Une visite à Rungis avec l’équipe de la Petite Périgourdine passe difficilement inaperçue. Le patron, Jean-Luc Martin, son frère et chef Christophe Martin, dit Krol, et le responsable de l’établissement, Jean-Marc David, ont le verbe haut et l’éclat de rire facile. En ce petit matin, les trois hommes sont bien décidés à ne pas bouder le plaisir de rencontrer des fournisseurs avec lesquels ils ont peu l’occasion de discuter dans l’année et d’honorer les comptoirs et tables de quelques confrères rungissois qu’ils apprécient. « Nous “faisions” Rungis nous-mêmes il y a quelques années, mais je préfère aujourd’hui me concentrer sur la cuisine et le service », précise Jean-Luc Martin.
Le circuit commence, comme il se doit, par le pavillon de la marée. La Petite Périgourdine se fournit de longue date en produits de la mer auprès de Paris Caviar, un grossiste à service complet, spécialisé dans la desserte des restaurants parisiens (120 à 130 établissements livrés chaque jour). « Nous recherchons de bons rapports qualité- prix, de manière à rester dans des prix à l’assiette accessibles, précise Christophe Martin. Cela nous amène à nous tourner surtout vers le cabillaud, le rouget, la daurade, parfois le bar ou la lotte. Et quand il y a des promotions, on en fait profiter nos clients. » Nicolas Buisson, qui a pris la succession de son père Jean-Michel à la tête de Paris Caviar, sait anticiper les demandes de la Petite Périgourdine, dont les commandes sont généralement préparées en filets. « Nous connaissons bien les attentes des restaurateurs, qui représentent plus de 90 % de notre clientèle », précise Nicolas. Les dernières commandes à Paris Caviar ont été proposées à l’ardoise de la « Petite Pé », sous forme de plats printaniers : mozzarella, saumon mariné et carpaccio de thon sur tartare de légumes en entrée et cabillaud poché au lait de coco, patate douce et fenouil en plat principal. L’établissement s’approvisionne également en huîtres chez un autre fidèle de Rungis, Gillardeau. L’étape suivante nous conduit au pavillon de la volaille. Jean-Luc, Christophe et Jean-Marc y retrouvent une figure de la boucherie parisienne, John Gillot, usager et fournisseur du marché de Rungis. Le patron des Boucheries modernes, dans le 11e arrondissement de Paris, approvisionne depuis quatre ans la Petite Périgourdine en viande maturée de vaches normandes qu’il fait abattre au Neubourg. « Cette démarche illustre bien l’évolution qualitative de la Petite Périgourdine, mais aussi notre volonté de valoriser le travail des producteurs, tout en restant dans des tarifs raisonnables », explique Jean-Marc David, lui-même ancien boucher.
À Rungis, des fournisseurs réactifs
Les animaux, achetés entiers, sont livrés sous forme de déhanchés découpés par le restaurant, de pavés issus de la cuisse, mais aussi de pièces de l’avant de l’animal, désossées et épluchées, et qui seront hachées à la commande. Les volumes traités sont impressionnants. « Environ 170 kg de viande par semaine, et parfois plus en hiver avec les palerons et les joues de bœuf », assure John Gillot. Du coup, le bœuf est devenu l’un des symboles de l’établissement. Les pièces à griller sont conservées et présentées dans une cave de maturation située au cœur même du restaurant et la carte fait une large place à la viande bovine : tartare à la minute, pavés ou viandes maturées vendues au poids (79 euros/kg), servies avec des frites maison. Au sortir du V1G, les trois compères prennent le temps de saluer leur confrère Michel Gineston, qui a repris Au veau qui tête en fin d’année dernière, avant de prendre la direction du secteur des fruits et légumes. Au pavillon B3A, nous retrouvons Salah Saadi, qui a fondé en 2010 le Verger de Souama. « Salah nous fournit pratiquement tous nos fruits et légumes et nous dépanne parfois en produits d’épicerie, indique Christophe Martin. C’est un partenaire très utile, car très sûr et très réactif. » « La notion de service est très importante pour moi, confirme Salah Saadi, qui compte près de 350 restaurants pour clients. Les commandes sont prises 24 heures sur 24 et nos cinq camions livrent 6 jours sur 7. J’envisage même de proposer de livrer le dimanche. » Le patron a commencé comme simple livreur avant de créer une société familiale qui compte 14 personnes aujourd’hui. « La préparation de commande et le service au client me laissent aujourd’hui peu de temps pour faire de la vente sur le carreau », reconnaît Salah, dont les fraises livrées le matin même dans le 5e seront servies à midi, « simplement avec du sucre », en dessert du jour. L’heure avance et ne nous permet pas de venir saluer la maison Alazard, qui fournit œufs et crémerie à la Petite Périgourdine. Ce sera pour une prochaine fois, assure Jean-Luc Martin, qui a déjà organisé une visite épique du marché de Rungis avec quelques-uns de ses bons clients.
Ils n’ont pas oublié le Cantal
L’équipe du restaurant entend terminer la matinée chez un autre confrère et ami, Stéphane Bertignac, qui dirige la Cantine du Troquet. L’heure est à l’évocation – et à la dégustation ! – des vins, autre particularité et point fort de leur établissement. Son éclectisme en matière de régions viticoles et le soin apporté au service du vin, au comptoir comme en salle, ont même valu à la « Petite Pé » d’obtenir la Coupe du meilleur pot en 2011. Jean-Luc Martin a investi dans des vignes à Lirac, en vallée du Rhône méridionale. Jean-Michel Buisson et Salah Saadi les ayant rejoints à la Cantine du Troquet, la conversation dérive vite sur les mérites respectifs des vins de Cahors et de Saint-Mont mais aussi sur les spécialités gastronomiques de leur pays d’origine, le Cantal. « Ce sont des produits bien représentés à Rungis », reconnaît Christophe, qui prépare lui-même son aligot ou des mouillettes auvergnates, de simples tranches de pain grillé, jambon de pays et sauce à la crème. La conversation monte d’un ton à l’évocation du stade aurillacois et du rugby, dont Jean-Luc Martin est un passionné et, à bientôt 50 ans, un pratiquant occasionnel. Sous l’œil amusé de Stéphane Bertignac, la visite de Rungis prend des allures de troisième mi-temps, à l’image de l’ambiance qui règne bien souvent à la Petite Périgourdine.
Bruno Carlhian

De la brasserie d’angle au joli bistrot
La Petite Périgourdine
37, rue des Écoles
75005 Paris
Tél. : 01 43 26 33 35
Ouvert tous les jours de 12 h à 23 h 30,
le samedi jusqu’à 2 h