On est injuste avec le tourteau (cancer pagarus), ce crustacé décapode de la famille des cancéridés que l’on retrouve le long du littoral atlantique, des confins de la Norvège au sud du Maroc. Sous prétexte qu’il marche de travers (mais comment pourrait-il faire autrement vu sa morphologie ?), on l’associe au cancer, cette terrible maladie qui progresse insidieusement avant d’attaquer avec fulgurance. Il est urgent de le réhabiliter. Le crabe bien sûr, pas le cancer.
Evidemment, c’est un charognard des mers : le crabe se repait de tous les cadavres qu’il rencontre au fond de l’océan et l’on raconte que l’une des dernières famines qui eut lieu en France, au début des années 1930, fut provoquée par le fait que l’on aurait retrouvé les bijoux de naufragés dans leurs carapaces. Mais ce n’est pas pour autant que l’on doit négliger ses nombreuses qualités : chez le crabe, la copulation peut durer plusieurs heures et son sperme peut être stocké plusieurs mois par la femelle dans une spermathèque. Enfin, celle-ci peut parcourir plus de 250 kilomètres lors de ses migrations annuelles (le mâle, reconnaissable à la languette plus fine et étroite que celle de la femelle qu’il porte sur la face ventrale, est bien plus casanier). Et avec cela, on ose l’appeler dormeur ?