Pour les entreprises de fleurs et de décoration de Rungis, cela fait déjà de longues semaines que la période des fêtes a commencé. « Nous envoyons nos catalogues à nos clients dès la rentrée, car les précommandes sont prises très tôt, jusqu’à la fin octobre », explique Ornella Dutreive, responsable communication et marketing de Penja, spécialisé dans les fleurs et feuillages exotiques. « Les showrooms de Noël, au sein desquels sont présentées les nouvelles collections, sont généralement mis en place fin août-début septembre », enchaîne Sébastien Chol, de Feuillazur, grossiste et importateur de fournitures de fleuriste et d’articles de décoration.
Le décorateur et scénographe de l’entreprise organise dès les premiers jours de la rentrée des séances photo et rendez- vous avec les clients décorateurs, fleuristes ou agences d’événementiel pour présenter les objets tendance de l’année.
Pour les deux entreprises, la saison conditionne en grande partie la réussite commerciale de l’année. « Les fêtes de fin d’année représentent de loin la plus grosse période de travail, près de 40 % de l’activité se joue en l’espace de deux mois très intenses », reprend Sébastien Chol. Ornella Dutreive évoque plutôt de son côté « 30 % du chiffre d’affaires annuel » mais une activité très concentrée sur les deux semaines précédant Noël et le Nouvel An. « Les arrivages vont être énormes à partir du 17 décembre pour être disponibles chez les fleuristes les 22 et 23 décembre, avec des cartons qui vont remonter dans les allées, précise-t-elle. Deux équipes, l’une de jour et l’autre de nuit, vont se succéder pour desservir la clientèle du carreau et préparer les livraisons. »
La réussite de la saison se joue cependant bien en amont, dans le choix des variétés, des objets, des formes et des couleurs. « Les tendances en matière de couleurs de décoration et de fleurs sont en grande partie lancées par le monde de la mode », explique Ornella Dutreive. Les fashion weeks de printemps-été, par exemple, constituent l’une des sources d’inspiration des décorateurs. « Ce ne sont pas forcément des tendances annuelles, elles peuvent se poursuivre sur plusieurs hivers », tempère Ornella Dutreive, qui retient chaque année trois ou quatre nouveautés en matière de décoration en fonction des tendances qui sont pressenties. En matière de végétaux, la responsable communication et marketing de Penja s’inspire également du catalogue de tendances publié chaque année par Chlorosphère, un bureau d’études spécialisé. « Désormais, les réseaux sociaux, comme Pinterest ou Instagram, sont des prescripteurs très suivis », ajoute Sébastien Chol.
Retour au Noël d’antan
De quels habits seront donc revêtues les fêtes de fin d’année en 2018 ? En décoration, un thème revient de manière récurrente : celui du Noël d’autrefois. « Tous les articles que nous proposons sur le thème des vieux jouets, voitures, poupées, etc. connaissent un grand succès », révèle Sébastien Chol, qui se félicite d’avoir fait fabriquer ces soldats débonnaires de grande taille, très demandés, ou de proposer d’amusantes marionnettes de sorcières chevauchant un vieux balai. Une tendance qui se retrouve dans les coloris de l’année, « avec des rouges plus patinés qu’à l’habitude, des couleurs volontiers vintage, mates, et toujours l’or poudré et le blanc », détaille-t-il. Le Noël d’antan ressort chez la plupart des spécialistes de la décoration, comme ces ours rétro ou ces manèges d’autrefois vus chez Sobo, généralement proposés en matériaux naturels, comme le bois. « Noël, cette année, est très nature », assure Sébastien Chol, qui relève l’appétence pour les végétaux, les fleurs et feuilles séchées ou les objets en bois. On a ainsi vu à plusieurs reprises de beaux sapins reconstitués en bois en provenance de Bali, mais aussi chez Penja des coupelles et autres vases à base de noix de coco, des cosses de maripa qui serviront de support pour les compositions des fleuristes. « C’est une grosse vente au moment de Noël », confirme Ornella Dutreive qui relève cette année pun goût our les produits bruts (raw), qu’illustre par exemple la mode des vases soufflés sur souche.
Dans la même veine, les feuillages, fleurs et fruits séchés reviennent en force cette année. « C’est un vrai phénomène, remarque Sébastien Chol, qui voit ses clients se tourner vers le delphinium ou le blé blanchi, un clin d’œil de l’histoire puisque c’était le métier d’origine de Feuillazur », sourit-il. « La star, chez nous, c’est le poivre séché, coloré en rouge, noir, or ou argent. Un fleuriste sur deux en achète à Noël », assure Ornella Dutreive. Les fêtes de fin d’année sont également une période de prédilection pour les cannelles, citrons et oranges séchés, les végétaux paillettés aux couleurs de Noël – Aspidistra, Salal, Ruscus, Bear Grass (herbe d’ours), bouleau, saule… – ou pour les roses stabilisées. « Les roses stabilisées sont une des grosses ventes de la période », constate Sébastien Chol, qui propose, par exemple dans son catalogue, des roses à la finition perlée aux teintes burgundy (un bordeaux pigmenté d’une note de brun), café ou chocolat. « L’époque se prête à toutes sortes de fleurs “noëllisées”, givrée, pailletées », poursuit-il. « Quelques couleurs inaccoutumées apparaissent cependant cette année, complète Ornella Dutreive, comme le bleu foncé, très tendance, et le vert arctique. »
Fleurs : le classique et l’exotique
En matière de végétaux, il y a les adeptes du classique et les tenants de l’originalité. Côté tradition, on ne coupera guère au poinsettia, populaire pour sa forme originale et sa taille idéale en décoration de table, ou à l’inévitable amaryllis dont on ne compte pas moins de 80 variétés. D’autres fleurs « de saison » se disputent les places d’honneur, la jacinthe, l’hellébore, mais aussi les lys, cymbidium, anémones et tulipes renoncules. « Il ne faut pas oublier les roses, en particulier rouges, qui se vendent énormément en cette période », complète Ornella Dutreive, dont l’entreprise est spécialisée en roses d’Équateur où elle s’approvisionne directement auprès de quatre fournisseurs. Les branchages sont évidemment de saison, avec en tête le houx et toutes les variétés d’ilex, baies de rosiers roses, rouges, dont les étalages de Fleur assistance, par exemple, débordaient déjà mi-octobre.
Rien n’interdit, bien au contraire, d’ajouter une note d’exotisme aux fêtes de fin d’année. C’est naturellement l’atout de Penja, spécialisé dans les fleurs exotiques avec ses plantations situées au Cameroun. « Nous vendons à cette période des compositions toutes faites sur le thème de Noël, avec par exemple deux Heliconia et des feuillages dans un vase en bois, ou trois fleurs exotiques, un fruit et une graine dans un sac de transport », détaille Ornella Dutreive qui met en avant notamment des Anthurium rouges, bien adaptés. Autre article à succès : les bouquets bulles, qui permettent aux fleuristes de les présenter immédiatement en magasin après avoir rempli la bulle d’eau. Enfin, le palénopsis du Vietnam qui compte six tiges de sept fleurons parfaitement symétriques et tient au minimum quatre semaines « part comme des petits pains à Noël dans sa version blanche ».
Une fois arrêté le choix des objets, plantes et fleurs, il ne reste plus qu’à leur donner la lumière susceptible de faire rejaillir la magie de Noël. « On assiste cette année à l’explosion des guirlandes lumineuses en boa, avec un maximum de points lumineux sur de grandes longueurs », explique-t-on chez Végétal Rungis. « Les micro-LED, à piles ou sur secteur, sont également des produits très tendance, qui permettent de diffuser une lumière discrète par des centaines de points lumineux », poursuit le responsable du rayon décoration. Patience, ce sera bientôt l’heure de déballer les cadeaux…
Bruno Carlhian
Top départ pour le sapin
Le ballet des sapins de Noël va reprendre ses droits du 12 novembre au 23 décembre sur le marché de Rungis. Une période cruciale pour les vendeurs comme Stéphane Lamby, le gérant de Nature et sapins, l’un des plus gros faiseurs : « Le groupe commercialise environ 300 000 arbres en France, dont 120 000 uniquement à Rungis. » Si la sécheresse a affecté également les cultures de sapin, la qualité sera encore au rendez-vous cette année, assure-t-il. L’entreprise compte vendre un peu plus de label Rouge, le « sapin de Noël coupé » ayant obtenu l’accès à ce signe de qualité supérieure en 2016. « Les cultures progressent peu à peu et cette distinction très connue a un bon impact sur les ventes, même si on en est encore au début du projet », précise Stéphane Lamby. Nature et sapins espère vendre « 20 à 30 % » de ce haut du panier de la production, dont les premières coupes ne peuvent avoir lieu qu’à partir du 21 novembre.