Chaque semaine, les responsables de la Ferme des Trente Arpents se prêtent à un immuable rituel. Didier Buet, qui dirige l’exploitation, Laurent Ponthoreau, le fromager, et Martial Médard, chef d’équipe et mémoire de la maison, goûtent les bries de Meaux sur le point d’être commercialisés. La dégustation vise à sélectionner les fromages qui bénéficieront de la marque Edmond de Rothschild, destinée aux circuits les plus prestigieux. Un cérémonial qui rappelle à chacun la vocation que le baron Edmond avait assignée à la ferme et que son fils Benjamin cultive depuis : porter au plus haut les couleurs du brie de Meaux, qualifié de « roi des fromages » par Talleyrand.
La Ferme des Trente Arpents produit aujourd’hui le seul brie de Meaux fermier de l’appellation. « Nous avons la particularité de maîtriser l’ensemble de la filière, de la fourche à la fourchette, explique Didier Buet, arrivé à la tête de l’exploitation depuis bientôt trois ans. Plus de 90 % de l’aliment du bétail est produit sur la ferme. Cela va jusqu’à la pulpe de betteraves, inscrite dans le cahier des charges », poursuit l’agriculteur. La ferme compte aujourd’hui 250 vaches laitières, qui ont permis de produire l’année dernière près de deux millions de litres de lait.
La transformation est elle aussi intégralement réalisée sur place dans un atelier bâti à deux pas des stabulations. « C’est une production artisanale, mais pilotée de façon très moderne et sécurisée compte tenu de la sensibilité du lait cru, explique Laurent Ponthoreau. Nous fabriquons les fromages en fonction des commandes. En forte saison de consommation, en particulier en automne, toute la collecte est transformée. En période creuse, une partie est revendue à l’extérieur. »
La production totale a frôlé les 300 tonnes en 2019, principalement en brie de Meaux fermier et en brie truffé, « une spécialité qui tend à prendre une place de plus en plus importante, car elle est très demandée », précise Laurent Ponthoreau. La Ferme des Trente Arpents produit également du brie à la moutarde de Meaux, mais aussi du brie de Favières ou de Provins (sans AOP), du coulommiers, un crémeux fermier (type Brillat-Savarin), et une tomme, le merle rouge. « Avec environ 1,5 % de la production, nous sommes un petit acteur de l’appellation brie de Meaux, mais nous contribuons à la faire rayonner jusqu’au Japon ! », se félicite Didier Buet.
Pour assurer la distribution de ses fromages, la ferme peut compter sur le réseau d’Edmond de Rothschild Héritage, mais aussi sur les grossistes de Rungis, partenaires depuis l’origine. « Le marché constitue un débouché naturel pour nos produits, car il est à la fois tout proche et permet une diffusion nationale et même internationale de nos produits », note le directeur de l’exploitation. Les produits de la ferme sont notamment commercialisés par la SAFF, Gratiot, Desailly, Le Delas ou encore Masse.
Bruno Carlhian
Infos clés
Domaine des Trente Arpents
77220 Favières
Téléphone : 01 64 07 02 12
• 1 000 ha de bois
• 600 ha de culture
• 40 employés, dont une douzaine à la laiterie
Bio
La Compagnie fermière Benjamin et Edmond de Rothschild, qui exploite la Ferme des Trente Arpents, fait partie de la division Art de vivre du groupe Edmond de Rothschild. Outre le domaine de Seine-et-Marne, berceau de la branche française des Rothschild, Edmond de Rothschild Heritage compte, entre autres, trois hôtels sur le plateau du mont d’Arbois – la baronne Noémie de Rothschild est à l’origine de la création de la station de Megève dans les années 1920 –, une dizaine de restaurants (dont deux étoilés) et des vignobles en France, Argentine, Espagne et Nouvelle-Zélande. C’est Edmond de Rothschild, décédé en 1997, qui est à l’origine de la création de la ferme sur les terres familiales. Son souhait était de retrouver le goût du brie de Meaux de son enfance. Ses produits sont mis en valeur dans l’ensemble des établissements du groupe et dans deux épiceries : l’une au domaine, Le Cellier, et l’autre à Megève.
Dixit
« À la fin des années 1980, l’un des principaux producteurs de brie de la région a assuré qu’il serait impossible de produire du Brie de Meaux fermier. C’était compter sans l’abnégation du Baron Edmond ! » Didier Bue