Un Chef au Marché : Jean-Christophe LebascleUn Chef au Marché : Jean-Christophe Lebascle

Jean-Christophe Lebascle

Chef de la Manufacture et du Quai de Meudon

Dans le sillage du patron de la Manufacture à Issy-les-Moulineaux et du Quai de Meudon.

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Qui est le Chef Jean-Christophe Lebascle ?

Jean-Christophe Lebascle est l’un de ces fidèles ambassadeurs d’une cuisine française classique, accessible au plus grand nombre et fondée sur la valorisation de produits frais de qualité. Formée chez les plus grands (Michel Guérard, Michel Rostang, Marc Meneau), Jean-Christophe Lebascle, 52 ans, a repris en 1994 à son dernier mentor, Jean-Pierre Vigato, La Manufacture d’Issy-les-Moulineaux en 1994, l’une des belles tables de la ville du gastronome André Santini. Précurseur de la bistronomie, ce natif de la Mayenne n’aime rien tant que sublimer les terroirs et se méfie des effets de manche. Ses formules à 31 € et 39 € à la Manufacture et à 26 € au Quai de Meudon, magnifique établissement surplombant la voie du tram qu’il a ouvert en 2015 dans l’ancienne gare de la ville, l’obligent à la rigueur dans sa gestion et notamment dans ses achats. C’est l’une des raisons qui pousse ce travailleur acharné à se lever un peu plus tôt deux fois par semaine, les mardis et jeudis, pour arpenter le marché de Rungis. Nous avons suivi son pas alerte d’un pavillon à l’autre, à la recherche des beaux produits et des promotions avantageuses, entraîné à notre tour par son goût des saisons et sa passion du métier.

5h15 : En retour pour Rungis

Jean-Christophe Lebascle nous a donné rendez-vous devant La Manufacture, son restaurant historique d’Issy-les-Moulineaux (Hauts- de-Seine), qu’il dirige depuis 1994. « C’est plus tard que d’habitude, mais j’ai assez peu d’achats à faire sur le Marché ; la fréquentation des deux restaurants est très calme avant la rentrée et je me suis déjà bien couvert mardi dernier », explique d’emblée le patron, les traits à peine tirés par le service de la veille au soir. Le Jumpy aux couleurs du Quai de Meudon démarre dans la nuit.
Le trajet durera à peine une vingtaine de minutes. « La proximité du MIN est une chance, se félicite le chef. Cela me permet d’être flexible dans mes achats puisque je sais que si j’ai beaucoup de monde (la fréquentation dépasse 250 couverts par jour en fin de semaine, Ndlr), je peux intercaler une visite supplémentaire. Beaucoup de chefs en province ne bénéficient pas de cette souplesse. » Seul maître à bord de ses deux établissements, il effectue ses achats en personne depuis plus de vingt ans. Le chef d’entreprise s’y retrouve autant que le chef de cuisine.

Jean-Christophe Lebascle

Si je viens sur le Marché, c’est bien sûr aussi parce que cela me permet de réduire le coût de mes approvisionnements d’environ 20 % par rapport à une marchandise que j’aurais achetée dans un autre circuit.

5h45 : Arrivée au Carreau des producteurs

La visite commence invariablement par le Carreau des producteurs. « Ils ont parfois peu de quantités, il faut donc y être tôt pour rapi­dement faire le plein des fruits et légumes dont j’ai besoin. » En moins d’une heure, Jean-Christophe Lebascle a superposé sur son diable une quinzaine de cagettes de céleris, poireaux, salades, courgettes, tomates. De quoi alimenter garnitures et sauces des jours suivants. Virevoltant d’un étal à l’autre, le chef barre une à une les lignes de sa liste de courses. Aux Saveurs de Chailly, le nez du chef est attiré par le parfum persistant de belles Mara des bois remontantes. « On s’en servira pour la salade de fruits rouges de la Manufacture ou l’assiette de fruits rouges du Quai de Meudon », confie-t-il.

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6h30 : Aux pavillons de la viande

Une fois chargé, le fidèle Jumpy reprend sa course vers le quartier des viandes. Passage d’abord au V1P chez Martin, qui lui a mis de côté des carrés pour les côtes d’agneau rôties à la fleur de thym et tian d’aubergines à la provençale de la Manufacture. À peine le temps de juger de l’état de maturité des pièces de viande bovine en suspension qu’il faut déjà se hâter vers la volaille. Petit échange avec Pierre Potier, le patron de de Reilhe Martin, fournisseur régulier de Jean-Christophe Lebascle. Le chef, lui, prend aujourd’hui des ailerons de volaille mais surtout de beaux pigeons que le chef du Quai de Meudon apprêtera en deux cuissons, duxelles de champignons et salade de saison. « Désossés bien sûr, car aujourd’hui, le temps des clients est compté. » Après la pause-café rituelle au comptoir du Saint-Hubert, nouveau saut de puce jusqu’à la triperie, où Jean-Christophe Lebascle a ses habitudes. « J’ai en permanence des produits tripiers à la carte et j’aime les travailler », lance-t-il devant Patrice Parant, cogérant d’Audebert, qui le fournit « depuis des milliers d’années ». « J’aurais même dit la nuit des temps », lui répond le grossiste en mode rungissois. Jean-Christophe repart du V1T les bras chargés de foies et d’onglets de veau pour la carte du Quai de Meudon, mais aussi de spectaculaires oreilles de cochon, pour l’entrée signature de la Manufacture : les oreilles servies chaudes et croustillantes. « La préparation est tout un cérémonial, qui dure presque trois jours, plaisante le chef. Les oreilles sont mises à dégorger et blanchies, puis je les fais confire dans de la graisse d’oie pendant sept à huit heures. Elles sont ensuite égouttées, émincées finement et enfin poêlées. »

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7h30 : Aux secteurs Traiteur et Poisson

Le soleil se lève sur le Marché. C’est l’heure de quelques achats stratégiques au secteur du traiteur. Jean-Christophe passe chez Masse d’abord pour y récupérer des foies gras « bien fermes et pas trop jaunes », qu’il cuira au torchon et servira avec une compotée de rhubarbe. Puis il embraye direction Armara, le spécialiste des produits de la mer. « Je leur prends le saumon et le homard. Pour le reste, je m’approvisionne en direct du Guilvinec ou auprès d’un commissionnaire du A4, car les horaires de la Marée ne me permettent pas d’y aller moi-même. ». En matière de saumon, son choix s’est porté sur le Bømlo, un saumon produit dans un élevage norvégien qu’il connaît pour l’avoir visité. « C’est selon moi ce qui se fait de mieux, du poisson ultrafrais, mis sous vide moins de trois quarts d’heure après être sorti de l’eau, qui peut se conserver trois semaines. » Le Bømlo est proposé cru-cuit ou rôti sur la peau à Issy-les-Moulineaux, mais aussi en filet rôti, quinoa aux herbes et jus acidulé à Meudon. Après quelques minutes de négociation qui font miraculeusement apparaître des homards là où il n’y en avait plus, le chef repart également avec quelques beaux crustacés. « En ce moment, je propose à la Manufacture une blanquette de suprême de volaille de Bresse et homard. Cela rappelle les vieux classiques de la cuisine française d’autrefois, comme le poulet aux écrevisses. »

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8h15 : Fin du marché aux fruits et légumes

La tournée du Marché de Rungis se termine par les fruits et légumes. L’occasion pour Jean-Christophe Lebascle de faire des achats complémentaires du Carreau des producteurs mais aussi de profiter des occasions du jour. Ce jeudi, le chef se laisse tenter par deux cagettes de figues des Cailloux, des producteurs provençaux. « On en fera peut-être des figues rôties enrobées de pancetta, ou elles partiront chez le chef cuisinier. » Deux jours plus tôt, Jean-Christophe était reparti du C2 avec huit cagettes de girolles italiennes cédées au prix imbattable de 4,50 € le kilo.

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10h : Retour au restaurant Le Quai de Meudon

Revenus du Marché, nous retrouvons Olivier Lamy, le chef du deuxième restaurant de Jean-Christophe Lebascle. Ce fidèle, auquel le patron a cédé 10 % des parts de l’établissement, est justement en train de cuisiner les champignons achetés l’avant-veille. « Ce matin, après avoir égoutté les girolles, on est en train de les faire tomber (les réduire, Ndlr), précise le chef de cette nouvelle adresse à l’esprit brasserie. Je vais les servir en plat du jour, avec un blanc de volaille. Le reste, on s’en servira pour faire des ravio­les de champignons en entrée. Et les parures, j’en ferai une crème aux girolles. L’avantage avec des beaux produits frais de Rungis, c’est qu’on ne perd rien. » À ses côtés, Jean-Christophe Lebascle ne peut qu’acquiescer.

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