Étonnant destin que celui du « magret » de canard. Inconnu il y a encore un demi- siècle, ce morceau est entré dans les habitudes de consommation des Français, au point de supplanter le bœuf bourguignon au hit-parade de leurs plats préférés, si l’on en croit le sondage Expedia-Opinionway, mené en 2016.
Les magrets, issus des deux filets de chair prélevés sur la poitrine du canard gras, doivent leur postérité à André Daguin, qui dirigea le restaurant de l’hôtel de France à Auch. Au début de sa carrière, dans les années 1950, la chair des canards gras du Sud-Ouest, destinée à la production de foie gras, est essentiellement consommée rôtie ou en confit. On n’imagine pas alors pouvoir déguster seules ces pièces « maigres » (magret vient de l’occitan magre, qui signifie maigre). À l’époque, une certaine suspicion pèse sur la qualité sanitaire de la viande des canards gras, élevés sur une paille pas toujours exemplaire, que l’on préfère donc consommer bien cuite.
Le jeune André Daguin va faire voler en éclats ces préjugés. À la fin des années 1950, les conditions d’élevage se sont beaucoup améliorées. La viande des deux filets, cuite sur la graisse très riche du canard gras, va se révéler extrêmement tendre et savoureuse. Aussi, un beau jour de 1959, le chef propose-t-il à sa carte un magret saignant, dont l’apparence et la texture surprennent les clients de l’hôtel de France. « On le présentait sans gras, afin qu’il ait l’air d’un bon morceau d’entrecôte épais », racontait André Daguin, fier d’avoir pu faire prendre du canard pour du bœuf.
« Une nouvelle viande »
Le plat va peu à peu entrer dans les mœurs de la gastronomie du Sud-Ouest, plus habituée à l’époque aux confits. Il faudra attendre l’orée des années 1970 pour qu’un journaliste américain fasse à ce plat une réputation planétaire. Robert Daley, auteur de romans à succès, publie dans le New York Times un article sur le restaurant d’André Daguin, dans lequel il précise avoir « découvert une nouvelle viande : le magret ». Placé ainsi sous les projecteurs, le plat se répand sur l’ensemble des tables françaises.
Le succès est tel que les pouvoirs publics se doivent d’encadrer l’utilisation des termes « magret » ou « maigret ». En février 1986, le décret n° 86-226 stipule que cette dénomination « est réservée aux muscles de la masse pectorale constituant le filet, prélevés sur un canard ou une oie engraissé(e) en vue de la production du foie gras ».
Bruno Carlhian
Connaissez-vous la recette des...Brochettes de magret de canard aux agrumes
A tester chez vous sans plus attendre !
Que boire avec...le magret
Qui dit bons produits, dit bon vin !