Gilles BreuilGilles Breuil

Gilles Breuil

Le restaurateur parisien perpétue avec talent la tradition gastronomique bourguignonne à deux pas du Casino de Paris. Il compte bien poursuivre son métier, mais autrement.

Réveil d’un resto
Gilles Breuil, le patron de Bourgogne Sud, a rouvert les portes de son restaurant de la rue de Clichy à Paris. Ce fidèle du Marché de Rungis et conseiller auprès de brasseries a profité des mois de fermeture pour repenser l’offre et l’organisation de son établissement.

S’il n’aime pas l’expression selon laquelle chacun « réinventerait » son métier, c’est pourtant un peu ce qu’a fait Gilles Breuil, le patron de Bourgogne Sud, joli restaurant bourguignon situé rue de Clichy, à deux pas de Saint-Lazare. « La période que nous avons traversée depuis 15 mois m’a amené, comme la plupart de mes collègues, à réfléchir à la manière dont je voulais conduire mon affaire à l’avenir, dans un contexte qui a beaucoup évolué, pour mes clients comme pour moi », développe ce professionnel chevronné, passé par tous les métiers de la restauration avant d’ouvrir sa propre adresse en 2011.
Le restaurateur mâconnais s’est, comme d’autres, mis à la vente à emporter. « Le service a rencontré un certain succès avec jusqu’à 70 clients par jour. Cela nous a surtout permis de maintenir le contact avec la clientèle qui vit et travaille localement en l’absence des touristes et des habitués des nombreux théâtres situés alentour. » Si la vente à emporter a baissé depuis la réouverture partielle des restaurants, l’équipe de Gilles Breuil continue de proposer à la commande ses spécialités bourguignonnes servies à table : ce jour-là terrine bressane aux foies de volaille, paleron de bœuf au pinot noir et quenelles de brochet. « Je suis convaincu que le service à emporter va se maintenir dans les années qui viennent. Je constate déjà que ma clientèle de cabinets d’avocats commande régulièrement à midi quand elle venait à table précédemment. »
Gilles Breuil 2Mais les changements de comportement ont incité le patron à revoir plus en profondeur encore l’économie de son restaurant. Une partie de l’établissement est ainsi désormais dédiée non seulement à la vente à emporter, mais aussi à une activité d’épicerie-caviste. On y retrouve désormais des vins d’apéritifs, des conserves, des condiments, des confitures artisanales, mais aussi une sélection rigoureuse de vins de Bourgogne. « C’est un espace que nous allons ouvrir en fin d’après-midi pour des apéritifs dînatoires (« afterworks »), avec vin au verre et planches. Cela correspond aussi à de nouvelles habitudes. »
Gilles Breuil a enfin profité du deuxième confinement pour agrandir et rénover en profondeur la salle principale, consacrée à la restauration assise. « J’y ai investi environ 60 000 €, ce que je n’aurais pas pu faire sans les aides et le PGE », précise-t-il, en insistant sur le fait que les restaurateurs « ont été très bien soutenus pendant la crise ». La salle assise peut désormais accueillir une cinquantaine de personnes, un chiffre inférieur aux 75 que le restaurant pouvait accueillir auparavant, mais qui convient au patron. « Nous sommes montés à 14 employés, ce qui est devenu difficile à tenir dans le contexte actuel », assure le restaurateur, dont un tiers de l’équipe est encore au chômage partiel.

Un nouveau Maître restaurateur ?

L’objectif du patron est à terme de « monter un peu en gamme, tant dans l’assiette que dans le service ». Gilles Breuil souhaite notamment candidater au label de « Maître restaurateur » titre reconnu par l’État et accordé par le préfet pour une durée de 4 ans, qui impose de respecter un cahier des charges bien précis fondé sur plus de 30 critères. « J’aimerais tout simplement être reconnu pour ce que je fais, c’est-à-dire de la cuisine faite maison, à partir de produits frais et de proximité », argumente Gilles Breuil, dont le savoir-faire est reconnu de longue date par les confréries gastronomiques. Leurs recommandations tapissent la vitrine et les murs, des « francs-mâchons » à l’Académie Rabelais en passant par les Bistrots beaujolais et jusqu’au Bon Bœuf Bourguignon décerné par l’observatoire du patrimoine gourmand.
Gilles Breuil met un point d’honneur à travailler des produits frais bien sûr, de saison et si possible de proximité. « Depuis dix ans, je fais presque 90 % de mes achats sur le Marché de Rungis », précise-t-il. Il achète, entre autres, ses volailles chez Avigros, sa viande chez GRG, ses produits de la marée chez Paris Caviar et s’appuie sur le carreau des producteurs pour ses approvisionnements locaux. « Je travaille notamment avec Patrick Lemaçon de l’EARL de la Burleyre, dans le Vexin, qui est sur le carreau. Il vient me livrer le samedi matin mes salades, radis, oignons, pommes de terre et quelquefois me collecte des produits de collègues sur le carreau. » Le « seul restaurateur mâconnais à Paris » qu’il pense être fait aussi venir du pays ses fromages de chèvre (Mâconnais et Charolais) de son compatriote Thierry Chevenet, mais aussi son beurre et sa crème de Bresse (AOP) et sa faisselle.
La cuisine de Gilles Breuil ne met en effet pas ses origines sous le boisseau. Bourgogne Sud est l’une des rares adresses à Paris où l’on prépare les œufs en meurette dans les règles de l’art, où il n’est pas incongru de commander des cuisses de grenouilles et où l’on connaît sur le bout des doigts la recette du poulet à la crème d’Époisses ! La carte des vins fait naturellement la part belle aux vins de la Côte châlonnaise dont le patron est originaire, mais ne snobe ni la côte-de-nuits ni la côte-de-beaune et pousse l’éclectisme jusqu’au Beaujolais et à la Vallée du Rhône. Du morgon de chez Lapierre au pernand-vergelesses du Domaine Perrin, il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Les clients généreux ou sympathiques sont récompensés à la fin du repas par l’arrivée triomphale sur la table de la bouteille de marc de Bourgogne de chez Jacoulot.
Depuis la réouverture du restaurant, d’abord sur la minuscule terrasse, puis à l’intérieur le 9 juin, la clientèle est revenue. « Nous sommes quasiment aux limites de nos capacités au service du midi », se félicite Gilles Breuil qui a notamment profité de l’ouverture à l’été 2020 du siège mondial de Pernod-Ricard à proximité, gare Saint-Lazare. « En revanche, nous restons encore fermés le soir, tant l’activité reste en dessous de l’habitude, déplore le patron. L’absence des touristes, mais aussi des salons professionnels nous pénalise encore fortement dans ce quartier où il y a peu d’habitations. Pour une vraie reprise, j’attends beaucoup de la prochaine Coupe du monde de rugby en 2023, puis des Jeux olympiques en 2024 ! ».

Bruno Carlhian

Gilles Breuil 1De la salle au conseil

Gilles Breuil dispose aujourd’hui d’une longue expérience de la restauration parisienne, des établissements les plus modestes aux plus grands. Après avoir été responsable de l’ouverture à la célèbre Brasserie Georges à Lyon de 1994 à 1998, le Mâconnais fraîchement arrivé à Paris devient maître d’hôtel au Dôme Montparnasse à Paris, puis au Dôme du Marais avant de prendre la direction d’exploitation du Petit Riche, puis du Procope. Il ouvre Bourgogne Sud en 2011, qu’il dupliquera quelques années à Neuilly-sur-Seine. « Mais il n’y avait pas la clientèle pour ce que je voulais faire », reconnaît-il aujourd’hui. Fort de ces expériences, Gilles Breuil fait aujourd’hui partager sa connaissance de la brasserie, de ses opportunités et de ses pièges au travers d’une activité de conseil. « J’aide ou j’ai aidé Le Métro (12e), le Livin’Café au Chesnay (78), ou encore Le Fleurus (Paris 6e) », précise l’avisé patron.

Ses fournisseurs

à Rungis 
Avigros
www.avigros.fr
GRG
grg-maisondesviandes.com
Paris Caviar
paris-caviar.fr
EARL de la Burleyre
(Carreau des producteurs)

Bourgogne Sud
14, rue de Clichy
75009 Paris
Tél. : 01 48 74 51 27