Cap à l’ouest
Ce restaurateur de 48 ans a connu les plus grands chefs au cours de sa carrière. Après les cuisines du Taillevent ou du George V, il œuvre depuis 2005 dans les cuisines de son restaurant étoilé Auguste.
Si la crise sanitaire a conduit bon nombre de restaurateurs à se réinventer en se lançant notamment dans la vente à emporter, Gaël Orieux, lui, n’a pas souhaité maintenir une activité durant la fermeture imposée aux CHR par le Gouvernement. Pourtant, le chef étoilé est bel et bien présent dans son établissement, le téléphone vissé à l’oreille pour assurer des activités de conseil ou s’enquérir du sort de ses fournisseurs, eux aussi malmenés par la pandémie.
Voilà déjà dix-sept ans que ce chef originaire de Bretagne exerce ses talents dans son restaurant, le bien nommé Auguste, en hommage aux augustes Renoir et Escoffier. Depuis ses expériences dans les cuisines étoilées de différents palaces parisiens, Gaël Orieux cultive des liens étroits avec le Marché de Rungis où il se fournit à 90 %. Fils d’une pharmacienne et d’un chirurgien, il ne se prédestinait pas à embrasser la gastronomie. « Je me suis orienté vers la cuisine sur le tard, je m’intéressais davantage aux sports de haut de niveau. Pour prévenir mes arrières, j’ai passé un CAP de cuisine à l’école Ferrandi », se souvient-il. Le déclic interviendra durant son service militaire. Appelé sous les drapeaux au début des années 1990, Gaël Orieux intègre les cuisines de Matignon où il côtoie « des cuisiniers aguerris » issus des brigades de Paul Bocuse ou des frères Troisgros. C’est un certain Christophe Muller, MOF que l’on ne présente plus, qui introduit alors Gaël Orieux chez le pape de la gastronomie, Paul Bocuse. « Il m’a dit que j’avais l’air assez sportif et costaud pour “ ce restaurant qui dépote ” », sourit le Breton qui, depuis cette expérience en tant que commis, n’a jamais quitté l’univers de la restauration. Par la suite, les maisons étoilées vont s’enchaîner pour le chef. Il rejoint alors la brigade du mythique Alain Senderens (qui venait de quitter L’Archestrate) en qualité de commis, puis de chef de partie ; l’accompagnant ainsi au Lucas Carton. « Durant cette période, j’ai rencontré énormément de chefs qui ont réussi dans la cuisine. Il n’y avait pas de bistronomie et la gastronomie était cantonnée aux restaurants étoilés dans lesquels les chefs décidaient de placer tel ou tel élément. C’est un championnat qu’on ne maîtrisait pas en tant que joueur ; les listes d’attente étaient interminables », illustre Gaël Orieux. Il cite, pêle-mêle, Christian Constant, Yannick Alléno ou encore Jean-François Piège.
À la fin des années 1990, le chef rencontre Philippe Legendre et intègre son équipe dans les cuisines du Taillevent. Gaël Orieux perfectionne alors sa technique durant près de quatre ans dans ce restaurant gastronomique, avant d’emboîter le pas à Philippe Legendre. Ce dernier était alors chargé d’animer l’offre culinaire du célèbre George V ; un pari réussi dans la mesure où l’homme a décroché trois macarons en deux ans. Après un passage au Meurice aux côtés de Yannick Alléno, le chef décide d’ouvrir son propre restaurant.
Une source d’inspiration
En 2005, le Breton ouvre finalement Auguste et, pour s’approvisionner en marchandises, décide de rester fidèle au Marché. « Je me suis rendu tardivement, pour la première fois, au Marché de Rungis. Ce sont des chefs de petites maisons étoilées, à l’instar de Pascal Barbot ou Jean Chauvel, qui m’ont fait sauter le pas. Ce qui m’a surpris la première fois, c’est la quantité de produits et ce côté fourmilière », explique-t-il. Pour Gaël Orieux, Rungis permet « d’ouvrir l’esprit » sur la cuisine. Il regrette d’ailleurs aujourd’hui de ne pas se rendre suffisamment sur le Marché : « Nous, cuisiniers, quand on va au Marché, on imagine instantanément des recettes que l’on peut mettre en œuvre. » Cette source d’inspiration, le chef du restaurant Auguste ne s’en priverait sous aucun prétexte. « J’ai toujours travaillé avec Rungis, abonde-t-il. Dans les palaces parisiens, nous nous fournissions auprès des Vergers Saint-Eustache (maison Charraire), d’Huguenin ou encore des Boucheries nivernaises ; en fait les gros mammouths rungissois qui ont tous une offre premium pour la restauration étoilée. » Le chef étoilé apprécie la flexibilité de ces grossistes qui s’appuient sur une flotte de camions afin d’assurer des livraisons à n’importe quel moment de la journée. « Même si vous appelez à 16 h, vous aurez le produit. Mais ça se paye », tranche Gaël Orieux.
Ce dernier a vu évoluer ses fournisseurs qui ont tous à cœur aujourd’hui de développer l’offre de produits émanant de petits producteurs. Dans l’assiette, cela se traduit par une fusion tout à fait déroutante de la terre et de la mer. Ici, la biche est escortée d’anguille fumée ; là, l’agneau est poché à l’eau de mer. En entrée, on découvre ainsi des crustacés, tandis que les plats font la part belle aux viandes et aux poissons. Parmi les best-sellers, on retrouve la langoustine rôtie au pistou de salicorne et ses ravioles d’avocats glacés au jus de viande et parmesan ou encore le ris de veau aux champignons et abricots. Les gourmets qui souhaitent déguster les créations de Gaël Orieux devront probablement patienter jusqu’au mois de février avant de (re)découvrir les créations du chef.
Mickaël Rolland
Entre terre et mer
Situé à proximité de l’Arpège d’Alain Passard, le restaurant Auguste (une quarantaine de places assises) de Gaël Orieux dispose d’une étoile au Guide Michelin depuis 2007. Dans cet antre de la cuisine terre et mer, le Breton propose depuis plus de quinze ans des plats audacieux conjuguant des saveurs déroutantes. Le chef est un fin négociateur ; ce qui lui permet de maintenir une fourchette de prix attractive et de figurer au rang des étoilés les plus accessibles de Paris. Chez Auguste, qui emploie une quinzaine de salariés, on trouve ainsi une formule le midi à 39 e (entrée + plat + dessert) et un menu dégustation facturé 90 e.
Le ticket moyen, avec les vins, atteint 55 e le midi et 150 e le soir. Gaël Orieux, ambassadeur de Mr. Goodfish, met un point d’honneur à préserver les ressources halieutiques en valorisant des espèces marines délaissées, comme le chinchard
et le tacot.
Ses fournisseurs
à Rungis
Les Vergers Saint-Eustache
www.v-st-eustache.com
Cédral (Boucheries Nivernaises)
www.boucheries-nivernaises.com
Huguenin
Le Delas
www.ledelas.fr