Depuis la crise financière de 2008-2009 qui a durement frappé l’économie de la péninsule, l’industrie agroalimentaire espagnole a retrouvé le chemin de la croissance. Elle a pour cela largement misé sur l’export, avec succès. Depuis ces neuf dernières années, la balance commerciale de l’industrie agroalimentaire est positive et a accumulé un excédent de 7,2 Mde, avec des progressions parfois spectaculaires, comme en 2016 (+8,4 %). Avec un chiffre d’affaires de 96,4 Mdeselon la fédération des industries agroalimentaires espagnoles, le secteur pèse lourd dans l’économie du pays. Il contribue à 3 % de la croissance économique et représente 21 % du chiffre d’affaires total de l’industrie.
Ses principaux fers de lance ? L’huile d’olive, bien sûr, dont l’Espagne est le premier producteur mondial ; ou encore le vin avec une troisième place sur le podium. Mais l’Espagne est un pays agricole et alimentaire d’une très grande diversité. Le pays est l’un des plus grands pays producteurs de fruits et légumes (agrumes, fruits à noyaux, fraises, etc.), mais aussi de conserves de poisson (thon, anchois, etc.) ou encore de pâtisseries et biscuits. L’élevage constitue également un secteur en croissance, qu’il s’agisse des volailles, des bovins et surtout des porcs, à l’origine de la célèbre charcuterie espagnole.
L’huile d’olive pour étendard
Depuis l’Antiquité, l’Espagne est le plus grand exportateur d’huile d’olive du bassin méditerranéen. 70 % de l’huile d’olive consommée en France provient d’Espagne. On y produit en quantité (1 Mt en 2017-2018), mais aussi en qualité, avec des huiles élaborées par de petits moulins qui se distinguent en fonction de la variété des olives pressées et de leurs terroirs de production. On cultive à travers tout le pays (Aragon, Catalogne, Castille-la- Manche, l’Estrémadure, La Rioja et Navarre) plus de 200 variétés d’olives (picual, arbequina, hojiblanca, cornicabra, etc.) issus de 300 millions d’oliviers. Mais c’est en Andalousie, et surtout dans la province de Jaén, que se situe la majeure partie des oliveraies espagnoles. L’Espagne compte 30 appellations d’origine protégées qui garantissent et certifient la production d’une huile qualitative. Les cultures en agriculture biologique se développent également de plus en plus.
Du vin qui respecte les cépages traditionnels
Le vignoble espagnol, qui date de l’occupation romaine, est assez vaste, mais les rendements y sont moindres qu’en Italie. Il produit des vins à hauts degrés d’alcool issus de cépages traditionnels comme le Tempranillo ou le Monastrell pour les rouges, le Macabeo et le Palomino pour les blancs. En 2017, l’Espagne a produit 33,5 millions d’hectolitres de vin, contre 36,7 en France et 39,3 en Italie. L’Espagne est divisée en 12 régions de production, où les vins ont droit à l’appellation Vino de Mesa (vin de table) pour les qualités inférieures et Vino de la Tierra pour les vins de pays. Ensuite, on trouve les vins DO (Denominacion de Origen) et, enfin, les vins DOC (Denominación de Origen Calificada) pour les produits d’un niveau de qualité supérieure, soumis à un cahier des charges. Il n’existe que deux vins DOC en Espagne à ce jour : le Rioja et le Priorat.Chaque appellation doit figurer sur la bouteille afin d’être bien identifiée par le consommateur. L’Espagne possède aussi des labels qui garantissent le degré de vieillissement du vin : Crianza (deux ans de vieillissement, dont au moins un passé en barrique), Reserva (trois ans de vieillissement, dont au moins un an de fût) et Gran Reserva (cinq ans de vieillissement dont deux ans de fût). Il existe également la mention Joven pour les vins jeunes.
Le plus célèbre des vins espagnols est sans doute le Jeres DO, un vin blanc traditionnel, obtenu à partir de cépage Palomino, auquel on ajoute de l’eau-de-vie de raisin. S’ensuit une longue évolution en fûts de chêne qui donnera un produit sans équivalent dans le monde, de sec à liquoreux, décliné sous différentes appellations : Manzanilla, Fino, Amontillado, Palo Cortado, Oloroso, Cream et Pedro Ximenez.
Des charcuteries plébiscitées dans le monde entier
Le secteur porcin a considérablement progressé ces quinze dernières années. L’Espagne est désormais le second producteur européen et rattrape le n° 1, l’Allemagne, d’année en année, avec une production de 30,2 millions d’animaux par an à fin 2017. En dix ans, l’Espagne a augmenté sa production porcine de 30 %, avec une productivité encore assez faible, mais une meilleure valorisation, notamment avec des races plus qualitatives que ses concurrents, comme le Pata Negra et le Cebo, lesquels contribuent à la production de charcuteries qui séduisent les consommateurs du monde entier. 50 % de la production de porc espagnol est exportée, soit sous forme de viandes piécées, soit en charcuteries diverses (jambon, lomo, saucisson, fuet catalan, chorizo, etc.). En France, l’Espagne a exporté pour 518,10 MÄ de viande de porc, et pour 114,44 MÄ de jambon en 2018. Les charcuteries espagnoles de qualité, préparées à partir de porcs ibériques, sont de plus en plus présentes en France, à la table des restaurateurs comme dans les grandes surfaces.
Du fromage dans tout le pays
Incontournable de la gastronomie espagnole, le fromage se consomme de l’apéritif au dessert, en salade ou comme ingrédients dans une recette. Il y en a plus d’une centaine de variétés. Le plus connu en France est sans aucun doute le Manchego, originaire de la région de la Mancha, protégé par une AOP depuis 1991, qui doit porter sur l’une de ses faces une plaque de caséine numérotée. Il est fabriqué à partir de lait cru ou pasteurisé de brebis de la race Manchega. Les autres fromages élaborés avec le lait de brebis se retrouvent sur les larges plateaux de Castille-La Manche (Manchego) et de Castille-et-León (Zamorano), ainsi que sur une bonne partie de la Navarre et du Pays basque (Roncal et Idiazábal).Le fromage de vache est plus largement représenté dans le Nord de l’Espagne, où sont concentrées plus de la moitié des variétés fromagères espagnoles. On y trouve des variétés de pure vache (Tetilla, Cantabria, La Peral, Afuega’l Pitu, etc.), et d’autres, très connus également, sont obtenus à partir de divers mélanges de laits (Cabrales, Liébana, etc.). Les fromages de chèvre sont produits dans les montagnes du Centre et du Sud de la péninsule et dans les îles (Ibores, Majorero, Murcia, etc.).
Caroline Maréchal et Bruno Carlhian

Fruits et légumes : une filière tournée vers l’export
de 10 % de la surface agricole du pays). Les exportations espagnoles de fruits et légumes frais (hors agrumes) ont atteint 12,832 millions d’euros en 2018, pour un volume de 12,5 millions de tonnes. Les exportations de légumes totalisent 5,3 millions de tonnes pour un chiffre d’affaires de 5,290 millions d’euros. Les tomates arrivent en tête des produits exportés (927 millions d’euros, 812 571 tonnes), devant les poivrons (745 903 tonnes, 977,2 millions d’euros), les concombres (648 521 tonnes, 595 millions d’euros) et les salades (795 195 tonnes, 690 millions d’euros). Toujours en 2018, les volumes expédiés en fruits se sont élevés à 7,1 millions de tonnes (7,542 millions d’euros). Les pêches et les nectarines tiennent le haut du panier, avec des volumes atteignant 740 000 tonnes (790 millions d’euros). Suivent les pastèques (861,952 tonnes et 428,6 millions d’euros), les raisins de table (170,658 tonnes, 337 millions d’euros), le kaki (168 341 tonnes, 173 millions d’euros) les prunes (71 565 tonnes, 86 millions d’euros) et la framboise (50 414 tonnes, 383 millions d’euros). Les exportations vers l’Union européenne ont représenté 94 % du total (en valeur). L’ Allemagne est la première destination des fruits et légumes frais espagnols (3,431 millions), devant la France (2,3 millions d’euros) et le Royaume-Uni (1,766 million d’euros). Olivier Masbou

Huelva, le royaume de la fraise
le milliard d’euros (994 Me).
O. M.

Avis de pro
« Jambons ibériques et manchego, deux best-sellers »
Rungis Actualités : Quelles sont vos principales gammes d’origine espagnoles ?
Il s’agit essentiellement des salaisons et des fromages. En matière de jambons, nous proposons deux références de jambons ibériques : le Guijuelo au centre-ouest de l’Espagne et le Jabugo en Andalousie, tous deux en AOP. Ce sont deux des perles du jambon espagnol. Mais nous avons aussi de l’authentique Serrano de Trevelez (IGP), le seul protégé avec Teruel (AOP). C’est un jambon de montagne de la Sierra Nevada en Andalousie affiné pendant plus de vingt mois (contre douze à seize en moyenne). Grâce aux reportages à la télévision et aux voyages, les Français connaissent et s’intéressent de plus en plus à la qualité de ces produits, qui sont en plein développement.
L’autre catégorie la plus représentée, ce sont les fromages. Le produit phare, c’est le manchego, un fromage AOP au lait de brebis issu de la race manchega et produit dans la Mancha. Il existe en lait cru ou pasteurisé, avec trois principaux types d’affinage : trois mois (« semi curado »),six (« curado ») et douze (« viejo »). Parmi les AOP, nous vendons aussi le Mahon-Menorca, des Baléares, au lait cru ou pasteurisé, l’Idiazabal, un brebis au lait cru fumé spécialité de Navarre et du Pays basque, et le Cabrales, un bleu au goût très puissant, qui peut être fait au lait de vache, de brebis, de chèvre, ou les deux ou les trois mélangés, en fonction de la saison, la tetilla (AOP), un fromage de Gallice très crémeux, en forme de… tétine, ou encore la Torta del Casar d’Estrémadure, un fromage très crémeux qui se mange à la cuiller. Sans oublier
des fromages « ibericos », sans appellation, mélanges de trois laits,
du brebis à la truffe, au piment, au paprika, mariné au vin, etc.
Quels autres produits espagnols proposez-vous ?
Nous avons développé une gamme de viande ibérique fraîche, qui fonctionne très bien : de la pluma, surtout, mais aussi du carré, du lomo (filet), du secreto (grillade), de la presa (échine). Nous proposons aussi de l’huile d’olive exceptionnelle de la province de Jaén en Andalousie, du gaspacho d’Andalousie, avec une teneur élevée en huile d’olive (6 %), des grosses olives Gordal, ou encore une large gamme de fruits de mer en conserve pour les tapas (coques, moules, mini-sardines, calamars, etc.).
Quelle est votre clientèle sur ces produits ?
Il s’agit principalement d’épiceries fines traditionnelles, mais aussi de commerçants forains, en particulier portugais, qui complètent leur offre avec des produits espagnols. La gastronomie espagnole bénéficie en France de la mode des bars à planche qui s’ouvrent un peu partout. Il y en a de bons exemples, comme près de Rungis, avec le Décanteur, caviste et épicerie fine à Montrouge, ou plus loin, Las Tapas à Lille, qui rencontre un gros succès.
B. C.