’adaptation au changement climatique et la conservation de la biodiversité́. Les systèmes de production durable et l’agriculture biologique seront encouragés. Enfin, le Portugal souhaite favoriser l’innovation, le transfert de connaissances et la numérisation du secteur agroalimentaire. Il s’agit notamment d’assurer une gestion durable des ressources telles que le sol et l’eau. La future PAC devrait entrer en application en 2023. Par ailleurs, le Portugal n’oublie pas la politique de la pêche. Il souhaite garantir une gestion durable des ressources halieutiques. Il veut améliorer les mécanismes de surveillance et de contrôle de la pêche, afin de renforcer la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Enfin, avec les archipels des Açores et Madère, le Portugal veillera particulièrement à la politique en faveur des Régions ultrapériphériques (RUP, les régions ultramarines de l’Union européenne). « La présidence accordera une attention transversale à leurs spécificités, dans toutes les politiques de l’UE, en mettant l’accent sur la politique de cohésion », écrit le gouvernement portugais. Les politiques agricoles et de développement rural ainsi que la politique environnementale jouent un rôle essentiel pour les RUP. Ces régions sont particulièrement exposées aux phénomènes naturels extrêmes et sont, dans le même temps, des sources de biodiversité́ exceptionnelle. Pour la période en cours, le Portugal a bénéficié d’un soutien européen de 8 milliards d’euros pour son agriculture, auxquels il faut ajouter 106 millions d’euros pour Madère et les Açores au titre du Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI).
O. M.

Graça Lisboa