Avec François Pasteau, rien ne se perd
François Pasteau concocte depuis vingt-deux ans à l’Épi Dupin et depuis cinq ans à son annexe de restauration « rapide » l’Épi Malin une cuisine de marché goûteuse et inventive, à des prix très raisonnables. Son secret : des produits sélectionnés au plus près de son restaurant et de saison, mais aussi l’exploitation de toutes les ressources anatomiques et gustatives du moindre ingrédient. Si le chef aime faire plaisir, c’est aussi un praticien chevronné de l’antigaspi, qui aime donner du sens et de la valeur éthique à son métier.
L’approvisionnement local, François Pasteau en a fait un véritable étendard, porté par de solides convictions écologiques mais aussi par l’amour du terroir d’Île-de-France dont il est originaire. À l’Épi Dupin, la majorité des ingrédients qui composent l’assiette provient des environs immédiats de la capitale. Le chef, qui possède une parcelle potagère dans les jardins du château de Courances (Essonne) a en effet constitué un solide réseau de producteurs de proximité de maraîchers, d’arboriculteurs et d’éleveurs partageant sa philosophie.
Il en retrouve un certain nombre lors de ses visites, deux fois par semaine, au carreau des producteurs où nous commençons ce matin-là notre visite à ses côtés. « Le marché de Rungis, je le fréquente depuis mes débuts à la Vieille Fontaine chez François Clerc, à Maisons-Laffitte en 1991, explique cet infatigable lève-tôt. À l’époque, je réalisais moi-même les achats sous tous les pavillons. L’expérience acquise m’a permis depuis de m’organiser différemment pour me ménager un peu ! »
Le patron de cette PME de 14 salariés, se repose, pour ses achats de viande, sur le grossiste Chassineau, un atelier de découpe de viande en gros et demi-gros situé à deux pas de la Porte d’Ivry et qui s’approvisionne lui-même régulièrement à Rungis. « Je leur prends des carcasses entières (porc du Pays basque, agneau du Limousin, etc.) que je valorise en intégra-lité. Je leur achète par exemple des veaux entiers achetés sur pieds qu’ils me stockent et me débitent au fur et à mesure de mes besoins. » Pour les achats de produits de la mer, le président de l’association Ethic Ocean, une ONG œu-vrant pour la préservation des océans et des ressources halieutiques, se repose depuis une dizaine d’années sur les services d’une acheteuse « rencontrée sur le MIN ». « Elle est mandatée pour y acheter du poisson exclusivement issu de la pêche dura-ble », précise François Pasteau.
Le chef y vient en personne à Rungis pour compléter les achats de ses deux ensei-gnes de la rue Dupin en produits maraîchers, en fruits, en produits tripiers ou en produits laitiers et en volaille, mais aussi dénicher les premières betteraves crapaudines, s’instruire sur l’avancée de la saison auprès des producteurs ou encore susciter l’inspiration d’une prochaine recette. « Le Marché, c’est un observatoire sans équivalent des saisons et des tendances », relève ce cuisinier affable et volontiers pédagogue. Cet acheteur pas comme les autres interrompt même depuis la rentrée chacune de ses visites à 5 h 50 pour dérouler depuis son téléphone portable une chronique quotidienne sur RTL dans laquelle il décortique un « plat du jour », de préférence goûteux et écologique.
Comme chez lui au carreau des producteurs
« Eh ! François, tu as vu les courges bleues de Hongrie ? » l’interpelle l’un. « Tu sais, on travaille en permaculture depuis trois ou quatre ans, on ne laboure plus », lui lance un autre, s’adressant au chef comme à un confrère paysan. Au carreau des producteurs, François Pasteau, promoteur de l’achat local, est un peu comme chez lui. Ce matin-là, il y passera près de deux heures, papillonnant des carottes violettes de Jean-Louis Ranou aux pommes Canada de Bernard Guicheteau (tous deux de Seine-et-Marne), et du fenouil de Francis Tremblay (Val-d’Oise) aux œufs de Stéphane Darche, dont la ferme est à côté de Coulommiers. Bien couvert en marchandises en cette fin de semaine, François Pasteau se contentera ensuite d’une tournée aux fruits et légumes pour se fournir en agrumes chez Lliso, d’un passage éclair par les établissements Rigolet aux produits laitiers pour finir par une visite de courtoisie à Gino Catena au pavillon de la volaille.
L’heure du retour aux cuisines a sonné. L’acheteur va passer la main au chef. François Pasteau adore les associations audacieuses mais complémentaires entre goûts et textures. Le panais acheté le matin finira ainsi dans un surprenant dessert de lentilles, panais et pommes patte de loup. « Le panais, plus on avance dans l’hiver, plus il est sucré », assure l’expert.
Le patron de l’Épi Dupin s’ingénie à trouver une destination appro-priée à tous les produits qu’il achète, produit ou transforme. Les tiges du fenouil seront par exemple transformées en confiture, puis en sucre ou en glace ; la chapelure du pain de la veille (des pains en forme d’épis fabriqués sur place) en biscuits et le tourteau de l’huile de noisette en pâte pour la pâtisserie. Les produits ou plats n’ayant pas trouvé preneurs finiront à prix réduit sur l’application antigaspi « Too good to go » et les épis invendus à un euro les quatre le soir. La recette sera reversée à Action contre la faim. Chez François Pasteau, l’antigaspi est une vraie philosophie.
François Pasteau et son second, Germain Barbier, entré il y a huit ans à l’Épi Dupin.
L’Épi Dupin
11, rue Dupin 75006 Paris
Tél. : 01 42 22 64 56
www.epidupin.com
Ouvert du mardi au vendredi, midi et soir
Formules de 30 à 56 euros au restaurant, à 15 euros et 18 euros à l’Épi Malin
Des assiettes au bon goût de Rungis
À notre retour du marché de Rungis, la brigade de François Pasteau et de son second, Germain Barbier, nous a préparé un menu 100 % Rungis, commenté par le chef !
L’entrée
Salade de lentilles, œuf mollet plein air, crème de parmesan
« Dans cette salade plutôt classique, les œufs de plein air viennent de la ferme des Parrichets à Mouroux (77), les lentilles de la ferme de Férolles à Crécy-la-Chapelle (77), la moutarde frisée de chez Marc Beausse, à Chailly-en-Bière (77), et les betteraves de Patrick Lemaçon à Montagny-en-Vexin (95). »
Le plat
Choux de Pontoise aux noix et abricots secs, échine de cochon basque
« J’ai cuisiné aujourd’hui l’échine de porc basque (de chez Chassineau) avec une poêlée de chou de Pontoise, noix fraîches, abricots secs et mousseline de panais. Le chou de Pontoise vient de chez Olivier et fils, à Villebon-sur-Yvette (91), le cresson, de chez Martine Barberot à Milly-la-Forêt et le panais de chez Patrick Lemaçon. »
Le dessert
Poires rôties au miel, mousse praliné, glace verveine
« Le dessert est un cake de voyage au Grand Marnier proposé avec des poires rôties et une glace. Les poires viennent de chez Bernard Guicheteau du Verger de Pomamour (77). La mousse de noisette a été faite avec le tourteau de noisettes de la ferme de Féroles (77) et la quenelle de glace avec la verveine citronnée de chez Chevet à Presles-en-Brie (77). Petits détails : la gelée a été faite avec des peaux de pommes et le croquant a été apporté par de petites brisures de gâteaux cassés lors de la cuisson. » Quand on dit que chez François Pasteau, rien ne se perd !