Kei Kobayashi a vu le jour au Japon, à Nagano. Il a débuté en cuisine à 15 ans, captivé par une émission de télévision dans laquelle apparaissait Alain Chapel. Ce n’est pas nécessairement la cuisine en tant que telle qui a provoqué chez lui un coup de foudre pour le métier, mais son aspect martial, où le cuisinier, coiffé d’une toque, d’une veste blanche et d’un pantalon noir, inspire la rigueur. Durant six ans, Kei Kobayashi a œuvré au Japon, dans un hôtel de Nagano, puis à Tokyo, où il a écumé plusieurs adresses. Très vite, le chef japonais se passionne pour la cuisine française. Cette relation, il décide de la poursuivre en France, où il pose finalement ses valises en 1999. C’est alors Gilles Goujeon qui lui ouvre les portes des cuisines de L’ Auberge du Pont, à Fontjoncouse, dans l’Aude. « Cela s’est bien passé, mais le travail était intense ! J’étais chef de partie à la viande », se souvient le chef du restaurant Kei.
Moins de deux ans après son arrivée, il poursuit sa route en Provence, dans un hôtel avignonnais, où il se consacre aux viennoiseries et aux pâtisseries ; puis chez Michel Husser, alors doublement étoilé au Guide Michelin pour le restaurant de l’hôtel Le Cerf. Là encore, il occupe le poste de chef de partie à la viande durant deux ans et demi. En 2003, Kei Kobayashi gagne Paris, pour rejoindre les cuisines du mythique Plaza Athénée, trois astres au Guide rouge, sous la direction de Jean-François Piège, puis de Christophe Moret. L’expérience durera sept ans : « C’est un gros morceau de ma carrière ; j’ai eu la chance d’être le second du restaurant Alain Ducasse au Plaza Athénée… J’avais demandé à mon ancien chef de me donner un coup de pouce pour intégrer l’établissement. Au début des années 2000, les chefs cherchaient des cuisiniers, maintenant ils reçoivent énormément de CV. Le recrutement dans les grandes maisons a évolué. » De son passage dans ce mythique palace, Kei Kobayashi retient la prédominance du produit ; un culte instauré par Alain Ducasse lui-même et qui a trouvé son paroxysme avec le concept de « naturalité », dans lequel le triptyque poissons, légumes et céréales est mis en avant. « La philosophie de M. Ducasse, c’est la recherche du meilleur produit, la régularité dans les approvisionnements de qualité et la confiance envers les fournisseurs. Cela m’a beaucoup influencé », dévoile le chef.
Il décide finalement de voler de ses propres ailes dès 2010, en faisant l’acquisition du restaurant de Gérard Besson, Le Coq Héron, qu’il rebaptise Restaurant Kei. Le premier service a lieu en 2011 et, pour le Japonais, c’est le grand bain : « Je suis passé de cuisinier à chef propriétaire, avec le lot de contraintes que cela engendre : management, administratif, etc. Il faut surveiller ses achats et savoir anticiper. » Le restaurant de Kei Kobayashi (une trentaine de couverts) est ainsi animé par dix personnes en cuisine et sept en salle. Le chef met un point d’honneur à parler « d’équipe », estimant qu’un maître queux et ses compositions culinaires ne sont rien sans de fidèles lieutenants.
« Le Marché offre de nombreux produits de qualité »
Tous les produits trouvent grâce aux yeux du chef de 42 ans ; les menus qu’il propose comportent ainsi crustacés, poissons, viandes et légumes. Pour parvenir à maintenir la régularité et la qualité de ses plats, Kei Kobayashi mise lui aussi sur une relation étroite avec les producteurs. « Les fournisseurs choisissent les produits pour nous, la confiance est donc capitale », estime-t-il. À Rungis, ce dernier a choisi de travailler avec Les Halles Trottemant (fruits et légumes), L’Écrevisse pour les crustacés tel le homard, ou encore Huguenin pour les viandes. Mais le chef sait varier ses approvisionnements : ses langoustines de casier proviennent ainsi directement du pêcheur. Très occupé en cuisine, Kei Kobayashi prend encore le temps de se rendre au Marché de Rungis, notamment pour visiter ses grossistes. « Le Marché offre de nombreux produits de qualité. Au Pavillon des viandes notamment, les infrastructures sont impressionnantes, avec un haut niveau d’hygiène », se félicite-t-il.
Le chef du Restaurant Kei aime cuisiner les produits de la mer. En la matière, il prône la technique de l’ikéjimé, consistant à percer un trou dans le crâne d’un poisson à l’aide d’un poinçon pour l’achever, plutôt que de le laisser agoniser sur le pont d’un bateau. La moelle épinière et les principaux vaisseaux sanguins sont par ailleurs sectionnés de la tête et la queue. La technique est encore peu répandue en France, si bien qu’il sert aussi dans son établissement des poissons issus de la pêche traditionnelle. « L’ikéjimé permet également de conserver le poisson plus longtemps, puisqu’il est vidé de son sang. La fermeté de la chair évolue : dix heures après la pêche, elle devient moins souple, ce qui implique de travailler le produit différemment. Certains chefs trois étoiles n’aiment pas l’ikéjimé, car ils doivent changer leur méthode », décrypte Kei Kobayashi. Le chef, qui vise l’excellence et la distinction suprême au Guide Michelin, a été récompensé d’une première étoile en 2012 et d’une seconde en 2017. De nombreux commentateurs s’accordent à dire qu’un troisième macaron devrait lui être octroyé dans les années qui viennent.
Mickaël Rolland

L’école de la rigueur
Restaurant Kei (2*)
5, rue Coq-Héron
75001 Paris
www.restaurantkei.fr
Tél. : 01 42 33 14 74
Ouvert du mardi au samedi